Théorème des accroissements finis

En un point où la dérivée d'une fonction s'annule, les accroissements de la fonction sont négligeables devant les accroissements de la variable. Souvent, c'est un point où les variations de la fonction changent de sens, donc un maximum ou un minimum.

Définition 6   Soit $ f$ une fonction de $ \mathbb{R}$ dans $ \mathbb{R}$, définie sur un intervalle ouvert $ I$. Soit $ a$ un point de $ I$. On dit que $ a$ est un
$ \bullet$
maximum local de $ f$ si

$\displaystyle \exists \eta>0 ,\; \vert x-a\vert\leqslant \eta \;\Longrightarrow\;
f(x)\leqslant f(a)\;,
$

$ \bullet$
minimum local de $ f$ si

$\displaystyle \exists \eta>0 ,\; \vert x-a\vert\leqslant \eta
\;\Longrightarrow\; f(x)\geqslant f(a)\;.
$

Insistons sur l'adjectif local. Il suffit que la valeur de $ f$ en $ a$ soit la plus grande des valeurs prises par $ f$ sur un petit intervalle autour de $ a$ pour que $ f$ soit un maximum local. Cette valeur n'est pas nécessairement la plus grande prise par $ f$ sur tout son domaine de définition (voir le graphe de la figure 3).

Théorème 4   Soit $ f$ une fonction de $ \mathbb{R}$ dans $ \mathbb{R}$, définie sur un intervalle ouvert $ I$. Si $ f$ présente un extremum (maximum ou minimum) local en un point $ a$ de $ I$, et si $ f$ est dérivable en $ a$, alors $ f'(a)=0$.

Démonstration : Si $ a$ est un minimum local de $ f$, alors c'est un maximum local de $ -f$ : quitte à remplacer $ f$ par $ -f$, nous pouvons supposer que $ a$ est un maximum local.

$\displaystyle \exists \eta>0 ,\; \vert x-a\vert\leqslant \eta
\;\Longrightarrow\; f(x)\leqslant f(a)\;.
$

Donc pour tout $ x$ dans l'intervalle $ [a-\eta,a[ $,

$\displaystyle \frac{f(x)-f(a)}{x-a}\geqslant 0$   donc$\displaystyle \quad
\lim_{x\rightarrow a^-}\frac{f(x)-f(a)}{x-a}=f'(a)\geqslant 0\;.
$

Pour tout $ x$ dans l'intervalle $ ]a,a+\eta[ $,

$\displaystyle \frac{f(x)-f(a)}{x-a}\leqslant 0$   donc$\displaystyle \quad
\lim_{x\rightarrow a^+}\frac{f(x)-f(a)}{x-a}=f'(a)\leqslant 0\;.
$

D'où le résultat.$ \square$ Reprenons l'exemple de la figure 2 : $ f :x\mapsto \sqrt{x^2-x^3}$. La dérivée est :

$\displaystyle f'(x)=\frac{2x-3x^2}{2\sqrt{x^2-x^3}}\;.
$

Elle s'annule en $ x=2/3$, et $ f$ admet effectivement un maximum en ce point. Mais savoir que $ f'(2/3)=0$ permet seulement d'affirmer que la tangente en ce point est horizontale. Il se pourrait que la dérivée en un point soit nulle sans que la fonction admette un extremum en ce point : par exemple la fonction $ x\mapsto x^3$ en 0. D'autre part, une fonction peut présenter un extremum en $ a$, sans être dérivable en ce point (par exemple la fonction $ x\mapsto \sqrt{x^2-x^3}$ en 0).

Voici un autre exemple (figure 3). Soit $ f$ la fonction définie par :

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
&f&\\
\mathbb{R}^*&\longrightarrow&\math...
...i}&x\neq 0\\
0&\mbox{si}&x=0\;.
\end{array}\right.
\end{array}\end{displaymath}

Figure: Graphe de la fonction $ x\mapsto x^2\sin(1/x)$.
\includegraphics[width=8cm]{x2sin1}
Le taux d'accroissement de $ f$ en 0 est $ x\sin(1/x)$, qui tend vers 0. La dérivée de $ f$ en 0 est donc nulle. Pourtant, tout intervalle contenant 0, contient aussi des valeurs positives, et des valeurs négatives (et aussi une infinité d'extrema locaux). Nous allons appliquer le théorème 4, pour démontrer le théorème de Rolle.

Théorème 5   Soient $ a$ et $ b$ deux réels tels que $ a<b$. Soit $ f$ une fonction de $ [a,b]$ dans $ \mathbb{R}$, continue sur $ [a,b]$, dérivable sur $ ]a,b[ $. Si $ f(a)=f(b)$, alors la dérivée de $ f$ s'annule sur $ ]a,b[ $.

$\displaystyle \exists c\in ]a,b[\;,\quad f'(c)=0\;.
$

Démonstration : Une application continue sur intervalle fermé borné, atteint sa borne inférieure $ m$ et sa borne supérieure $ M$ : il existe $ c_1,
c_2\in[a,b]$ tels que pour tout $ x\in [a,b]$,

$\displaystyle m=f(c_1)\leqslant f(x)\leqslant f(c_2)=M\;.
$

Si $ m=M$, l'application $ f$ est constante sur $ [a,b]$, et sa dérivée est identiquement nulle. Si $ m<M$, alors l'une au moins de ces deux valeurs est différente de $ f(a)$ (et donc de $ f(b)$). Si $ m<f(a)$, alors $ c_1\in ]a,b[$ est un minimum pour $ f$, et donc $ f'(c_1)=0$, d'après le théorème précédent. Si $ M>f(a)$, alors $ c_2$ est un maximum pour $ f$, et donc $ f'(c_2)=0$.$ \square$
Figure 4: Théorème de Rolle.
\includegraphics[width=8cm]{rolle}
Figure 5: Théorème des accroissements finis.
\includegraphics[width=8cm]{accfini}
On en déduit le résultat le plus important de cette section, le théorème des accroissements finis.

