Rang d'une matrice
Nous avons déjà défini la notion de rang pour une famille de
vecteurs et pour une application linéaire :
- le rang d'une famille de vecteurs est la dimension du sous espace
vectoriel qu'elle engendre,
- le rang d'une application linéaire est la dimension de son image.
Soient et deux espaces vectoriels, et une application
linéaire de dans . Si
est une base de
, l'image de est le sous-espace vectoriel de engendré par
. Donc le rang de est aussi le rang de
la famille
et ce, quelle que soit la base
. Ce rang ne dépend pas non plus de la
base dans laquelle on écrit la famille
à l'arrivée : c'est le rang des vecteurs colonnes de la matrice de
, quelles que soient les bases par rapport auxquelles on écrit
cette matrice.
Définition 7
Soit
une matrice. On appelle rang de
la matrice la dimension du sous-espace vectoriel (de
)
engendré par ses vecteurs colonnes.
Observons que la connaissance du rang fournit un critère
d'inversibilité.
Proposition 7
Une matrice de
est inversible si et seulement si
son rang est .
Démonstration : D'après la proposition 5, une matrice est
inversible, si et seulement si elle représente une application
linéaire bijective de
dans lui-même. Or
une application linéaire est bijective
si et seulement si l'image qu'elle donne d'une base est une base,
c'est-à-dire si son rang est .
Le rang d'une matrice est
celui des applications linéaires qu'elle représente, qui ne
dépend pas des bases. Si deux matrices représentent la même
application dans des bases différentes, elles auront nécessairement
même rang. Rappelons (définition 6
et théorème 3)
que deux matrices sont équivalentes si elles
représentent la même application linéaire dans deux bases
différentes, ou encore si on déduit l'une de l'autre en
multipliant à gauche ou à droite par une matrice inversible.
Deux matrices équivalentes ont même rang. Nous allons démontrer
la réciproque.
Théorème 4
Deux matrices de
sont équivalentes si et
seulement si elles ont même rang.
Démonstration : Nous devons démontrer que deux matrices ayant le même rang sont
équivalentes.
Soit une matrice à lignes, colonnes, et de rang
. Notons
les vecteurs colonnes de , qui
sont des vecteurs de
. Le
rang de est la dimension de l'espace engendré par
, qui est inférieure ou égale à
et à . Nous allons
montrer que la matrice est équivalente à la matrice
obtenue en complétant la matrice identité par des
zéros, à droite et en dessous.
Considérons l'application , de
dans
dont la
matrice relative aux bases canoniques est .
Nous voulons trouver une base de l'espace de départ et une
base de l'espace d'arrivée, telles que la matrice de relative
à ces bases soit .
Comme la dimension de l'image de est
, la dimension du noyau est , d'après le théorème du
rang. Soit
une base de
Im
et
une base de
Ker. Pour tout
, choisissons un vecteur tel que
. La
famille
est une base de : ceci a été établi dans la
démonstration du théorème du rang.
Dans l'espace d'arrivée , la famille
est une
famille libre car c'est une base de
Im. On peut la
compléter par vecteurs
de sorte que
soit une base de .
Pour
, l'image de est
. Les images de
sont nulles : la matrice de
relative aux bases
(au
départ) et
(à l'arrivée) est la matrice .
Puisque et sont équivalentes, il existe deux matrices
inversibles et telles que
, et donc
. Soit une
autre matrice de
, également de rang . Il
existe deux autres matrices inversibles et telles que
. En multipliant à gauche par et à droite par
, on obtient :
Donc deux matrices de même taille et de même rang sont équivalentes.
On déduit de la démonstration qui précède que et
ont le même rang.
Démonstration : Nous avons démontré qu'une matrice de rang est
équivalente à la matrice obtenue en complétant par
des zéros. Or est du même type que : elle
contient la matrice identité , complétée par des
zéros. Elle est aussi de rang . Par la proposition
2, si
,
la transposée de s'écrit :
Par la proposition 2, la transposée d'une
matrice inversible est inversible. Nous avons donc montré que
est équivalente à , qui est de rang .
Déterminer le rang d'une matrice consiste à déterminer le rang
de ses vecteurs colonnes, ou encore de ses vecteurs lignes, puisque ce
sont les colonnes de la transposée. Pour ce faire, nous avons vu une
méthode consistant à écrire un système homogène, puis
à lui appliquer la méthode de Gauss.
Soit
une matrice à lignes et colonnes.
Munissons
et
de leurs bases canoniques, et notons
l'application linéaire de
dans
qui a pour matrice
relativement à ces bases. L'application
linéaire peut être caractérisée de deux façons
différentes.
- est l'application qui à un -uplet
associe le -uplet , dont la -ième coordonnée vaut
- est l'application qui au -ième vecteur de la base canonique
de
associe le -uplet
, à savoir
le -ième vecteur colonne de .
Le noyau de est l'ensemble des -uplets
, solutions du système homogène suivant.
Le rang de ce système est égal à la fois au
rang de , au rang de , au
rang de la famille des vecteurs colonnes de et au rang de la
famille des vecteurs lignes. Pour le
calculer, il suffit de mettre le système sous forme
échelonnée : le rang est le nombre de pivots non nuls de la forme
échelonnée. On peut aussi déduire de la forme échelonnée une
base de l'image, c'est-à-dire une base de l'espace engendré par
les vecteurs colonnes de . Il n'est pas indispensable de passer par le
système pour cela. On peut très bien appliquer la méthode
du pivot de Gauss en transformant la matrice , sans écrire le
système. Ceci revient à remplacer à chaque étape une matrice
par une autre matrice telle que le noyau de l'application linéaire
associée soit le même : le rang n'est donc pas modifié.
Voici un exemple.
Considérons la matrice
suivante.
Le coefficient d'ordre est non nul, il n'y a donc pas de
permutations à effectuer. Le premier pivot est . Voici les
transformations qui annulent la première colonne au-dessous du pivot.
Le second pivot est . Les transformations qui annulent le bas de la
seconde colonne sont les suivantes.
Pour obtenir un troisième pivot non nul, il faut échanger les deux
dernières colonnes.
Le troisième pivot est . Il ne reste qu'une ligne à transformer.
Le rang de la matrice est donc . En n'oubliant pas que les colonnes
et ont été échangées, on obtient aussi
que les vecteurs colonnes numéros , et de la matrice
forment une famille libre, donc une base de l'espace engendré.
Bien que l'écriture du système soit mathématiquement superflue,
elle est techniquement plus sûre, et nous vous conseillons de la
conserver.
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