D'après le théorème 9, une combinaison linéaire
d'applications linéaires est encore une application linéaire. Donc
l'ensemble des applications linéaires de dans
est un espace
vectoriel. L'espace des applications linéaires de
dans
joue un rôle important autant en algèbre qu'en analyse : on
l'appelle l'espace dual, et on le note
.
Une application linéaire de
dans
s'appelle une forme
linéaire. Plaçons-nous d'abord en dimension finie :
est un
espace vectoriel de dimension
. Sauf si celle-ci est nulle, l'image
d'une forme linéaire est
, et son rang est donc
. D'après
le théorème du rang (théorème 12), la dimension du
noyau est
. Le noyau d'une forme linéaire s'appelle un hyperplan
(un plan ordinaire si
est de dimension
).
Munissons d'une base,
. Parmi les formes linéaires définies sur
,
les applications coordonnées jouent un rôle
particulier. Nous les notons
. Pour tout
,
est l'application qui à un vecteur de
associe sa
-ième coordonnée dans la base
.
En conséquence, l'espace vectoriel
Le mot «dual» évoque une certaine symétrie entre et
: tout se passe comme si
était une image miroir de
.
On note traditionnellement par
le
crochet de dualité, à savoir l'image d'un vecteur par une
forme linéaire :
![]() |
![]() |
![]() |
|
![]() |
![]() |
![]() |
La relation
étant vérifiée pour
et
, elle est vraie pour
tous
et
, par la double linéarité. D'où
l'existence. L'application
est unique car elle est déterminée
par sa matrice.
La notion de dualité prend toute sa puissance en dimension infinie pour les espaces de fonctions, quand on y ajoute une notion de continuité que nous n'expliciterons pas. Le dual d'un espace de fonctions est l'ensemble des formes linéaires continues définies sur cet espace.
Comme premier exemple,
notons
l'espace vectoriel des fonctions continues
sur l'intervalle
. Voici une forme linéaire
définie sur
En dimension infinie, les duaux ont la
propriété de s'emboîter à l'inverse des espaces fonctionnels
dont ils sont issus. Par exemple l'espace
des
fonctions continues sur
et dérivables sur
est inclus
dans
. Son dual contient le dual de
.
Pour fabriquer un très gros espace vectoriel, qui englobe les
fonctions, les mesures, et bien d'autres objets utiles, il faut
prendre le dual d'un espace fonctionnel très petit. En novembre
1944, au cours de ce
qu'il décrit comme «la plus belle nuit de sa vie» dans ses
mémoires, Laurent
Schwartz a eu l'idée de prendre le dual de l'espace des
fonctions indéfiniment dérivables, nulles en dehors d'un
intervalle fermé et borné :
.
Les objets de ce dual généralisent à la fois
les fonctions et les mesures : ce sont les distributions.
Un des miracles des distributions est la possibilité
de les dériver à volonté, par la formule «miroir» :