Séries à termes quelconques

Quand une série n'est pas à termes positifs, la première chose à faire est d'examiner la série des valeurs absolues, ou des modules s'il s'agit de nombres complexes.

Définition 3   On dit que la série $ \sum
u_n$ est absolument convergente si la série $ \sum \vert u_n\vert$ converge.

Théorème 8   Une série absolument convergente est convergente.

Démonstration : Supposons pour commencer que les $ u_n$ sont réels. Pour tout $ n\in\mathbb{N}$, notons

$\displaystyle u_n^+ = \left\{\begin{array}{ll}
u_n&\mbox{si } u_n\geqslant 0\\
0&\mbox{si } u_n< 0
\end{array}\right.$   et$\displaystyle \quad
u_n^- = \left\{\begin{array}{ll}
0&\mbox{si } u_n\geqslant 0\\
-u_n&\mbox{si } u_n< 0
\end{array}\right.
$

Pour tout $ n\in\mathbb{N}$ :

$\displaystyle 0\leqslant u_n^+\leqslant \vert u_n\vert$   et$\displaystyle \quad 0\leqslant u_n^-\leqslant \vert u_n\vert
$

Par le théorème de comparaison, si $ \sum \vert u_n\vert$ converge, alors $ \sum u_n^+$ et $ \sum u_n^-$ convergent. Par linéarité, $ \sum
u_n^+-u_n^-$ converge, or $ u_n^+-u_n^-=u_n$. D'où le résultat. Passons maintenant au cas où les $ u_n$ sont complexes. Notons $ a_n$ la partie réelle de $ u_n$ et $ b_n$ sa partie imaginaire. Pour tout $ n\in\mathbb{N}$ :

$\displaystyle 0\leqslant \vert a_n\vert\leqslant \vert u_n\vert$   et$\displaystyle \quad
0\leqslant \vert b_n\vert\leqslant \vert u_n\vert\;.
$

Par le théorème de comparaison, si $ \sum \vert u_n\vert$ converge, alors $ \sum\vert a_n\vert$ et $ \sum \vert b_n\vert$ convergent aussi. Donc $ \sum
a_n$ et $ \sum b_n$ convergent, en appliquant le cas des séries à termes réels. Donc $ \sum
u_n$ converge (proposition 1).$ \square$ Par exemple, pour tout $ \theta$, la série

$\displaystyle \sum_{n=1}^{+\infty} \frac{\mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta}}{n^2}
\;$ est absolument convergente.

En effet, $ \vert\frac{\mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta}}{n^2}\vert=\frac{1}{n^2}$ et $ \sum \frac{1}{n^2}$ converge.

Comme autre exemple, pour tout complexe $ z$, la série exponentielle

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} \frac{z^n}{n!}
\;$ est absolument convergente,

car $ \sum \frac{r^n}{n!}$ converge pour tout réel positif $ r$ (application du critère de d'Alembert). Il existe des séries convergentes, mais qui ne sont pas absolument convergentes. Considérons par exemple

\begin{displaymath}
u_n = \left\{
\begin{array}{ll}
\frac{1}{k+1}&\mbox{si } n=2k [2ex]
\frac{-1}{k+1}&\mbox{si } n=2k+1
\end{array}\right.
\end{displaymath}

Les termes successifs s'annulent deux à deux, de sorte que les sommes partielles valent

\begin{displaymath}
s_n = \left\{
\begin{array}{cl}
\frac{1}{k+1}&\mbox{si } n=2k [2ex]
0&\mbox{si } n=2k+1
\end{array}\right.
\end{displaymath}

La suite des sommes partielles tend vers 0. Par contre la suite des sommes partielles de $ \sum \vert u_n\vert$ tend vers $ +\infty$, par comparaison avec la série de Riemann $ \sum \frac{1}{n}$. Pour traiter ce type de cas, on dispose du théorème suivant, dit théorème d'Abel (un résultat analogue existe pour les intégrales).

Théorème 9   Soient $ (a_n)_{n\in\mathbb{N}}$ et $ (b_n)_{n\in\mathbb{N}}$ deux suites telles que :
  1. La suite $ (a_n)_{n\geqslant N}$ est une suite décroissante de réels positifs, et tend vers 0.
  2. Les sommes partielles de la suite $ (b_n)_{n\geqslant N}$ sont bornées :

    $\displaystyle \exists M ,\;\forall n\in \mathbb{N}\;,\quad
\vert b_0+\cdots+b_n\vert\leqslant M\;.
$

    Alors la série $ \sum a_nb_n$ converge.

