Nous allons maintenant étudier les propriétés de la somme d'une
série entière, vue comme une fonction de la variable . Afin de
ne pas compliquer les définitions, nous supposons dans toute cette
section que est réel. Les identités
obtenues restent vraies pour complexe, mais ce serait anticiper
inutilement sur des chapitres ultérieurs que de sortir du domaine réel.
Un simple changement de variable permet de se ramener à des
développements en série entière en 0.
Proposition 3
La fonction est développable en série entière en
sur
, si et seulement si la fonction
est développable
en série entière en 0 sur
.
La vérification est immédiate, et ce résultat nous autorise
à ne plus considérer désormais que des développements en
série entière en 0.
Soit
une série entière, et son rayon de
convergence. D'après le théorème 2,
la série converge pour tout réel de valeur absolue
strictement inférieure à , soit sur l'intervalle
. Sa
somme est donc développable en série entière sur
, par
définition.
Le théorème suivant montre
qu'une fonction développable
en série entière, est indéfiniment dérivable. Ses
dérivées successives ainsi que ses primitives sont également
développables en série entière.
Théorème 4
Soit une fonction développable en série entière, telle que
pour tout
,
La fonction est indéfiniment dérivable sur
.
Sa dérivée est la somme de la série dérivée terme
à terme, qui converge sur
.
La primitive de qui s'annule en 0 est la somme de la série
intégrée terme à terme, qui converge sur
.
Démonstration : Nous commençons par démontrer que la série
et la
série dérivée
ont même rayon de
convergence. En effet :
Donc :
d'où le résultat par le théorème 2.
La proposition 1 entraîne que la convergence est
uniforme sur tout intervalle inclus dans
. Si
une suite de fonctions dérivables converge uniformément sur un intervalle,
ainsi que la suite des dérivées, alors la limite de la suite est
dérivable à l'intérieur de l'intervalle, et sa dérivée est
la limite des dérivées. Ceci
entraîne que la fonction est dérivable sur
tout intervalle
inclus dans
, donc sur
. Par récurrence, est donc indéfiniment
dérivable sur
.
En appliquant le résultat de dérivabilité à la série
primitive, on obtient la seconde partie du théorème. Par exemple la fonction
,
est développable en série entière sur
.
Sa dérivée est :
Le développement en série entière sur
de
la fonction
est . Sa dérivée est :
On pourrait aussi obtenir ce résultat en effectuant le produit de
la série par elle-même.
On peut aussi calculer la primitive :
En remplaçant par dans la série géométrique, puis
en prenant la primitive, on obtient les développements en série
entière de
et
.
En appliquant de manière itérée le théorème 4 aux
dérivées successives de , on peut donc calculer leurs
développements en série entière. On en déduit en particulier
l'expression du développement de en fonction des dérivées
successives, évaluées en : vous connaissez déjà le
polynôme de Taylor.
Corollaire 2
Si est développable en série entière sur
, alors son
développement est :
Démonstration : Si
, alors f(0) est le premier terme de la
série : . Mais le
théorème 4 donne aussi :
dont le premier terme est . La dérivée seconde est :
dont le premier terme est
. Par récurrence, la
dérivée -ième est :
dont le premier terme est
. D'où le résultat.
Définition 4
Si est indéfiniment dérivable sur
, on appelle série de Taylor
de en 0 la série
Si est développable en série entière sur
, alors
est indéfiniment dérivable à tout ordre au voisinage de 0, et
donc admet un développement limité en 0 à tout ordre. Le
développement limité à l'ordre de est la somme partielle
d'ordre de sa série de Taylor.
Malheureusement, la réciproque est fausse : il peut se faire que
admette un développement limité à tous ordres au voisinage de
0, sans que soit somme de sa série de Taylor. L'exemple
classique est :
Pour tout
, on a :
Donc
, pour tout . On en déduit que ainsi que
toutes ses dérivées sont prolongeables par continuité par 0 en
0, et que le développement limité de à tout ordre est
nul. Pourtant, bien que la série de Taylor de soit nulle,
n'est pas identiquement nulle.
Nous allons donner une condition suffisante pour qu'une fonction
indéfiniment dérivable soit développable en série entière.
Pour cela nous utilisons une formule de Taylor qui donne une
expression explicite du reste, la formule de Taylor avec reste
intégral.
Théorème 5
Soit une fonction de classe
sur
(c'est-à-dire fois dérivable, de dérivée -ième
continue). Pour tout
on a :
avec
Démonstration : Pour , la formule est vraie :
Intégrons par parties.
Si on suppose la formule vraie à l'ordre , alors :
Le résultat est donc vrai à l'ordre . Pour qu'une fonction indéfiniment dérivable soit développable en série
entière, il est nécessaire et suffisant que le reste de la
formule de Taylor tende vers 0. C'est vrai en particulier si les
dérivées successives sont uniformément bornées, avec des
bornes croissant au plus géométriquement.
Démonstration : Sous cette hypothèse, on peut borner le reste de la
façon suivante.
Le reste tend donc vers 0 quand tend vers l'infini. Cette proposition s'applique par exemple aux fonctions et
(dont toutes les dérivées sont bornées),
mais aussi à la plupart des fonctions usuelles.
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