Définitions et propriétés

Définition 1   Soit $ (u_n)_{n\in\mathbb{N}}$ une suite de réels ou de complexes. On appelle série de terme général $ u_n$, et on note $ \sum
u_n$ la suite des sommes partielles, $ (s_n)_{n\in\mathbb{N}}$, où pour tout $ n\in\mathbb{N}$,

$\displaystyle s_n = u_0+\cdots+u_n = \sum_{i=0}^n u_i\;.
$

Comme premier exemple de série, observons le développement décimal d'un réel strictement compris entre 0 et $ 1$.

$\displaystyle x=0,a_1 a_2\ldots a_n\ldots\;,$    où pour tout $\displaystyle n, a_n\in\{0,1,\ldots,9\}\;.
$

Cette écriture correspond en fait à la série de terme général $ \frac{a_n}{10^n}$. La somme partielle $ s_n$ est l'approximation décimale par défaut à $ 10^{-n}$ près. Voici les 50 premières décimales de $ \sqrt{\frac{1}{2}}$.

$\displaystyle \sqrt{\frac{1}{2}} =
0.70710678118654752440084436210484903928483593768847\ldots
$

Les nombres décimaux $ s_1=0.7$, $ s_3=0.707$, $ s_6=0.707106$ sont des sommes partielles de la série.

Les deux séries les plus souvent utilisées sont la série géométrique et la série exponentielle. Série géométrique
Le terme général d'une série géométrique est $ u_n=r^n$. Les sommes partielles ont une expression explicite.

\begin{displaymath}
s_n = \sum_{i=0}^n r^i = 1+r+\cdots+r^n=
\left\{
\begin{arra...
...e{\frac{1-r^{n+1}}{1-r}}&\mbox{si } r\neq 1
\end{array}\right.
\end{displaymath}

Série exponentielle
Le terme général de la série exponentielle est $ u_n = 1/n!$, où $ n!$ (factorielle) désigne le produit des entiers de $ 1$ à $ n$. Par convention, $ 0!=1$. Les sommes partielles $ s_n$ sont des rationnels mais n'ont pas d'expression explicite. Observons que n'importe quelle suite $ (s_n)_{n\in\mathbb{N}}$ peut être vue comme une série, de terme général $ u_n=s_n-s_{n-1}$, pour $ n\geqslant 1$ et $ u_0=s_0$. Dans la plupart des cas, les sommes partielles n'ont pas d'expression explicite, et c'est souvent pour cela que l'on parle de série plutôt que de suite.

Définition 2   On dit que la série $ \sum
u_n$ converge vers $ s$ si la suite des sommes partielles converge vers $ s$, qui est appelée somme de la série.

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty}u_n = s \Longleftrightarrow
\lim_{n\rightarrow\infty} \sum_{k=0}^n u_k = s\;.
$

Dans le cas contraire, on dit que la série diverge.

Par exemple, le réel $ x$ est la limite de ses approximations décimales, et aussi la somme de la série $ \sum \frac{a_n}{10^n}$.

La série géométrique $ \sum r^n$ converge si et seulement si $ \vert r\vert<1$. Dans ce cas, la somme est $ \frac{1}{1-r}$.

$\displaystyle \vert r\vert<1\; \Longrightarrow\; \sum_{n=0}^{+\infty} r^n = \frac{1}{1-r}\;.
$

La somme de la série exponentielle est le nombre $ \mathrm{e}$, dont le logarithme népérien vaut $ 1$.

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} \frac{1}{n!} = \mathrm{e}\simeq
2.71828\;.
$

Voici un exemple de série dont les sommes partielles sont explicitement calculables.

