Application linéaire tangente

La tangente au graphe d'une fonction en un point est une droite passant par ce point, dont la pente est la dérivée. Pour une application dérivable en $ a$, on peut écrire :

$\displaystyle f(a+h)=f(a)+f'(a) h+o(h)\;,$ (3)

$ o(h)$ désigne une fonction telle que $ o(h)/h$ tend vers 0 quand $ h$ tend vers 0. Imaginons que l'on souhaite approcher $ f$ au voisinage de $ a$ (pour une valeur de $ h$ petite), sans savoir calculer $ f(a+h)$. On peut remplacer $ f(a+h)-f(a)$ par $ f'(a) h$, et l'erreur commise est négligeable devant $ h$. Dans (3), une application linéaire de $ \mathbb{R}$ dans $ \mathbb{R}$ apparaît : l'application $ h\mapsto f'(a) h$. Ceci se généralise à des applications de $ \mathbb{R}^n$ dans $ \mathbb{R}^m$, avec $ n$ et $ m$ quelconques. L'application $ h\mapsto
f(a) h$ devient une application linéaire de $ \mathbb{R}^n$ dans $ \mathbb{R}^m$ : l'application linéaire tangente. Pour ne pas compliquer les notations, nous prendrons l'exemple d'une application de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}^2$

\begin{displaymath}
\begin{array}{lcl}
\mathbb{R}^3
&\longrightarrow &\mathbb{R}^2\\
(x,y,z)&\longmapsto&(f(x,y,z),g(x,y,z))
\end{array}\end{displaymath}

Ce pourrait être par exemple l'application qui aux trois dimensions d'un parallélépipède associe sa surface et son volume.

\begin{displaymath}
\begin{array}{lcl}
\mathbb{R}^3
&\longrightarrow &\mathbb{R}^2\\
(x,y,z)&\longmapsto&(2xy+2xz+2yz,xyz)
\end{array}\end{displaymath}

Les applications $ f$ et $ g$, de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}$, sont les applications coordonnées. Si on fixe un point $ (a,b,c)$ dans l'espace de départ, on définit $ 6$ applications partielles.

\begin{displaymath}
\begin{array}{lcl}
x&\mapsto&f(x,b,c)\\
y&\mapsto&f(a,y,c)\...
...(x,b,c)\\
y&\mapsto&g(a,y,c)\\
z&\mapsto&g(a,b,z)
\end{array}\end{displaymath}

Nous commençons par une application $ f$, de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}$. Si les applications partielles sont dérivables, leurs dérivées s'appellent les dérivées partielles en $ (a,b,c)$.

\begin{displaymath}
\begin{array}{lcl}
\displaystyle{\frac{\partial f}{\partial ...
...laystyle{\frac{\mathrm{d}f(a,b,z)}{\mathrm{d}z}(c)}
\end{array}\end{displaymath}

Pour calculer la dérivée partielle de $ f$ par rapport à $ x$, il suffit de dériver en $ x$ l'expression de $ f$, en traitant les autres variables comme des constantes paramétriques.

Supposons par exemple que $ f$ soit l'application qui à $ (x,y,z)$ associe la surface du parallélépipède dont les longueurs d'arêtes sont $ x,y,z$.

\begin{displaymath}
\begin{array}{lcl}
\mathbb{R}^3&\longrightarrow &\mathbb{R}\\
(x,y,z)&\longmapsto&2(xy+yz+xz)
\end{array}\end{displaymath}

Voici ses trois dérivées partielles.

\begin{displaymath}
\begin{array}{lcl}
\displaystyle{\frac{\partial f}{\partial ...
...partial z}(a,b,c)}&=&
\displaystyle{2(a+b)}\ [2ex]
\end{array}\end{displaymath}

Si elles sont continues, les dérivées partielles permettent d'approcher la fonction par une application linéaire au voisinage d'un point. Le résultat qui suit est l'analogue pour les fonctions de plusieurs variables du théorème des accroissements finis.