Démonstration : L'idée de la démontration est d'effectuer un changement dans la sommation, qui s'apparente à une intégration par parties. Pour tout $ n\geqslant 0$, posons $ B_n=b_0+\cdots+b_n$. Par hypothèse, la suite $ (B_n)$ est bornée. Nous écrivons les sommes partielles de la série $ \sum a_nb_n$ sous la forme suivante.

\begin{displaymath}
\begin{array}{lcl}
s_n=a_0b_0+a_1b_1+\cdots+a_nb_n
&=&
a_0B_...
...)\\
&=&
B_0(a_0-a_1)+B_1(a_1-a_2)+\cdots+B_na_n\;.
\end{array}\end{displaymath}

Comme $ B_n$ est borné, et $ a_n$ tend vers 0, le terme $ B_na_n$ tend vers 0. Nous allons montrer que la série $ \sum
B_n(a_n-a_{n+1})$ est absolument convergente. En effet,

$\displaystyle \vert B_n(a_n-a_{n+1})\vert = \vert B_n\vert(a_n-a_{n+1})\leqslant M(a_n-a_{n+1})\;,
$

car la suite $ (a_n)$ est une suite de réels positifs, décroissante, et $ \vert B_n\vert$ est borné par $ M$. Or :

$\displaystyle M(a_0-a_1)+\cdots+M(a_n-a_{n+1}) = M(a_0-a_{n+1})\;,
$

qui tend vers $ Ma_0$ puisque $ (a_n)$ tend vers 0. La série $ \sum M(a_n-a_{n+1})$ converge, donc la série $ \sum\vert B_n(a_n-a_{n+1})\vert$ aussi, par le théorème de comparaison 3. Donc la série $ \sum
B_n(a_n-a_{n+1})$ est convergente, donc la suite $ (s_n)$ est convergente.$ \square$ Le cas d'application le plus fréquent est celui où $ b_n=\mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta}$.

Corollaire 3   Soit $ \theta$ un réel tel que $ \theta \neq 2k\pi ,\;\forall
k\in\mathbb{Z}$. Soit $ (a_n)$ une suite de réels positifs, décroissante, tendant vers 0 à l'infini. Les séries

$\displaystyle \sum \mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta}a_n\;,\quad \sum\cos(n\theta)a_n\;,\quad
\sum\sin(n \theta)a_n
\;$ convergent.

Démonstration : Pour appliquer le théorème d'Abel 9 avec $ b_n=\mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta}$, nous devons vérifier que les sommes partielles de la suite $ (\mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta})$ sont bornées. Or $ \mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta}=(\mathrm{e}^{\mathrm{i}\theta})^n$, et par hypothèse $ \mathrm{e}^{\mathrm{i}\theta}$ est différent de $ 1$. On a donc :

\begin{displaymath}
\begin{array}{lcl}
\vert 1+\cdots+\mathrm{e}^{\mathrm{i}n\th...
...rt\frac{2}{1-\mathrm{e}^{\mathrm{i}\theta}}\vert\;.
\end{array}\end{displaymath}

D'où le résultat. La convergence des séries $ \sum\cos(n\theta)a_n$ et $ \sum\sin(n\theta)a_n$ est une conséquence directe de la proposition 1.$ \square$ Un cas particulier fréquemment rencontré est celui où $ \theta=\pi$, soit $ b_n=(-1)^n$. On parle alors de série alternée.

Terminons par une mise en garde : il n'est pas possible de remplacer $ a_n$ par un équivalent à l'infini dans le théorème 9, car la décroissance n'est pas conservée par équivalence. Voici par exemple deux séries alternées.

$\displaystyle \sum \frac{(-1)^n}{\sqrt{n}}
\;$ converge,$\displaystyle \qquad
\sum \frac{(-1)^n}{\sqrt{n}+(-1)^n}
\;$ diverge.

Le théorème 9 s'applique a la première, mais pas à la seconde, car si la suite $ \frac{1}{\sqrt{n}+(-1)^n}$ est positive (pour $ n\geqslant 2$), elle n'est pas décroissante. Pourtant, on a bien :

$\displaystyle \frac{1}{\sqrt{n}+(-1)^n}\;\mathop{\sim}_{+\infty}\;
\frac{1}{\sqrt{n}}
$

Pour montrer que $ \sum \frac{(-1)^n}{\sqrt{n}+(-1)^n}$ diverge, calculons :

$\displaystyle \frac{(-1)^n}{\sqrt{n}}-\frac{(-1)^n}{\sqrt{n}+(-1)^n}
= (-1)^n\frac{\sqrt{n}+(-1)^n-\sqrt{n}}{n+(-1)^n\sqrt{n}}
= \frac{1}{n+(-1)^n\sqrt{n}}\;.
$

Ceci est le terme général d'une série à termes positifs divergente (équivalente à la série de Riemann $ \sum \frac{1}{n}$). La différence de deux séries convergentes ne peut pas être divergente. Or $ \sum \frac{(-1)^n}{\sqrt{n}}$ converge, donc $ \sum \frac{(-1)^n}{\sqrt{n}+(-1)^n}$ diverge.

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