Projections et symétries

L'étude des projections et symétries, sera l'occasion de mettre en \oeuvre à la fois des applications linéaires entre espaces vectoriels généraux et les sommes d'espaces vectoriels. Aussi bien pour les projections que pour les symétries, l'ingrédient principal est une somme directe. Soit $ E$ un espace vectoriel, $ F$ et $ G$ deux sous-espaces tels que $ E=F\oplus G$. Pour tout vecteur $ u$ dans $ E$, il existe un couple unique de vecteurs $ (v,w)$ tels que $ v\in F$, $ w\in
G$ et $ u=v+w$ (voir la proposition 4 et la figure 1).

Définition 11   Soit $ E$ un espace vectoriel, $ F$ et $ G$ deux sous-espaces tels que $ E=F\oplus G$.
  1. On appelle projection sur $ F$ parallèlement à $ G$ l'application qui à $ u\in E$ associe l'unique élément $ v$ de $ F$ tel que $ u-v\in G$.
  2. On appelle symétrie par rapport à $ F$ parallèlement à $ G$ l'application qui à $ u\in E$ associe $ v-w$, où $ (v,w)$ est le couple unique de vecteurs tels que $ v\in F$, $ w\in
G$ et $ u=v+w$.

La figure 2 illustre la projection sur $ F$ parallèlement à $ G$ et la symétrie correspondante. Reprenons par exemple la décomposition de l'espace des polynômes $ \mathbb{R}[X]=F\oplus G$, où $ F$ (respectivement : G) est l'ensemble des polynômes ne contenant que des termes de degré pair (respectivement : impair). La projection $ p$ sur $ F$ parallèlement à $ G$ associe à un polynôme, le polynôme formé par ses termes de degré pair.

$\displaystyle p(1+X+3X^2+2X^3-2X^4-X^5) = 1+3X^2-2X^4
$

La symétrie par rapport à $ F$ change le signe des termes de degré impair (transformation $ X\mapsto -X$).

$\displaystyle s(1+X+3X^2+2X^3-2X^4-X^5) = \big(1+3X^2-2X^4\big)-\big(X+2X^3-X^5)
$

Figure 2: Somme directe $ E=F\oplus G$, projection sur $ F$, et symétrie par rapport à $ F$.
\includegraphics[width=10cm]{projsym}

Proposition 10   Soit $ E$ un espace vectoriel, $ F$ et $ G$ deux sous-espaces tels que $ E=F\oplus G$. La projection sur $ F$ d'une part, et la symétrie par rapport à $ F$ parallèlement à $ G$ d'autre part, sont des applications linéaires.

Démonstration : Si $ u=v+w$ et $ u'=v'+w'$, alors

$\displaystyle \lambda u+\mu u' = (\lambda v+\mu v')+(\lambda w+\mu w')\;.
$

Puisque les vecteurs $ \lambda v+\mu v'$ et $ \lambda w+\mu w'$ appartiennent respectivement à $ F$ et $ G$, la formule précédente donne la décomposition de $ \lambda u+\mu u'$. Sa projection sur $ F$ est donc $ \lambda v+\mu v'$, et son symétrique par rapport à $ F$ est

$\displaystyle (\lambda v+\mu v')-(\lambda w+\mu w')
=\lambda (v-w)+\mu (v'-w')\;,
$

d'où le résultat.$ \square$ La projection sur $ F$ parallèlement à $ G$ a pour image $ F$ et pour noyau $ G$. La symétrie est une bijection de $ E$ sur lui-même : c'est un automorphisme de $ E$. La proposition suivante caractérise les projections et les symétries, indépendamment de la décomposition en somme directe.

Proposition 11   Soit $ E$ un espace vectoriel.
  1. Un endomorphisme $ p$ de $ E$ est une projection si et seulement si $ p\circ p=p$.
  2. Un endomorphisme $ s$ de $ E$ est une symétrie si et seulement si $ s\circ s=I_E$, où $ I_E$ désigne l'application identique de $ E$.

Démonstration : Si $ p$ est la projection sur $ F$ parallèlement à $ G$, alors pour tout $ v\in F$, $ p(v)=v$, et donc $ p\circ p=p$. Réciproquement, si $ p\circ p=p$, nous allons montrer que $ p$ est la projection sur Im$ (p)$ parallèlement à Ker$ (p)$. Commençons par montrer que Im$ (p)$ et Ker$ (p)$ sont supplémentaires, c'est-à-dire que $ E=$Im$ (p)\oplus$   Ker$ (p)$. Observons que pour tout $ u\in E$,

$\displaystyle p(u-p(u))= p(u)- p\circ p(u) = 0\;,
$

donc $ u-p(u)\in$   Ker$ (p)$. On peut toujours écrire $ u=p(u)+(u-p(u))$. Pour vérifier que la somme est directe, nous devons montrer que l'intersection de l'image et du noyau est réduite au vecteur nul. Si $ u\in$   Im$ (p) \cap$   Ker$ (p)$, alors il existe $ v$ tel que $ u=p(v)$ (puisque $ u$ est dans l'image), et de plus $ p(u)=0$ (puisque $ u$ est dans le noyau). Donc $ p(p(v))=0$. Mais $ p(p(v))=p(v)=u$. D'où le résultat.

Nous avons montré que $ U=$Im$ (p)\oplus$   Ker$ (p)$. La décomposition d'un vecteur $ u$ selon cette somme directe est

$\displaystyle u=p(u)+(u-p(u))\;.
$

Donc $ p(u)$ est bien la projection de $ u$ sur Im$ (p)$ parallèlement à Ker$ (p)$. La formule $ v-(-w)=v+w$ entraîne que la composée d'une symétrie par elle-même est l'application identique. Réciproquement, soit $ s$ une application telle que $ s\circ s=I_E$. Définissons les applications $ p_1$ et $ p_2$ par :

$\displaystyle p_1 : u\longmapsto \frac{1}{2}(u+s(u))$   et$\displaystyle \quad
p_2 : u\longmapsto \frac{1}{2}(u-s(u))\;.
$

Composons l'application $ p_1$ par elle-même :
$\displaystyle p_1\circ p_1(u)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle p_1\left(\frac{1}{2}(u+s(u))\right)$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac{1}{2}\big(p_1(u)+p_1(s(u))\big)$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac{1}{4}\big(u+s(u)+s(u)+s\circ s(u)\big)$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac{1}{4}\big(2u+2s(u)\big)=p_1(u)\;.$  

On vérifie de même que $ p_2\circ p_2=p_2$. D'après ce qui précède, $ p_1$ et $ p_2$ sont donc des projections. Or $ p_1+p_2=I_E$. Il s'ensuit que si $ p_1$ est la projection sur $ F$ parallèlement à $ G$, alors $ p_2$ est la projection sur $ G$ parallèlement à $ F$. Mais puisque $ s=p_1-p_2$, alors $ s$ est la symétrie par rapport à $ F$, parallèlement à $ G$.$ \square$

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