Fonctions méromorphes

Classification des singularités isolées

Soient $ a\in\mathbb{C}$ et $ r>0$. On note

$\displaystyle D^*(a,r)=D(a,r)\setminus\{a\}=\{z\in\mathbb{C} \vert 0<\vert z-a\vert<r\}$

et on dit que $ D^*(a,r)$ est le disque épointé de centre $ a$ et de rayon $ r$.

Définition 13   Soient $ U$ un ouvert de $ \mathbb{C}$, $ a$ un point de $ U$ et $ f$ une fonction holomorphe sur $ U\setminus\{a\}$. On dit alors que $ f$ a une singularité isolée en $ a$.

Si la fonction $ f$ se prolonge en une fonction holomorphe sur $ U$ (le prolongement est alors unique par le principe du prolongement analytique), on dit que la singularité de $ f$ en $ a$ est illusoire ou éliminable ou encore que $ a$ est une fausse singularité ou un point régulier de $ f$.

Proposition 7   Soient $ U$ un ouvert de $ \mathbb{C}$, $ a\in U$ et $ f$ une fonction holomorphe sur $ U\setminus\{a\}$. On suppose qu'il existe $ r>0$ tel que $ f$ soit bornée sur $ U\cap D^*(a,r)$, alors $ a$ est un point régulier de $ f$.

Démonstration : On définit la fonction $ g$ sur $ U$ par

\begin{displaymath}\left\{
\begin{array}{lc}
g(z)=(z-a)f(z)\quad \mbox{si} z\in U\setminus\{a\}\\
g(a)=0
\end{array}\right.\end{displaymath}

Puisque $ f$ est holomorphe sur $ U\setminus\{a\}$ et bornée au voisinage de $ a$, la fonction $ g$ est holomorphe sur $ U\setminus\{a\}$ et continue sur $ U$ donc holomorphe sur $ U$. Mais si $ r$ est assez petit pour que $ D(a,r)\subset U$, $ g$ est développable en série entière sur $ D(a,r)$

$\displaystyle g(z)=\sum_{n=0}^\infty \alpha_n (z-a)^n$   pour$\displaystyle \vert z-a\vert<r.$

Mais $ \alpha_0=0$ puisque $ g(a)=0$ et par suite la fonction $ z\mapsto \sum_{n=0}^\infty \alpha_{n+1} (z-a)^n$ prolonge $ f$ au voisinage de $ a$.$ \square$

Théorème 14   Soient $ U$ un ouvert de $ \mathbb{C}$, $ a\in U$ et $ f$ une fonction holomorphe sur $ U\setminus\{a\}$. La fonction $ f$ vérifie une et une seule des propriétés suivantes :

(i) La fonction $ f$ a une singularité illusoire en $ a$.

(ii) Il existe un entier $ m\geqslant 1$, un réel $ r>0$ tel que $ D(a,r)\subset U$ et une fonction $ g$ holomorphe sur le disque $ D(a,r)$ vérifiant $ g(a)\neq 0$ et $ f(z)=\frac{g(z)}{(z-a)^m}$ pour tout $ z\in D^*(a,r)$. On dit alors que $ f$ a un pôle d'ordre $ m$ en $ a$.

(iii) Pour tout $ r>0$ tel que $ D(a,r)\subset U$, l'ensemble $ f(D^*(a,r))$ est dense dans $ \mathbb{C}$. On dit alors que $ f$ a une singularité essentielle en $ a$.

Démonstration : Supposons que la propriété $ (iii)$ n'est pas satisfaite par $ f$. Il existe alors $ b\in\mathbb{C}$, $ r$ et $ \varepsilon$ strictement positifs tels que $ D(a,r)\subset U$ et $ f(D^*(a,r))\cap
D(b,\varepsilon)=\emptyset$, c'est-à-dire $ \vert f(z)-b\vert\geqslant\varepsilon$ pour tout $ z\in D^*(a,r)$. la fonction $ z\mapsto\frac{1}{f(z)-b}$ est alors holomorphe dans $ D^*(a,r)$ et majorée en module par $ \frac{1}{\varepsilon}$. D'après la Proposition 7 elle se prolonge en une fonction $ h$ holomorphe sur $ D(a,r)$.

Si $ h(a)\neq 0$, $ f(z)=b+\frac{1}{h(z)}$ a une fausse singularité en $ a$ et (i) est vérifiée.

