Qu'une application linéaire respecte les combinaisons linéaires
entraîne qu'elle respecte aussi les sous-espaces vectoriels, au
sens suivant.
L'ensemble des images par une application linéaire des éléments
d'un espace vectoriel est un sous-espace vectoriel de l'espace
d'arrivée (point 1). L'ensemble des éléments de l'espace
de départ dont l'image par une application linéaire est dans un
sous-espace de l'espace d'arrivée, est un sous-espace de l'espace de
départ (point 2).
Attention à la notation : elle a un sens même si
l'application n'est pas bijective et donc si
l'application réciproque n'existe pas.
Démonstration : Pour montrer qu'un sous-ensemble est un sous-espace vectoriel, il
suffit de vérifier qu'il est non vide, et
que toute combinaison linéaire de deux de ses
vecteurs reste dans l'ensemble (théorème 2).
Rappelons que tout sous-espace vectoriel contient au moins le vecteur
nul, et que si est linéaire alors . Donc le vecteur nul
de appartient à et celui de appartient à
. Les deux ensembles et sont donc non
vides.
- Deux vecteurs quelconques de s'écrivent
, où
. Etant donnés deux réels et ,
est l'image par de
qui est
un vecteur de .
- Si et sont tels que et appartiennent à ,
alors
. Donc
.
Parmi les cas particuliers du théorème 10,
l'image et
le noyau jouent un rôle important.
La notation Ker vient de l'allemand, où noyau se dit «Kern».
Considérons par exemple l'application de
dans
définie par :
Son image est la droite vectorielle de
engendrée par le
vecteur . Son noyau est l'ensemble des vecteurs de
tels que : c'est la droite vectorielle de
engendrée par le vecteur .
et
Proposition 7
Soient et deux espaces vectoriels et une application
linéaire de dans . L'application est :
- surjective si et seulement si
,
- injective si et seulement si
.
Démonstration : La caractérisation de la surjectivité est une simple traduction
des définitions. Celle de l'injectivité utilise la linéarité.
Soient et deux éléments de .
Par définition, est injective si et seulement si
implique , donc si et seulement si
implique , d'où le résultat.
Le rang d'une application linéaire est la dimension de son
image.
Supposons que soit de dimension et choisissons une base
.
L'image par de tout vecteur de est
une combinaison linéaire des vecteurs
. Donc
est le sous-espace vectoriel de engendré par
. Le rang de est la dimension de ce
sous-espace ; c'est donc le rang de la famille de vecteurs
(cf. définition
10). Observons que le rang est inférieur ou
égal aux deux dimensions des espaces vectoriels de départ et
d'arrivée.
Théorème 11
Soit et deux espaces vectoriels de dimension finie.
Soit une application linéaire de dans .
L'application est :
- surjective si et seulement si l'image de toute famille génératrice
dans est une famille génératrice dans ,
- injective si et seulement si l'image de toute famille libre dans
est une famille libre dans ,
- bijective si et seulement si l'image de toute base de
est une base de .
Démonstration : Démontrons d'abord que si est surjective alors l'image d'une
famille génératrice dans est génératrice dans .
Soit
une famille génératrice dans .
Pour tout
élément de , il existe tel que
. Le vecteur s'écrit :
Donc :
Tout vecteur de est combinaison linéaire de la famille
, qui est donc génératrice.
Voici la réciproque. Si
est
génératrice, alors un vecteur de quelconque s'écrit
Donc est l'image par d'un vecteur de : est bien
surjective.
Démontrons maintenant que si est injective alors l'image d'une
famille libre dans est une famille libre dans .
Soit
une famille libre dans .
Supposons que
Par la linéarité de ,
Si est injective, alors le seul vecteur d'image nulle est le
vecteur nul, donc
. Mais
est une famille libre. Donc
.
Montrons la réciproque. Si l'image de toute famille libre
est une famille libre, alors l'image d'un vecteur non nul est un
vecteur non nul. Donc
et est injective, par
la proposition 7.
Pour terminer la démonstration, il suffit d'observer qu'une
application est bijective si et seulement si elle est à la fois
injective et surjective ; d'autre part une famille est une base si et
seulement si elle est à la fois libre et génératrice. Le point
3 du théorème est donc conséquence des deux précédents.
La conjonction des théorèmes 11 et
4 implique les relations suivantes entre les
dimensions des espaces de départ et d'arrivée.
Corollaire 2
Soient et deux espaces vectoriels de dimension finie et
une application linéaire de dans .
- Si est surjective alors
.
- Si est injective alors
.
- Si est bijective alors
.
La dimension est donc une forte contrainte sur la nature des
applications linéaires. On peut aussi voir cette contrainte comme suit.
Corollaire 3
Soient et deux espaces vectoriels de même dimension. Une
application linéaire de dans est bijective si et seulement
si elle est injective ou surjective.
Il ne peut exister un isomorphisme entre
deux espaces vectoriels que s'ils ont la même
dimension. Réciproquement, si deux espaces ont la même dimension,
on peut toujours construire un isomorphisme entre eux, en envoyant une
base de l'un sur une base de l'autre. En particulier, tous les espaces
vectoriels de dimension sont isomorphes à
. Si est
de dimension , avec une base
, tous les
vecteurs de ont une décomposition unique
où les sont les coordonnées de
(théorème 5). L'application de dans
qui à associe le -uplet de ses coordonnées
est un isomorphisme de dans
.
La somme des dimensions de l'image et du noyau
est la dimension de l'espace de départ : le
théorème 12 ci-dessous, est le
théorème du rang.
Démonstration : Soient et les dimensions respectives de
et
Im. Soit
une base de
et
une base de
Im. Pour
,
soit un vecteur de tel que
. Nous allons
démontrer que
est une base de , ce qui entraîne que
.
Montrons d'abord que c'est une famille libre.
Soient
et
,
réels. Posons
et
Puisque
,
l'image par du vecteur est
Si , alors , ce qui entraîne la nullité des
, car
est une famille libre. Alors
, ce qui entraîne la nullité des
, car
est une famille libre.
Donc est une famille libre.
Il reste à montrer que est une famille génératrice.
Soit un vecteur de . Comme le vecteur appartient à
, il est combinaison linéaire de
:
Donc :
Ceci entraîne :
donc
Donc il existe
tels que
soit
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