Théorème 14   Soit, $ f :\;(x,y,z)\mapsto f(x,y,z)$ une application continûment différentiable de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}$ et $ (a,b,c)$ un point de $ \mathbb{R}^3$. Notons $ o(x,y,z)$ la fonction définie par :

$\displaystyle f(x,y,z)=f(a,b,c)+ (x-a)\frac{\partial f}{\partial x}(a,b,c)
+(y-...
... f}{\partial y}(a,b,c)
+(z-c)\frac{\partial f}{\partial z}(a,b,c) +o(x,y,z)\;.
$

Alors :

$\displaystyle \lim_{(x,y,z)\rightarrow(a,b,c)}
\frac{o(x,y,z)}{\max\{\vert x-a\vert,\vert y-b\vert,\vert z-c\vert\}} =0\;.
$

Ce théorème dit que les variations de la fonction $ f$ autour du point $ (a,b,c)$ peuvent être approchées par une application linéaire, la différentielle de $ f$.

Définition 15   On appelle différentielle de $ f$ au point $ (a,b,c)$ l'application linéaire de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}$ qui à $ (h_x,h_y,h_z)$ associe :

$\displaystyle h_x\frac{\partial f}{\partial x}(a,b,c)
+h_y\frac{\partial f}{\partial y}(a,b,c)
+h_z\frac{\partial f}{\partial z}(a,b,c)\;.
$

En physique, on interprète $ h_x$, $ h_y$ et $ h_z$ comme des petites variations des variables $ x$, $ y$, et $ z$, et on les note plutôt $ dx$, $ dy$ et $ dz$. Si on note $ df$ la différentielle de $ f$, ceci justifie l'écriture abrégée suivante.

$\displaystyle df =
\frac{\partial f}{\partial x} dx
+\frac{\partial f}{\partial y} dy
+\frac{\partial f}{\partial z} dz\;.
$

La différentielle est plus facile à visualiser en dimension $ 2$. Pour une fonction de deux variables, le théorème 14 donne une approximation de $ f(x,y)$ sous la forme :

$\displaystyle f(x,y)=f(a,b)+(x-a)\frac{\partial f}{\partial x}(a,b)
+(y-b)\frac{\partial f}{\partial y}(a,b)+o(x,y)\;.
$

La surface d'équation $ z=f(a,b)+(x-a)\frac{\partial f}{\partial x}(a,b)
+(y-b)\frac{\partial f}{\partial y}(a,b)$ est celle du plan tangent à la surface $ z=f(x,y)$ au point $ (a,b)$ (cf. figure 3). Pour rappeler cette interprétation géométrique, la différentielle de $ f$ au point $ (a,b)$ porte aussi le nom d'application linéaire tangente.
Figure 3: Plan tangent à une surface en un point.
\includegraphics[width=7cm]{plantangent}
Une application de $ \mathbb{R}^n$ dans $ \mathbb{R}^{m}$ est continûment différentiable si ses $ m$ applications coordonnées le sont. On peut donc lui appliquer, coordonnée par coordonnée, le théorème 14. La différentielle en un point de $ \mathbb{R}^n$ est une application linéaire de $ \mathbb{R}^n$ dans $ \mathbb{R}^{m}$. Sa matrice est la matrice jacobienne. Ici encore nous donnons la définition en dimension réduite pour des raisons de clarté.

Définition 16   Soit $ \Phi$ une application de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}^2$.

\begin{displaymath}
\Phi :\;
\begin{array}{lcl}
D &\longrightarrow &\mathbb{R}^2\\
(x,y,z)&\longmapsto&(f(x,y,z),g(x,y,z))
\end{array}\end{displaymath}

Soit $ (a,b,c)$ un point de $ \mathbb{R}^3$. On appelle matrice jacobienne de $ \Phi$ au point $ (a,b,c)$, la matrice des dérivées partielles de $ f$ et $ g$ :

\begin{displaymath}
MJ(\Phi)(a,b,c)=
\left(
\begin{array}{ccc}
\displaystyle{
\f...
...tyle{
\frac{\partial g}{\partial z}
}\end{array}\right)(a,b,c)
\end{displaymath}

On appelle différentielle de $ \Phi$ au point $ (a,b,c)$ l'application linéaire de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}^2$ dont la matrice dans les bases canoniques de $ \mathbb{R}^3$ et $ \mathbb{R}^2$ est la matrice jacobienne.

Voici la matrice jacobienne au point $ (a,b,c)$ pour la surface et le volume d'un parallélépipède en fonction de ses trois dimensions.

\begin{displaymath}
MJ =
\left(
\begin{array}{ccc}
2(b+c)&2(a+c)&2(a+b)\\
bc&ac&ab
\end{array}\right)\;.
\end{displaymath}


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