Si $ h(a)=0$, notons $ m$ la multiplicité du zéro $ a$ de $ h$. Il existe alors une fonction $ k$ holomorphe sur $ D(a,r)$ vérifiant $ k(a)\neq 0$ et telle que

$\displaystyle h(z)=(z-a)^m k(z)$   si$\displaystyle z\in D(a,r).$

On peut supposer $ r$ assez petit pour que $ k(z)\neq 0$ si $ z\in D(a,r)$. Alors $ l=\frac{1}{k}$ est une fonction holomorphe dans $ D(a,r)$ et $ l(a)\neq 0$. On a alors pour $ z\in D^*(a,r)$

$\displaystyle f(z)=b+\frac{l(z)}{(z-a)^m}=\frac{l(z)+b(z-a)^m}{(z-a)^m},$

c'est la condition $ (ii)$ avec $ g(z)=l(z)+b(z-a)^m$.$ \square$

Fonctions méromorphes

Définition 14   Soit $ U$ un ouvert de $ \mathbb{C}$. Une fonction $ f$ est dite méromorphe dans $ U$ s'il existe une partie localement finie $ A$ de $ U$ telle que $ f$ soit holomorphe sur $ U\setminus A$ et tout point de $ A$ soit un pôle de $ f$. On note $ \mathcal{M}(U)$ l'ensemble des fonctions méromorphes dans $ U$.

Soient $ U$ un ouvert connexe de $ \mathbb{C}$ et $ g$ et $ h$ deux fonctions holomorphes sur $ U$ non identiquement nulles. D'après le principe des zéros isolés, l'ensemble $ A$ des zéros de $ h$ est une partie localement finie de $ U$. Considérons la fonction $ f=\frac{g}{h}$, elle est holomorphe sur $ U\setminus A$. Soient $ a\in A$ et $ m$ la multiplicité du zéro $ a$ de $ h$. Au voisinage de $ a$ on a

$\displaystyle h(z)=(z-a)^m h_1(z),$

$ h_1$ est une fonction holomorphe sur $ U$ telle que $ h_1(a)\neq
0$.

Si $ g(a)\neq 0$, alors $ a$ est un pôle de $ f$. Si $ g(a)=0$, on peut écrire $ g(z)=(z-a)^pg_1(z)$ avec $ p\in\mathbb{N}^*$ et $ g_1$ holomorphe sur $ U$ telle que $ g_1(a)\neq 0$ puisque $ g$ n'est pas identiquement nulle. Ainsi $ f(z)=(z-a)^{p-m}f_1(z)$, où $ f_1$ est une fonction holomorphe au voisinage de $ a$. Si $ p\geqslant m$, $ f$ a une singularité illusoire en $ a$ et si $ p<m$, $ a$ est un pôle d'ordre $ m-p$ de $ f$. Dans tous les cas $ f$ est une fonction méromorphe sur $ U$.

Remarque. En fait si $ U$ est connexe, on peut prouver que toute fonction $ f$ méromorphe sur $ U$ s'écrit $ f=\frac{g}{h}$ avec $ g$ et $ h$ holomorphes dans $ U$ et $ h$ non identiquement nulle sur $ U$.


Propriétés. Si $ U$ est un ouvert de $ \mathbb{C}$, la réunion de deux parties localement finies de $ U$ est encore une partie localement finie. On en déduit que la somme et le produit de deux fonction méromorphes dans $ U$ est encore une fonction méromorphe dans $ U$ et que $ \mathcal{M}(U)$ a une structure naturelle de $ \mathbb{C}$-algèbre unitaire.

Proposition 8   Si l'ouvert $ U$ est connexe, l'ensemble $ \mathcal{M}(U)$ est un corps.

Démonstration : Soit $ f\in\mathcal{M}(U)\setminus\{0\}$, notons $ A$ l'ensemble de ses pôles. L'ensemble $ Z$ des zéros de $ f$ est une partie localement finie de $ U$ car $ U$ est connexe (sinon $ f$ pourrait être identiquement nulle sur une composante connexe de $ U$). Par suite $ A\cup Z$ est une partie localement finie de $ U$ et $ g=\frac{1}{f}$ est holomorphe sur $ U\setminus(A\cup Z)$. Il est immédiat que si $ a$ est un zéro d'ordre $ m$ de $ f$ alors $ a$ est un pôle d'ordre $ m$ de $ g$ et si $ a$ est un pôle de $ f$, alors $ a$ est une singularité illusoire de $ g$, donc $ g\in\mathcal{M}(U)$.$ \square$

Proposition 9   Soient $ U$ un ouvert de $ \mathbb{C}$ et $ f$ une fonction méromorphe sur $ U$, alors

(i) La dérivée $ f'$ de $ f$ est méromorphe sur $ U$ et $ f$ et $ f'$ ont les mêmes pôles. Si $ a$ est un pôle d'ordre $ m$ de $ f$, c'est un pôle d'ordre $ m+1$ de $ f'$.