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} \frac{1}{(n+1)(n+2)} = 1\;.
$

En effet,

$\displaystyle u_n = \frac{1}{(n+1)(n+2)} = \frac{1}{n+1}-\frac{1}{n+2}
$

donc

$\displaystyle u_0+u_1\cdots+u_n =
1-\frac{1}{2}+\frac{1}{2}-\frac{1}{3}+\cdots+
\frac{1}{n+1}-\frac{1}{n+2} = 1-\frac{1}{n+2}\;,
$

et

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} \frac{1}{(n+1)(n+2)} = \lim_{n\to\infty} 1-\frac{1}{n+2}= 1\;.
$

Considérons une série $ \sum
u_n$ et définissons la fonction en escalier $ f$ sur $ [0,+\infty [$ par :

$\displaystyle \forall n\in \mathbb{N} ,\; \forall t\in [n,n+1[\;,\quad
f(t)\equiv u_n\;.
$

La somme partielle $ s_n$ est l'intégrale de $ f$ sur l'intervalle $ [0,n+1]$. La série $ \sum
u_n$ converge si et seulement si l'intégrale $ \int_0^{+\infty} f(t) \mathrm{d}t$ converge (voir figure 1).

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} u_n = \int_0^{+\infty} f(t) \mathrm{d}t\;.
$

Réciproquement, l'intégrale d'une fonction quelconque sur $ [0,+\infty [$ peut être vue comme la somme de la série dont le terme général est l'intégrale sur $ [n,n+1[$. Nous utiliserons par la suite cette parenté entre séries et intégrales.
Figure 1: Somme d'une série, vue comme l'intégrale d'une fonction en escaliers sur $ [0,+\infty [$.
\includegraphics[width=12cm]{serieintegrale}
Comme la convergence d'une intégrale ne dépend que du comportement de la fonction à l'infini, la convergence d'une série ne dépend pas de ses premiers termes. Changer un nombre fini de termes d'une série ajoute une même constante à toutes les sommes partielles à partir d'un certain rang. Cela ne change pas la nature, convergente ou divergente. Si elle est convergente, sa somme est évidemment modifiée. Par exemple :

$\displaystyle \sum_{n=1}^{+\infty} \frac{1}{n!} = \mathrm{e}-1\;.
$

Le fait de calculer la somme d'une série à partir de $ n=0$ est purement conventionnel. On peut toujours effectuer un changement d'indice pour se ramener à une somme à partir de 0. Par exemple :

$\displaystyle \sum_{n=2}^{+\infty} \frac{1}{n(n-1)}
= \sum_{m=0}^{+\infty}\frac{1}{(m+1)(m+2)} =1\;,
$

en posant $ m=n-2$. Le terme général d'une série convergente tend vers 0.

Théorème 1   Si la série $ \sum
u_n$ converge, alors la suite $ (u_n)_{n\in\mathbb{N}}$ tend vers 0.

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} u_n = s \Longrightarrow \lim_{n\rightarrow\infty}
u_n = 0\;.
$

La contraposée de ce résultat est souvent utilisée : une série dont le terme général ne tend pas vers 0 ne peut pas converger. Démonstration : Pour tout $ n\in\mathbb{N}$, posons $ s_n=\sum_{k=0}^{n}u_k$. Pour tout $ n\geqslant 1$, $ u_n=s_n-s_{n-1}$. Si $ \sum
u_n$ converge, la suite $ (s_n)_{n\in\mathbb{N}}$ converge vers la somme $ s$ de la série. Il en est de même de la suite $ (S_{n-1})_{n\in\mathbb{N}^*}$. Par linéarité de la limite, la suite $ u_n$ tend vers $ s-s=0$.$ \square$ Par exemple la série de terme général

\begin{displaymath}
u_n = \left\{
\begin{array}{ll}
1&\mbox{si } n=2^k\\
0&\mbox{sinon}
\end{array}\right.
\end{displaymath}

diverge : même si les termes non nuls sont très rares il y en quand même une infinité !

Le fait que le terme général tende vers 0 n'est qu'une condition nécessaire de convergence. De nombreuses séries divergentes ont un terme général qui tend vers 0. Par exemple, la série de terme général $ u_n=\frac{1}{n+1}$ diverge. En effet :

$\displaystyle s_{2n-1}-s_{n-1} = \frac{1}{n+1}+\cdots+\frac{1}{2n}\geqslant
\frac{n}{2n}=\frac{1}{2}\;.
$

La suite des sommes partielles n'est pas de Cauchy, donc elle ne converge pas.

