Le résultat principal de cette section
est le théorème de Heine qui
affirme que toute fonction continue sur un intervalle fermé borné
est uniformément continue.
Il est utilisé en particulier
pour démontrer qu'une fonction continue est intégrable au sens de
Riemann, et nous vous
avons demandé de l'admettre dans le chapitre sur l'intégration.
Nous en profiterons aussi pour démontrer le théorème de Dini,
qui est une sorte de réciproque du
théorème 4. Nous commençons par le
théorème de Bolzano-Weierstrass, puis viendra le lemme de
Borel-Lebesgue, utilisé plusieurs fois dans les
démonstrations qui suivront. Les deux sont des cas particuliers
de résultats de topologie beaucoup plus généraux que vous
apprendrez plus tard.
Théorème 7 (de Bolzano-Weierstrass)
De toute suite de réels
bornée, on peut extraire une sous-suite convergente.
Démonstration : La démontration se fait par dichotomie.
Soit un minorant et un majorant de la suite :
Posons et , et
.
Divisons l'intervalle en deux,
et considérons les deux moitiés : l'une au moins contient une
infinité de termes de la suite . Supposons que
contienne une infinité de termes de la
suite. On note ,
, et
un
entier tel que
. Si la première moitié
ne contient qu'un nombre fini de termes, on la remplace par l'autre
moitié
. On itère ensuite le
procédé, de manière à construire des intervalles
emboîtés , de longueur , et des valeurs
extraites
. Les suites et sont
adjacentes par construction, donc elles convergent vers la même
limite. Par le théorème des gendarmes
la suite
converge vers la
même limite que et . Le lemme de Borel-Lebesgue affirme que de tout recouvrement d'un
intervalle fermé borné, on peut extraire un
sous-recouvrement fini.
Démonstration : La première étape consiste à montrer que pour un
certain entier , tout intervalle de la forme
est
inclus dans l'un des au moins.
Ecrivons la négation :
Pour tout , soit l'un des dont l'existence est affirmée
ci-dessus. Par le théorème de Bolzano-Weierstrass, on peut
extraire de la suite une sous-suite
, qui
converge vers . En particulier, aucun des intervalles
n'est inclus dans
, ce qui est impossible si est la limite de
.
En utilisant la première étape, nous allons démontrer
le lemme par l'absurde : nous supposons donc qu'aucune réunion
finie des intervalles ne recouvre .
Fixons un entier dont l'existence est affirmée ci-dessus.
Soit un point de . Il
existe tel que
. Comme
ne recouvre pas , il existe un point de
qui n'appartient pas à . Ce point est à distance au moins
de . Il existe un point tel que
. La réunion
ne recouvre pas . Donc il existe en dehors de
cette réunion : est à distance au moins de et
de . Par récurrence, on construit ainsi une suite
de points de telle que deux quelconques de ses éléments sont
à distance au moins . En appliquant une fois de plus le
théorème de Bolzano-Weierstrass, une sous-suite de devrait
converger, d'où la contradiction.
La continuité uniforme est à la continuité ce que la convergence
uniforme est à la convergence simple (comparez avec la définition
1).
Évidemment, la continuité uniforme implique la continuité
(simple), mais la
réciproque est fausse en général.
La différence entre les deux est subtile. Dans
la continuité simple, la valeur de peut dépendre non seulement de
mais aussi de .
Dans la continuité uniforme, elle ne peut dépendre
que de
: pour un
donné, on peut choisir le même
pour tous les points de l'intervalle.
Examinons la fonction inverse sur .
Soit un point de et
un réel strictement
compris entre 0 et . L'image réciproque par de
l'intervalle
est l'intervalle :
Cet intervalle contient , et
Posons
Alors, pour tout dans l'intervalle
, reste dans l'intervalle
. De plus,
est le plus grand réel possédant cette
propriété. Observons que pour
fixé, tend
vers 0 quand tend vers 0.