(ii) Supposons $ U$ connexe et $ f$ non identiquement nulle sur $ U$. La fonction $ g=\frac{f'}{f}$ est méromorphe sur $ u$ et les pôles de $ g$ sont simples.

Démonstration : Cela résulte immédiatement de la définition des pôles.$ \square$

Théorème des résidus

Définition 15   Soient $ U$ un ouvert de $ \mathbb{C}$, $ f$ une fonction méromorphe sur $ U$ et $ a\in U$ un pôle d'ordre $ m$ de $ f$. Au voisinage de $ a$, $ f$ s'écrit $ f$ s'écrit $ f=g+P$ avec $ g$ holomorphe au voisinage de $ a$ et

$\displaystyle P(z)=\sum_{k=1}^m \frac{a_{-k}}{(z-a)^k}.$

La fonction $ p$ est la partie principale de $ f$ en $ a$ et on dit que $ a_{-1}$ est le résidu de $ f$ en $ a$, on le note

$\displaystyle a_{-1}=\mathrm{Res}(f,a).$

Lemme 2   Si $ \gamma$ est un chemin fermé de classe $ \mathcal {C}^1$ par morceaux de $ U$ d'image $ \Gamma$ et si $ a\in U\setminus\Gamma$, on a

$\displaystyle \frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamma P(z) \mathrm{d}z=\mathrm{Ind}_\gamma(a)\mathrm{Res}(f,a).$

Démonstration : Puisque $ \int_\gamma\frac{\mathrm{d}z}{(z-a)^k}=0$ si $ k\neq 1$, car dans ce cas $ \frac{1}{(z-a)^k}$ possède une primitive dans $ U$, on a

$\displaystyle \frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamma P(z) \mathrm{d}z=a_{-1}\frac{...
...}\int_\gamma \frac{\mathrm{d}z}{(z-a)}=\mathrm{Ind}_\gamma(a)\mathrm{Res}(f,a).$

$ \square$

Théorème 15 (des résidus)   Soient $ U$ un ouvert convexe ou étoilé de $ \mathbb{C}$, $ a_1,\dots,a_n$ des points deux à deux distincts de $ U$ et $ f$ une fonction holomorphe sur $ U\setminus\{a_1,\dots,a_n\}$. On suppose que chaque $ a_k$ est un pôle de $ f$. Si $ \gamma$ est un chemin fermé de classe $ \mathcal {C}^1$ par morceaux de $ U$ dont l'image $ \Gamma$ ne contient aucun des $ a_k$, on a

$\displaystyle \int_\gamma f(z) \mathrm{d}z= 2\mathrm{i}\pi \sum_{k=1}^n\mathrm{Ind}_\gamma(a_k)\mathrm{Res}(f,a_k).$

Démonstration : Soit $ P_k$ la partie principale de $ f$ en $ a_k$, $ 1\leqslant k\leqslant n$. La fonction $ f-\sum_{k=1}^n P_k$ a une singularité illusoire en chaque $ a_k$, elle se prolonge donc en une fonction holomorphe sur $ U$. Le Théorème de Cauchy pour un ouvert convexe ou étoilé donne alors

$\displaystyle \int_\gamma \left(f(z)-\sum_{k=1}^n P_k(z)\right) \mathrm{d}z=0,$

et en utilisant le Lemme 2 on obtient

$\displaystyle \int_\gamma f(z) \mathrm{d}z=\sum_{k=1}^n\int_\gamma P_k(z) \mathrm{d}z= 2\mathrm{i}\pi \sum_{k=1}^n\mathrm{Ind}_\gamma(a_k)\mathrm{Res}(f,a_k).$

$ \square$

Théorème 16 (de l'indice)   Soient $ U$ un ouvert convexe ou étoilé de $ \mathbb{C}$, $ g$ une fonction holomorphe sur $ U$ et $ f$ une fonction méromorphe sur $ U$. On suppose que $ f$ n'a qu'un nombre fini de zéros $ a_1,\dots,a_m$ dans $ U$ (comptés avec leur ordre de multiplicité) et qu'un nombre fini de pôles $ b_1,\dots,b_n$ dans $ U$ (comptés aussi avec leur ordre de multiplicité). Soit $ \gamma$ un chemin fermé de classe $ \mathcal {C}^1$ par morceaux dans $ U$ dont l'image $ \Gamma$ ne contient aucun des $ a_k$ et aucun des $ b_k$. Alors