La linéarité des limites entraîne immédiatement le théorème suivant.

Théorème 2   Soient $ \sum
u_n$ et $ \sum v_n$ deux séries convergentes, de sommes respectives $ s$ et $ t$. Soient $ \alpha$ et $ \beta$ deux complexes quelconques. Alors la série de terme général $ \alpha u_n+\beta
v_n$ est convergente, et sa somme est $ \alpha s+\beta t$.

Par exemple :

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} \frac{1}{2^n}+\frac{1}{3^n}
=
\sum_{n=0}^{...
...frac{1}{1-\frac{1}{2}}+\frac{1}{1-\frac{1}{3}} =
2+\frac{3}{2}=\frac{7}{2}\;.
$

Comme conséquence de la linéarité, observons que si $ \sum
u_n$ converge et $ \sum v_n$ diverge, alors $ \sum u_n+v_n$ diverge. Comme autre conséquence, pour $ \alpha\neq 0$, $ \sum \alpha u_n$ converge si et seulement si $ \sum
u_n$ converge.

Pour les séries à termes complexes la convergence équivaut à celle des parties réelle et imaginaire.

Proposition 1   Soit $ (u_n)_{n\in\mathbb{N}}$ une suite de complexes. Pour tout $ n$, notons $ a_n$ et $ b_n$ la partie réelle et la partie imaginaire de $ u_n$. La série $ \sum
u_n$ converge si et seulement si les deux séries $ \sum
a_n$ et $ \sum b_n$ convergent. Si c'est le cas, on a :

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} u_n =
\sum_{n=0}^{+\infty} a_n +\mathrm{i}\sum_{n=0}^{+\infty} b_n\;.
$

Démonstration : Rappelons qu'une suite de nombres complexes converge si et seulement si la suite des parties réelles et la suite des parties imaginaires convergent. Si $ (A_n)_{n\in\mathbb{N}}$ et $ (B_n)_{n\in\mathbb{N}}$ sont deux suites de réels :

$\displaystyle \left( \lim_{n\to\infty} A_n=A\mbox{ et } \lim_{n\to\infty} B_n=B...
...ftrightarrow\;
\left( \lim_{n\to\infty} A_n+\mathrm{i}B_n=A+\mathrm{i}B\right)
$

Il suffit d'appliquer ce résultat à

$\displaystyle A_n = \sum_{k=0}^n a_n$ et $\displaystyle B_n = \sum_{k=0}^n b_n\;,
$

car la partie réelle d'une somme est la somme des parties réelles, et la partie imaginaire d'une somme est la somme des parties imaginaires.$ \square$ Considérons par exemple la série géométrique $ \sum r^n$, où $ r$ est un complexe de module $ \rho<1$ et d'argument $ \theta$ : $ r=\rho \mathrm{e}^{\mathrm{i}\theta}$. Pour tout $ n$, $ r^n = \rho^n\mathrm{e}^{\mathrm{i}n\theta}$. Les parties réelle et imaginaire de $ r^n$ sont

$\displaystyle a_n=\rho^n\cos(n\theta)$   et$\displaystyle \quad
b_n=\rho^n\sin(n\theta)\;.
$

On déduit de la proposition précédente que :

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} a_n =$   Re$\displaystyle \left(\frac{1}{1-r}\right)$   et$\displaystyle \quad
\sum_{n=0}^{+\infty} b_n =$   Im$\displaystyle \left(\frac{1}{1-r}\right)\;.
$

Le calcul donne :

$\displaystyle \sum_{n=0}^{+\infty} \rho^n\cos(n\theta) =
\frac{1-\rho\cos(\theta)}{1+\rho^2-2\rho\cos(\theta)}$   et$\displaystyle \quad
\sum_{n=0}^{+\infty} \rho^n\sin(n\theta) =
\frac{\rho\sin(\theta)}{1+\rho^2-2\rho\cos(\theta)}
\;.
$


         © UJF Grenoble, 2011                              Mentions légales