Bien sûr, pour n'importe quel
, l'implication
reste vraie. Mais il n'est pas possible de choisir un même
tel qu'elle reste vraie pour tous les de : la
fonction n'est pas uniformément continue sur .
Examinons maintenant la fonction racine carrée sur le même
intervalle .
Soit un point de et
un réel strictement
compris entre 0 et . Pour
,
l'image réciproque par de
l'intervalle
est l'intervalle :
Pour
, c'est l'intervalle
L'amplitude de ces intervalles dépend bien de a priori.
Posons
. Nous allons démontrer que pour tout
, si
, alors
, ce qui entraîne que est uniformément continue sur . Supposons
d'abord
. Alors
. Donc
l'intervalle
contient l'intervalle
: si vérifie
, alors
.
Supposons maintenant
. Si , alors
. Si
, alors
, donc
.
Théorème 8 (de Heine)
Toute fonction continue sur un intervalle fermé borné est
uniformément continue.
Donc la fonction
est uniformément continue sur
, tout comme la fonction
sur l'intervalle
.
Démonstration : Soit un intervalle fermé borné, et une fonction
continue sur . Soit
un réel strictement
positif. Puisque est continue sur ,
pour tout , il existe un
réel strictement positif, que nous noterons , tel que pour
tout
,
Pour tout , considérons
l'intervalle ouvert
, noté .
Par le lemme de Borel-Lebesque, on peut extraire de cette famille
d'intervalles un sous-recouvrement de :
Puisque les intervalles ouverts
recouvrent
, il existe tel que si
, alors et
appartiennent à un même intervalle . Si c'est le cas,
par définition de . La continuité uniforme est une notion générale. Nous en aurons
besoin plus loin pour
des fonctions de deux variables.
Attention, il ne suffit pas que les applications partielles soient
continues sur et respectivement, pour
que soit continue sur : voir le théorème
3.
Le théorème de Heine reste vrai pour un produit d'intervalles
fermés bornés (et plus généralement pour tout espace
topologique compact, comme vous l'apprendrez plus tard). Nous
l'utiliserons pour les fonctions de deux variables dans la section 1.5.
Théorème 9
Soient et deux intervalles fermés bornés
de
et
une
fonction continue sur ,
à valeurs dans
ou
. Alors est uniformément
continue sur .
Démonstration : Fixons , et considérons l'application partielle
. On déduit immédiatement de la continuité
de , que est continue sur . D'après le théorème de
Heine, elle est donc uniformément continue sur :
Écrivons de même que, pour tout ,
l'application partielle
est
uniformément continue sur .
Le problème dans les écritures ci-dessus est que et
dépendent respectivement de et . Or nous devons
démontrer que la continuité est uniforme en les deux variables.
Posons :
et
D'après le lemme de Borel-Lebesgue, on peut extraire de ces
recouvrements des sous-recouvrements finis :
et
Puisque les intervalles ouverts
recouvrent
, il existe tel que si
, alors et
appartiennent au même intervalle . De même, il existe
tel que si
, alors et appartiennent au
même intervalle . On peut donc écrire :
Pour terminer cette section, voici une autre application du lemme de
Borel-Lebesgue. Le théorème de Dini affirme que si une suite
croissante de fonctions continues converge simplement vers une
fonction continue, alors la convergence est uniforme (comparez avec le
théorème 4).
Évidemment, le résultat vaut pour une suite décroissante,
en remplaçant par .
Démonstration : Fixons
et
. Puisque converge vers
, il existe un entier tel que
. Par continuité de en , il
existe tel que si
, alors
.
Par continuité de en , il
existe tel que si
, alors
. Posons
. Pour tout
:
Notons l'intervalle ouvert
. D'après le lemme
de Borel-Lebesgue, on peut extraire des un sous-recouvrement
fini : il existe
et
tels que
Notons le plus grand des entiers
. Soit
: il existe
tel que
.
Puisque
est une suite croissante, pour tout
:
par définition de . Comme l'entier ne dépend pas de
, la convergence est bien uniforme.
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