$\displaystyle \frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamma g(z)\frac{f'(z)}{f(z)} \mathr...
...^m g(a_k)
\mathrm{Ind}_\gamma(a_k)-\sum_{j=1}^n g(b_j)\mathrm{Ind}_\gamma(b_j).$

En particulier

$\displaystyle \mathrm{Ind}_{f\circ\gamma}(0)=\frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamm...
...}z=\sum_{k=1}^m \mathrm{Ind}_\gamma(a_k)-\sum_{j=1}^n \mathrm{Ind}_\gamma(b_j).$

Démonstration : Si $ a\in U$ est un zéro d'ordre $ k$ de $ f$, il existe alors une fonction $ h$ holomorphe au voisinage de $ a$ telle que $ f(z)=(z-a)^k
h(z)$ et $ h(a)\neq 0$. On en déduit que

$\displaystyle g(z)\frac{f'(z)}{f(z)}=g(z)\frac{k}{z-a}+g(z)\frac{h'(z)}{h(z)}.$

Puisque $ h(a)\neq 0$, $ g\frac{h'}{h}$ est holomorphe au voisinage de $ a$ et donc si $ g(a)=0$, la fonction $ l=g\frac{f'}{f}$ a une singularité illusoire en $ a$ et si $ g(a)\neq 0$, la fonction $ l=g\frac{f'}{f}$ a un pôle simple en $ a$ et la partie principale de $ l$ en $ a$ est $ \frac{kg(a)}{z-a}$, par conséquent $ \mathrm{Res}(l,a)=kg(a)$.

De même si $ a\in U$ est un pôle d'ordre $ k$ de $ f$, il existe alors une fonction $ h$ holomorphe au voisinage de $ a$ telle que $ f(z)=\frac{h(z)}{(z-a)^k}$ et $ h(a)\neq 0$ et

$\displaystyle g(z)\frac{f'(z)}{f(z)}=-g(z)\frac{k}{z-a}+g(z)\frac{h'(z)}{h(z)}.$

On est alors ramené à l'étude précédente.

Le Théorème des résidus appliqué à la fonction $ l$ donne alors le résultat puisque les zéros et les pôles de $ f$ ont été comptés avec leur ordre de multiplicité.$ \square$ Remarque. On peut se passer de l'hypothèse de finitude sur l'ensemble des zéros et des pôles de $ f$, car on peut s'y ramener facilement. En effet l'image $ \Gamma$ de $ \gamma$ est un compact de $ U$ donc il existe $ \varepsilon>0$ et $ R>0$ tels que $ \Gamma\subset
V=B(0,R)\cap\{z\in\mathbb{C} \vert \mathrm{dist}(z,\mathbb{C}\setminus u)>\varepsilon\}$. Alors $ \Gamma\subset V\subset\overline{V}\subset U$ et $ V$ étant un ouvert relativement compact de $ U$, $ f_{\vert _V}$ ne possède qu'un nombre fini de zéros et de pôles dans $ V$. De plus si $ a\notin V$, on a $ \mathrm{Ind}_\gamma(a)=0$ car $ a$ appartient alors à la composante connexe non bornée de $ \mathbb{C}\setminus\Gamma$ car $ U$ est étoilé.

Le Théorème de l'indice permet d'obtenir de nouveaux résultats sur les suites de fonctions holomorphes.

Théorème 17   Soient $ U$ un ouvert connexe de $ \mathbb{C}$ et $ (f_n)_{n\in\mathbb{N}}$ une suite de fonctions holomorphes sur $ U$ qui converge uniformément sur tout compact de $ U$ vers une fonction $ f$.

(i) Si les fonctions $ f_n$ ne s'annulent pas sur $ U$ alors soit $ f$ est identiquement nulle sur $ U$, soit $ f$ ne s'annule pas sur $ U$.

(ii) Si les fonctions $ f_n$ sont injectives sur $ U$ alors soit $ f$ est constante sur $ U$, soit $ f$ est injective sur $ U$.

Démonstration : On sait d'après la section 1.3 que $ f$ est holomorphe sur $ U$.

