Généralités
Une isométrie est clairement injective, puisque implique et donc . Elle est bijective si et ont même dimension, en particulier si , ce qui sera presque toujours ici le cas, mais cela ne se voit pas immédiatement sur la définition. Cela résultera en fait de la proposition fondamentale suivante :
Démonstration : Soit un point de et l'application de
dans
définie par
pour tout vecteur de
, où est l'unique point de tel que
. Si et sont deux vecteurs de
et et les points de tels que
,
, on a :
Nous nous intéresserons essentiellement ici aux isométries d'un espace affine euclidien dans lui-même.
Démonstration : L'égalité montre que pour tout couple de points de si et seulement si pour tout couple de points de , ou encore si et seulement si pour tout vecteur de .
Démonstration : Cet ensemble est l'image réciproque du groupe orthogonal de par l'homomorphisme de groupes de dans qui à toute transformation affine de associe sa partie linéaire .
Une isométrie de est dite indirecte ou négative si sa partie linéaire est une transformation orthogonale négative de : . On dit aussi que est un antidéplacement.
Les déplacements constituent un sous-groupe du groupe des isométries de . On note l'ensemble des antidéplacements de ( n'est pas un groupe : le composé de deux antidéplacements est un déplacement).
Décomposition en produit de réflexions
On rappelle que l'ensemble, noté , des points fixes d'une transformation affine d'un espace affine est soit vide, soit un sous-espace affine de .
Démonstration : La première assertion résulte de la proposition 16 . Pour démontrer la seconde, il suffit de remarquer que la matrice de la partie linéaire de la réflexion d'hyperplan dans une base orthonormée dont le premier vecteur est orthogonal à est diagonale, de diagonale .
(Si n'a pas de point fixe, il faut comprendre que a au moins un point fixe.)
Démonstration : Soit un point de tel que et la réflexion par rapport à l'hyperplan médiateur de . Tout point fixe de appartient à , puisque , et est donc fixe par . Comme n'appartient pas à et est fixe par , est un sous-espace affine de contenant strictement .
On en déduit par récurrence sur la dimension du sous-espace des points fixes, que les réflexions engendrent le groupe des isométries. Plus précisément :
Démonstration : Supposons fixé et démontrons le théorème par récurrence descendante sur . Si , et . Soit un entier et une isométrie telle que . Alors il existe une réflexion telle que . Si la propriété est vraie pour tout entier vérifiant , peut s'écrire comme produit de réflexions, avec ; s'écrit donc comme produit de réflexions et .
Cette décomposition n'est pas unique, mais la parité du nombre de réflexions y intervenant l'est, puisque le déterminant de est .
Classification des isométries planes
On suppose ici que est un plan affine euclidien et on se propose de préciser la nature géométrique des isométries.
Déplacements
Le cas des déplacements est simple : si est un déplacement du plan, sa partie linéaire est soit l'identité, auquel cas est une translation, soit une rotation vectorielle d'angle non nul . Dans ce cas, possède un point fixe et un seul, puisque +1 n'est pas valeur propre de . On dit que est la rotation de centre et d'angle . L'image d'un point est caractérisée par les relations , (modulo ). On a donc démontré :
On en déduit que :
Antidéplacements
Démonstration : Deux réflexions d'axes parallèles ont même partie linéaire, qui est une réflexion vectorielle. Leur produit est donc une transformation affine de partie linéaire l'identité, i.e. une translation. Pour trouver le vecteur de cette translation, il suffit de connaître l'image d'un point. Soit donc et deux réflexions d'axes parallèles et , une droite perpendiculaire à et les coupant respectivement en et . Le point est le symétrique de par rapport à et vérifie donc . Il en résulte que est la translation de vecteur . La réciproque est immédiate (on peut choisir l'un des deux points et arbitrairement, l'autre est alors uniquement déterminé).
La partie linéaire d'un antidéplacement est une réflexion vectorielle. Soit son axe.
Si admet un point fixe , est la réflexion vectorielle d'axe la droite de direction passant par .
Sinon, il existe un vecteur tel que admette un point fixe et soit donc une réflexion d'axe . On décompose le vecteur sous la forme , où et est orthogonal à . On a alors . On peut alors (lemme 6) décomposer sous la forme , où est une droite parallèle à . Il en résulte où .