Théorème 6   Soient $ a$ et $ b$ deux réels tels que $ a<b$. Soit $ f$ une fonction de $ [a,b]$ dans $ \mathbb{R}$, continue sur $ [a,b]$, dérivable sur $ ]a,b[ $.

$\displaystyle \exists c\in ]a,b[\;,\quad \frac{f(b)-f(a)}{b-a}=f'(c)\;.
$

Démonstration : Considérons la fonction $ g$, qui à $ x\in [a,b]$ associe

$\displaystyle g(x) = f(x)-\frac{f(b)-f(a)}{b-a} x\;.
$

La fonction $ g$ est continue sur $ [a,b]$, dérivable sur $ ]a,b[ $. De plus, elle prend la même valeur en $ a$ et $ b$ :

$\displaystyle g(a)=g(b)=\frac{bf(a)-af(b)}{b-a}\;.
$

D'après le théorème de Rolle, la dérivée de $ g$ s'annule en un point $ c$ de $ ]a,b[ $.

$\displaystyle g'(c)=f'(c)-\frac{f(b)-f(a)}{b-a}=0\;.
$

D'où le résultat.$ \square$ Graphiquement, le théorème des accroissements finis dit que la courbe représentative de $ f$ sur $ [a,b]$ possède au moins une tangente parallèle à la sécante passant par $ (a,f(a))$ et $ (b,f(b))$ (figure 5). Si $ f(x)$ représente la position d'un mobile à l'instant $ x$, le théorème des accroissements finis dit que en au moins un point, la vitesse instantanée doit être égale à la vitesse moyenne sur l'intervalle.

Le plus souvent en pratique, on ne sait rien de la valeur de $ c$ qui est telle que la tangente en $ c$ est parallèle à la sécante. Mais de son existence découlent des inégalités permettant d'obtenir des renseignements précis sur les accroissements de la fonction. Le théorème des accroissements finis permet aussi d'établir le lien entre le sens de variation de $ f$ et le signe de sa dérivée.

Proposition 6   Soit $ I$ un intervalle ouvert non vide, et $ f$ une fonction dérivable sur $ I$. La fonction $ f$ est :
$ \bullet$
croissante sur $ I$ si et seulement si $ f'$ est positive ou nulle sur $ I$,
$ \bullet$
décroissante sur $ I$ si et seulement si $ f'$ est négative ou nulle sur $ I$.

Démonstration : La fonction $ f$ est croissante si et seulement si $ -f$ est décroissante. Il suffit donc de démontrer le premier point. Si $ f$ est croissante, alors ses taux d'accroissement sont tous positifs ou nuls :

$\displaystyle \forall x,y\in I\;,\quad \frac{f(x)-f(y)}{x-y}\geqslant 0\;.
$

Comme la dérivée en chaque point est limite de taux d'accroissement, elle est aussi positive ou nulle.

Réciproquement, soient $ x$ et $ y$ deux points de $ I$ tels que $ x<y$. Appliquons le théorème des accroissements finis à $ f$ sur l'intervalle $ [x,y]$ : il existe $ c\in ]x,y[$ tel que :

$\displaystyle \frac{f(y)-f(x)}{y-x}=f'(c)\geqslant 0\;.
$

Donc $ f(x)\leqslant f(y)$.$ \square$ Ce résultat n'est valable que sur un intervalle : la fonction $ x\mapsto 1/x$ a une dérivée négative sur $ \mathbb{R}^*$, pourtant elle n'est pas décroissante. D'autre part, si la dérivée est strictement positive, alors la fonction est strictement croissante. La réciproque est fausse. La fonction peut être strictement croissante même si la dérivée s'annule en certains points (par exemple $ x\mapsto x^3$). Comme autre application du théorème des accroissements finis, il est possible d'obtenir la dérivée en un point comme prolongement par continuité de la dérivée calculée sur un intervalle.

Proposition 7   Soient $ a$ et $ b$ deux réels tels que $ a<b$. Soit $ f$ une fonction de $ \mathbb{R}$ dans $ \mathbb{R}$, continue sur l'intervalle $ [a,b]$, dérivable sur $ ]a,b[ $. Si $ f'$ admet une limite finie en $ a$, alors $ f$ est dérivable à droite en $ a$ et :

$\displaystyle f'(a)=\lim_{x\rightarrow a^+} f'(x)\;.
$

Démonstration : Soit $ x\in ]a,b]$. Appliquons le théorème des accroissements finis sur l'intervalle $ [a,x]$. Il existe $ c\in ]a,x[$ tel que

$\displaystyle \frac{f(x)-f(a)}{x-a}=f'(c)\;.
$

Soit $ l$ la limite à droite de $ f'$ en $ a$. Pour tout $ \varepsilon >0$, il existe $ \eta>0$ tel que

$\displaystyle a<x\leqslant a+\eta\;\Longrightarrow\; \vert f'(x)-l\vert\leqslant \varepsilon \;.
$

Donc pour $ a<x\leqslant a+\varepsilon $,

$\displaystyle \left\vert\frac{f(x)-f(a)}{x-a}-l\right\vert\leqslant \varepsilon \;.
$

D'où le résultat.$ \square$ Ce résultat n'est qu'une condition suffisante. Il peut se faire que la dérivée existe sans qu'elle soit continue. Par exemple la fonction $ x\mapsto x^2\sin(1/x)$ a une dérivée nulle en 0 (figure 3). Pourtant sa dérivée en $ x$, $ 2x\sin(1/x)-\cos(1/x)$, n'a pas de limite en 0.

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