Montrons (i). Supposons que $ f$ est n'est pas identiquement nulle et que $ a\in U$ est un zéro de $ f$. D'après le principe des zéros isolés il existe $ r>0$ tel que $ \overline{D(a,r)}\subset U$ et $ f(z)\neq
0$, si $ 0<\vert z-a\vert\leqslant r$. Soit $ \gamma$ le cercle de centre $ a$ et de rayon $ r$ parcouru dans le sens direct. D'après le Théorème de l'indice, il existe $ k\in\mathbb{N}^*$ tel que $ \frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamma
\frac{f'(z)}{f(z)} \mathrm{d}z=k$ et $ \frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamma
\frac{f'_n(z)}{f_n(z)} \mathrm{d}z=0$ pour tout $ n\in\mathbb{N}$ car les $ f_n$ ne s'annulent pas dans $ U$.

Comme $ f(z)\neq
0$ si $ \vert z-a\vert=r$, il existe $ A>0$ tel que $ \vert f(z)\vert\geqslant
A$ si $ \vert z-a\vert=r$, soit encore $ \frac{1}{\vert f(z)\vert}\leqslant\frac{1}{A}$ si $ \vert z-a\vert=r$. De plus d'après le Théorème de Weierstraß, la suite $ (f'_n)_{n\in\mathbb{N}}$ converge uniformément sur tout compact de $ U$, en particulier sur le cercle de centre $ a$ et de rayon $ r$, image de $ \gamma$, donc la suite $ \left(\frac{f'_n(z)}{f_n(z)}\right)_{n\in\mathbb{N}}$ converge uniformément vers $ \frac{f'(z)}{f(z)}$ sur le cercle de centre $ a$ et de rayon $ r$.

Par conséquent

$\displaystyle 0<k=\frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamma
\frac{f'(z)}{f(z)} \mathr...
...infty}\frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamma
\frac{f'_n(z)}{f_n(z)} \mathrm{d}z=0,$

ce qui est impossible.

Prouvons (ii) maintenant. Supposons que $ f$ n'est pas constante et qu'il existe des points $ a$ et $ b$ de $ U$ tels que $ f(a)=f(b)$. Soient $ D_a$ et $ D_b$ des disque ouverts de centre respectif $ a$ et $ b$, contenus dans $ U$ et disjoints. Puisque $ f-f(a)$ n'est pas identiquement nulle sur $ D_a$, car $ f$ n'est pas constante, il résulte de (i) qu'il existe une suite extraite $ (f_{\varphi(n)})_{n\in\mathbb{N}}$ de la suite $ (f_n)_{n\in\mathbb{N}}$ telle que $ f_{\varphi(n)}-f(a)$ ait un zéro dans $ D_a$ pour tout $ n\in\mathbb{N}$. De même une nouvelle extraction donne l'existence d'une suite extraite $ (f_{\psi(n)})_{n\in\mathbb{N}}$ de la suite $ (f_n)_{n\in\mathbb{N}}$ telle que $ f_{\psi(n)}-f(b)$ ait un zéro dans $ D_b$ pour tout $ n\in\mathbb{N}$. Comme $ D_a$ et $ D_b$ sont disjoints, les fonctions $ f_{\psi(n)}$ ne sont donc pas injectives puisque $ f(a)=f(b)$, ce qui contredit l'hypothèse.$ \square$

Théorème 18 (de Rouché)   Soient $ U$ un ouvert convexe ou étoilé de $ \mathbb{C}$, $ f$ et $ g$ des fonctions holomorphes sur $ U$ et $ \gamma$ un chemin fermé de classe $ \mathcal {C}^1$ par morceaux dans $ U$ d'image $ \Gamma$. On suppose que les conditions suivantes sont vérifiées :

(i) la fonction $ f$ (resp. $ g$) n'a qu'un nombre fini $ a_1,\dots,a_m$ (resp. $ b_1,\dots,b_n$) de zéros dans $ U$ comptés avec leur ordre de multiplicité,

(ii) pour tout $ z\in\Gamma$, on a $ \vert f(z)-g(z)\vert<\vert f(z)\vert$,

alors $ \sum_{k=1}^m \mathrm{Ind}_\gamma(a_k)=\sum_{j=1}^n \mathrm{Ind}_\gamma(b_j)$.

Prouvons tout d'abord le lemme suivant :

Lemme 3   Soient $ ([\alpha,\beta],\gamma)$ et $ ([\alpha,\beta],\delta)$ deux chemins fermés de classe $ \mathcal {C}^1$ par morceaux contenus dans un ouvert $ U$ de $ \mathbb{C}$, vérifiant $ \vert\gamma (t)-\delta (t)\vert<\vert\gamma (t)\vert$ pour tout $ t\in [\alpha,\beta]$. Alors $ \mathrm{Ind}_\gamma(0)=\mathrm{Ind}_\delta(0)$.