Ce produit est commutatif : . Une symétrie glissée n'admet pas de point fixe. L'axe et le vecteur d'une symétrie glissée sont entièrement déterminés : en effet l'axe peut être caractérisé comme :
On a donc démontré :
Invariants | dépl/antidépl | nature géométrique |
plan | déplacement | identité |
droite | antidéplacement | réflexion |
point | déplacement | rotation |
déplacement | translation | |
antidéplacement | symétrie glissée | |
Classification des isométries planes |
Classification des isométries de l'espace
Déplacements
Soit un déplacement de l'espace affine euclidien de dimension 3. Sa partie linéaire est soit l'identité, soit une rotation vectorielle. Si est l'identité, est une translation. Si est une rotation vectorielle d'axe et d'angle , deux cas se présentent :
- soit a un point fixe : dans ce cas est une rotation d'axe et d'angle , où est la droite affine de direction passant par ( laisse globalement invariant tout plan orthogonal à et sa restriction à un tel plan est une rotation de centre le point d'intersection de et de et d'angle ) ;
- soit n'a pas de point fixe ; il existe alors un vecteur tel que admette un point fixe et soit donc une rotation d'axe ; on décompose le vecteur sous la forme , où et est orthogonal à ; on a alors ; mais laisse globalement invariant tout plan orthogonal à et sa restriction à un tel plan est une rotation plane d'angle (composée d'une translation et d'une rotation plane) ; soit la droite parallèle à passant par le centre d'une de ces rotations ; est alors la rotation de d'axe et d'angle ; il en résulte que est produit d'une rotation et d'une translation de vecteur un vecteur directeur de l'axe de la rotation ; ce produit est commutatif.
On vérifie que cette décomposition est unique. L'axe peut être caractérisé comme :
Un demi-tour est donc simplement une symétrie orthogonale par rapport à une droite. Les retournements sont les seuls déplacements involutifs. Leur importance vient en particulier du fait qu'ils engendrent le groupe des déplacements, comme le montre la proposition suivante.
Antidéplacements
La partie linéaire d'un antidéplacement est soit une réflexion vectorielle, soit une antirotation vectorielle (isométrie vectorielle gauche). Si est une réflexion vectorielle, on montre comme dans le cas des antidéplacements du plan que est soit une réflexion, soit une symétrie glissée (produit commutatif d'une réflexion et d'une translation de vecteur appartenant à la direction du plan de la réflexion). Si est une antirotation, 1 n'est pas valeur propre de ; il en résulte que admet un point fixe et un seul ; est donc encore une antirotation (produit commutatif d'une rotation et d'une réflexion de plan orthogonal à l'axe de la rotation).
Invariants | dépl/antidépl | nature géométrique |
espace | déplacement | identité |
plan | antidéplacement | réflexion |
droite | déplacement | rotation |
point | antidéplacement | antirotation |
déplacement | vissage ou translation | |
antidéplacement | symétrie glissée | |
Classification des isométries de l'espace |
Groupe d'isométries conservant une figure
Démonstration : L'ensemble contient l'identité, est stable par composition et par passage à l'inverse ; c'est donc un sous-groupe du groupe . L'ensemble est l'intersection des sous-groupes et de ; c'est donc un sous-groupe de . Si n'est pas vide, pour tout , l'application est une bijection de sur de bijection réciproque .
Remarque : L'ensemble des isométries de qui vérifient est stable par composition, mais n'est pas nécessairement un sous-groupe de (si est une demi-droite de vecteur directeur , la translation de vecteur conserve , mais pas celle de vecteur ). C'est toutefois le cas si est fini, puisque dans ce cas pour toute isométrie vérifiant , ou si est un sous-espace affine, puisque dans ce cas est un sous-espace affine inclus dans et de même dimension que , donc égal à .
Démonstration : Une isométrie est une application affine et toute application affine conserve les barycentres. Il en résulte que l'isobarycentre de est fixe par toute isométrie conservant . L'application est un isomorphisme du groupe des isométries de laissant fixe sur le groupe orthogonal de ; est donc isomorphe à son image par cet homomorphisme, qui est un sous-groupe de .
Exemple : le groupe diédral
C'est le groupe des isométries planes conservant un polygone régulier convexe à côtés. Son sous-groupe des déplacements est le groupe cyclique d'ordre constitué des rotations de centre le centre du polygone et d'angle ( ). Les éléments de sont les réflexions d'axes les droites ( ) et les médiatrices des côtés du polygone (ces deux familles étant confondues si est impair et ayant chacune éléments si est pair).
Remarque : Une isométrie qui conserve globalement l'ensemble des sommets d'un polygone régulier conserve ce polygone (et réciproquement). Il ne faut pas croire que cette propriété s'étend à tout polygone, comme en témoigne la figure ci-dessous : les rotations de centre et d'angle conservent les sommets du polygone mais pas ce polygone.
Similitudes
Une application de dans est donc une similitude si et seulement si elle conserve les rapports de distances.
Une similitude de rapport 1 est une isométrie. Une homothétie de rapport est une similitude de rapport .
Démonstration : Soit une similitude de rapport et une homothétie de rapport (et de centre quelconque). Alors est une transformation affine de d'inverse l'homothétie de même centre et de rapport et est une isométrie, puisque
Deux figures sont dites semblables (resp. directement semblables) s'il existe une similitude (resp. une similitude directe) transformant la première en la seconde.
Démonstration : Soit une similitude de rapport différent de 1. Il suffit de montrer que 1 n'est pas valeur propre de (voir le chapitre «Géométrie affine »). Mais si est un vecteur de , l'égalité implique , d'où et .
Similitudes planes
Une similitude directe qui n'est pas une isométrie est donc caractérisée par son centre (son seul point fixe), son rapport et son angle (l'angle de la rotation de la décomposition précédente).
Démonstration : Soit une similitude plane directe de rapport différent de 1. D'après la proposition 63, admet un point fixe et un seul. Soit l'homothétie de centre et de rapport . La transformation affine est une isométrie directe laissant fixe le point , i.e. une rotation de centre , et on a . Comme une homothétie de centre commute avec toute transformation affine laissant fixe, on a .
Si est une décomposition de en produit (nécessairement commutatif) d'une homothétie de rapport et d'une rotation de même centre , on a et , puisque est le seul point fixe de , d'où et , ce qui établit l'unicité de la décomposition.
Une similitude indirecte qui n'est pas une isométrie est donc caractérisée par son centre (l'unique point fixe), son rapport et son axe (l'axe de la réflexion de la décomposition précédente), qui est une droite passant par le centre.
Démonstration : Soit une similitude plane indirecte de rapport différent de 1. D'après la proposition 63, admet un point fixe et un seul. Soit l'homothétie de centre et de rapport . La transformation affine est une isométrie indirecte laissant fixe le point , i.e. une réflexion d'axe passant par , et on a . Comme une homothétie de centre commute avec toute transformation affine laissant fixe, on a .
Si est une décomposition de en produit (nécessairement commutatif) d'une homothétie de centre et de rapport et d'une réflexion d'axe passant par , on a et , puisque est le seul point fixe de , d'où et , ce qui établit l'unicité de la décomposition.
Similitudes planes et nombres complexes
Le corps des nombres complexes est un espace vectoriel de dimension 2 sur . Il est donc muni d'une structure naturelle de plan affine. La base canonique de et l'origine 0 constituent un repère cartésien naturel pour ce plan. On appellera ce plan plan complexe. Réciproquement, le choix d'un repère cartésien permet d'identifier tout plan affine à , ou encore à : au point de coordonnées on associe le nombre complexe , qu'on appelle affixe de . On peut également définir l'affixe d'un vecteur : l'application qui au vecteur de associe le nombre complexe est un isomorphisme d'espaces vectoriels, qui permet d'identifier à . Cela permet de ramener certains problèmes géométriques à des problèmes d'algèbre.
Mais l'intérêt du plan complexe en géométrie vient surtout de ce qu'il possède aussi une structure euclidienne naturelle. En effet l'application est une norme euclidienne sur déduite du produit scalaire
La distance de deux points et , d'affixes respectives et , est alors . L'angle de deux vecteurs non nuls d'affixes respectives et est . En particulier, ces deux vecteurs sont colinéaires si et seulement si est réel, et orthogonaux si et seulement si est imaginaire pur.