Figure 9: Deux chemins fermés tels que $ \vert\gamma (t)-\delta (t)\vert<\vert\gamma (t)\vert$.
\includegraphics[width=6cm]{rouche}
Démonstration : Remarquons que la condition $ \vert\gamma (t)-\delta (t)\vert<\vert\gamma (t)\vert$ pour tout $ t\in [\alpha,\beta]$ implique que 0 n'appartient ni à l'image de $ \gamma$ ni à l'image de $ \delta$ et donc que les indices $ \mathrm{Ind}_\gamma(0)$ et $ \mathrm{Ind}_\delta(0)$ ont un sens.

Posons $ \varphi=\frac{\delta}{\gamma}$, alors $ \frac{\varphi'}{\varphi}=\frac{\delta'}{\delta}-\frac{\gamma'}{\gamma}$. L'hypothèse implique $ \vert 1-\varphi(t)\vert<1$ pour tout $ t\in [\alpha,\beta]$ et donc l'image de $ \varphi$ est contenue dans le disque de centre $ 1$ et de rayon $ 1$. Par conséquent 0 appartient à la composante connexe non bornée de $ \mathbb{C}\setminus \mathrm{Im} \varphi$ et donc $ \mathrm{Ind}_\varphi(0)=0$, d'où

$\displaystyle 2\mathrm{i}\pi \mathrm{Ind}_\varphi(0)=\int_\alpha^\beta \frac{\v...
...)} \mathrm{d}t=2\mathrm{i}\pi(\mathrm{Ind}_\delta(0)-\mathrm{Ind}_\gamma(0))=0,$

ce qui prouve le lemme.$ \square$

Démonstration : [du Théorème de Rouché] L'hypothèse implique que si $ z\in\Gamma$, $ f(z)\neq
0$ et $ g(z)\neq
0$ et que si $ t\in [\alpha,\beta]$ on a

$\displaystyle \vert f\circ\gamma(t)-g\circ\gamma(t)\vert<\vert f\circ\gamma(t)\vert.$

En appliquant le lemme 3 on obtient

$\displaystyle \mathrm{Ind}_{f\circ\gamma}(0)=\mathrm{Ind}_{g\circ\gamma}(0).$

Mais d'après le Théorème de l'indice,

$\displaystyle \mathrm{Ind}_{f\circ\gamma}(0)=\sum_{k=1}^m \mathrm{Ind}_\gamma(a_k)$

et

$\displaystyle \mathrm{Ind}_{g\circ\gamma}(0)=\sum_{j=1}^m \mathrm{Ind}_\gamma(b_j),$

d'où le résultat.$ \square$

Nous en déduisons facilement le corollaire suivant :

Corollaire 10   Soit $ U$ un ouvert de $ \mathbb{C}$, $ a$ un point de $ U$ et $ r$ un réel strictement positif tels que $ D(a,r)\subset U$. Soient $ f$ et $ g$ deux fonctions holomorphes sur $ U$ vérifiant $ \vert f(z)-g(z)\vert<\vert f(z)\vert$ pour tout $ z$ tel que $ \vert z-a\vert=r$, alors $ f$ et $ g$ ont le même nombre de zéros comptés avec leur ordre de multiplicité dans le disque de centre $ a$ et de rayon $ r$.

Comme application de ce corollaire nous pouvons donner une nouvelle démonstration du Théorème de d'Alembert.

Soit $ P(z)=a_0+a_1 z+\dots+a_m z^m$, un polynôme de degré $ m>0$. On pose $ f(z)=a_m z^m$ et $ g(z)=P(z)-f(z)$. Puisque $ g$ est polynôme de degré $ m-1$, il existe $ R>0$ tel que pour $ \vert z\vert>R$ on ait $ \vert g(z)\vert<\vert f(z)\vert$. Par conséquent $ f$ et $ P=f+g$ ne s'annulent pas pour $ \vert z\vert\geqslant R$ et d'après le corollaire 10 $ f$ et $ P$ ont le même nombre de zéros dans le disque de centre 0 et de rayon $ R$, soit $ m$. Le polynôme $ P$ possède donc exactement $ m$ racines dans $ \mathbb{C}$.

Étude locale des applications holomorphes

Dans cette partie nous allons préciser grâce au Théorème de l'indice les propriétés locales des fonctions holomorphes que nous avons déjà démontrées comme le Théorème de l'application ouverte et le Théorème d'inversion locale.

Théorème 19   Soit $ f$ une fonction holomorphe sur un voisinage d'un point $ z_0$ de $ \mathbb{C}$ et non constante. Soit $ k$ l'ordre de la première dérivée non nulle de $ f$ en $ z_0$ ($ k$ n'est autre que la multiplicité de $ z_0$ comme racine de l'équation $ f(z)-f(z_0)=0$). Il existe alors un voisinage ouvert $ U$ de $ z_0$ et un voisinage ouvert $ V=f(U)$ de $ f(z_0)$ tels que pour tout $ w\in V$, distinct de $ f(z_0)$, il existe $ k$ point distincts $ z_1,\dots,z_k$ dans $ U$ tels que $ f(z_j)=w$ pour tout $ j=1,\dots,k$.

Démonstration : Par le principe du prolongement analytique, les dérivées de $ f$ en $ z_0$ ne peuvent pas être toutes nulle car $ f$ n'est pas constante, il existe donc $ k$ tel que $ f^{(k)}(z_0)\neq 0$ et $ f^{(j)}(z_0)=0$ si $ 0\leqslant j\leqslant k-1$.

Comme les zéros de $ f'$ et de $ f-f(z_0)$ sont isolés, il existe $ r>0$ tel que le disque fermé $ \overline{D(z_0,r)}$ de centre $ z_0$ et de rayon $ r$ soit contenu dans le domaine de définition de $ f$ et tel que $ f'(z)\neq 0$ et $ f(z)\neq f(z_0)$ pour tout $ z\in\overline{D(z_0,r)}\setminus \{z_0\}$. Soit $ \gamma$ le cercle de centre $ z_0$ et de rayon $ r$ orienté dans le sens direct. D'après le Théorème de l'indice on a

$\displaystyle \frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamma \frac{f'(z)}{f(z)-f(z_0)} \mathrm{d}z=\mathrm{Ind}_{f\circ\gamma}(f(z_0))=k.$

Soit $ V$ la composante connexe de $ \mathbb{C}\setminus\mathrm{Im} f\circ\gamma$ qui contient $ f(z_0)$, c'est un voisinage ouvert de $ f(z_0)$ dans $ \mathbb{C}$. Soit $ U=D(z_0,r)\cap
f^{-1}(V)$, c'est un ouvert de $ cb$ car $ f$ est continue et de plus $ z_0\in U$ car $ f(z_0)\in V$.

Puisque l'indice $ w\mapsto \mathrm{Ind}_{f\circ\gamma}(w)$ est constant sur la composante connexe $ V$ de $ \mathbb{C}\setminus\mathrm{Im} f\circ\gamma$ qui contient $ f(z_0)$, on a $ \mathrm{Ind}_{f\circ\gamma}(w)=k$ pour tout $ w\in V$. D'après le Théorème de l'indice, l'équation

$\displaystyle f(z)=w$

admet donc $ k$ solutions dans $ D(z_0,r)$ pour $ w\in V$. Ces solutions sont distinctes pour $ w\neq f(z_0)$ puisque $ f'(z)\neq 0$ dans $ D(z_0,r)\setminus \{z_0\}$. On a donc $ f(U)=V$ et le Théorème est démontré.$ \square$

Corollaire 11 (Théorème de l'application ouverte)   Toute fonction holomorphe non constante définie sur un ouvert connexe $ U$ de $ \mathbb{C}$ est une application ouverte.

Remarque. 

  1. Notons que l'hypothèse de connexité de $ U$ dans le Théorème de l'application ouverte est nécessaire. En effet si $ U$ n'est pas connexe alors $ U=U_1\cup U_2$, où $ U_1$ et $ U_2$ sont deux ouverts de $ \mathbb{C}$ d'intersection vide, et la fonction $ f$ définie par $ f\equiv 0$ sur $ U_1$ et $ f\equiv 1$ sur $ U_2$ est holomorphe non constante sur $ U$ mais elle ne définit pas une application ouverte.
  2. Dans la section 1.3 nous avons déduit le Théorème de l'application ouverte du principe du maximum. Remarquons ici que le principe du maximum est une conséquence du Théorème de l'application ouverte. En effet supposons que $ f$ soit une fonction holomorphe sur un ouvert connexe $ U$ de $ \mathbb{C}$ et que $ \vert f\vert$ possède un maximum relatif en $ z_0\in U$. Considérons un voisinage connexe $ V$ de $ z_0$ dans $ U$ tel que pour tout $ z\in V$ on ait $ \vert f(z)\vert<\vert f(z_0)\vert$. Supposons que $ f$ ne soit pas constante sur $ V$, alors, d'après le Théorème de l'application ouverte, $ f(V)$ est un ouvert de $ \mathbb{C}$ contenu dans le disque fermé de centre 0 et de rayon $ \vert f(z_0)\vert$, il est donc nécessairement contenu dans le disque ouvert ce qui est absurde. Par conséquent $ f$ est constante sur $ V$ et $ U$ étant connexe $ f$ est constante sur $ U$ par le principe du prolongement analytique.

Corollaire 12   Soient $ U$ un ouvert de $ \mathbb{C}$ et $ f$ une fonction holomorphe sur $ U$. Si $ f$ est injective sur $ U$ alors $ f'(z)\neq 0$ pour tout $ z\in U$.

Démonstration : Si en un point $ z_0$ de $ U$ on a $ f'(z_0)=0$, la fonction $ f$ n'est pas injective au voisinage de $ z_0$ d'après le Théorème 19.$ \square$ Remarque 
  1. La réciproque du corollaire 12 est fausse : la fonction exponentielle est telle que $ f'(z)=\mathrm{e}^z\neq 0$ pour tout $ z\in\mathbb{C}$, mais elle n'est pas injective puisqu'elle est périodique de période $ 2\mathrm{i}\pi$
  2. Le corollaire 12 est faux pour les fonctions d'une variable réelle : la fonction $ f(x)=x^3$ est injective sur $ \mathbb{R}$ et pourtant $ f'(0)=0$.

Terminons en donnant une démonstration directe (sans passer par le calcul différentiel) du Théorème d'inversion locale pour les fonctions holomorphes.

Théorème 20 (d'inversion locale)   Soient $ U$ un ouvert de $ \mathbb{C}$, $ z_0$ un point de $ U$, $ f$ une fonction holomorphe sur $ U$ et $ w_0=f(z_0)$. Si $ f'(z_0)\neq 0$, il existe des voisinages ouverts $ V$ de $ z_0$ et $ W$ de $ w_0$ tels que $ f$ soit une bijection de $ U$ sur $ V$ et l'application réciproque $ g=f^{-1}$ de $ W$ dans $ V$ est holomorphe.

Démonstration : L'existence de $ V$, $ W$ et de $ f^{-1}$ résulte du Théorème 19 et $ f'$ ne s'annule pas sur $ V$. La fonction $ g=f^{-1}$ est continue car $ f$ est ouverte. Montrons que $ g$ est $ \mathbb{C}$-dérivable et donc holomorphe sur $ W$. Soit $ w_1\in V$ fixé, pour tout $ w\in W$ on a

$\displaystyle \frac{g(w)-g(w_1)}{w-w_1}=\frac{g(w)-g(w_1)}{f(g(w))-f(g(w_1))}.$

La continuité de $ g$ en $ w_1$ implique que si $ w$ tend vers $ w_1$ alors $ g$ est $ \mathbb{C}$-dérivable en $ w_1$ et $ g'(w_1)=\frac{1}{f'(g(w_1))}$.$ \square$

Grâce au Théorème de l'indice, sous les hypothèses du Théorème 19, on peut expliciter l'application $ g$ inverse locale de $ f$ à l'aide d'une formule intégrale.


Formule d'inversion locale. Considérons $ U$ et $ V$ les voisinages de $ z_0$ et de $ w_0=f(z_0)$ du Théorème 19 et supposons que $ k=1$ (i.e. $ f'(z_0)\neq 0$). D'après le Théorème de l'indice, la solution $ z=g(w)$ de l'équation $ f(z)=w$, pour $ w\in V$ est donnée par

$\displaystyle g(w)=\frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamma \frac{zf'(z)}{f(z)-w} \mathrm{d}z,$

$ \gamma$ est le bord du disque de centre $ z_0$ et de rayon $ r$ introduit dans la démonstration du Théorème 19.

Plus généralement, pour toute fonction $ h$ holomorphe sur $ U$, on a

$\displaystyle h(g(w))=\frac{1}{2\mathrm{i}\pi}\int_\gamma \frac{h(z)f'(z)}{f(z)-w} \mathrm{d}z.$

La formule intégrale donnant $ g(w)$ permet également de prouver directement que $ w\mapsto g(w)$ est holomorphe sur $ V$.


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