Encadrements par des fonctions en escalier

Dans cette section, nous étudions le cas des fonctions monotones et des fonctions continues. Soit $ f$ une fonction bornée de $ [a,b]$ dans $ \mathbb{R}$. L'idée est de considérer des encadrements de $ f$ par des fonctions en escalier $ \varphi$ et $ \psi$, comme sur la figure 6.

$\displaystyle \forall x\in [a,b]\;,\quad \varphi(x)\leqslant f(x)\leqslant \psi(x)\;.
$

Figure 6: Encadrement d'une fonction $ f$ par des fonctions en escalier.
\includegraphics[width=12cm]{encadrement}
On peut supposer que les fonctions en escalier $ \varphi$ et $ \psi$ sont exprimées au moyen de la même subdivision $ a=u_0<u_1<\cdots<u_p=b$ : sinon il est toujours possible de redécouper les subdivisions qui les définissent, pour arriver à une subdivision commune (comme les valeurs $ \varphi(u_i)$, $ \psi(u_i)$ ne jouent pas de rôle dans les intégrales, on choisira par exemple $ \varphi(u_i)=\psi(u_i)=f(u_i) $). On aura donc :

$\displaystyle \forall x\in]u_{i-1},u_{i}[\;,\quad
\varphi(x)=c_i\leqslant f(x)\leqslant \psi(x)=d_i\;.
$

Dans cette situation, l'erreur due à l'encadrement de l'aire est précisément :

$\displaystyle \int_a^b\psi(x) \mathrm{d}x-\int_a^b\varphi(x) \mathrm{d}x=
\sum_{i=0}^{p-1}(d_i-c_i)(u_{i}-u_{i-1})\;.
$

C'est l'aire des rectangles grisés sur la figure 6. Nous commençons par un critère d'intégrabilité, qui sera ensuite appliqué aux fonctions monotones, puis aux fonctions continues.

Lemme 1   Toute fonction intégrable sur $ [a,b]$ est bornée.

Démonstration : Soit $ f$ une fonction intégrable sur $ [a,b]$. Il existe des réels $ A$ et $ \delta$ tels que $ \vert S_D(f)-A\vert\leqslant1$ pour toute subdivision $ D$ $ \delta$-fine. En remplaçant éventuellement $ \delta$ par une valeur plus petite, on peut supposer que $ \delta=(b-a)/n$ pour $ n\in\mathbb{N}^*$.

Soit $ D=\{([a_{i-1},a_i],x_i)\}_{1\leqslant i\leqslant n}$ la subdivision pointée définie par $ a_i=x_i=a+i\delta$. Donc $ D$ est $ \delta$-fine (et régulière).

Soit $ x$ un point quelconque de $ [a,b]$. Il existe un indice $ i$ tel que $ x\in [a_{i-1},a_i]$. Soit $ D(x)$ la subdivision pointée obtenue à partir de $ D$ en remplaçant $ x_i$ par $ x$ et en ne changeant rien d'autre. Comme $ D(x)$ et $ D$ sont toutes deux $ \delta$-fines,

$\displaystyle \vert S_{D(x)}-S_{D}\vert\leqslant\vert S_{D(x)}-A\vert+\vert S_{D}-A\vert\le2.
$

Or, $ S_{D(x)}-S_{D}=(a_i-a_{i-1})(f(x)-f(x_i))$. On en déduit :

$\displaystyle \vert f(x)-f(x_i)\vert\leqslant 2/(a_i-a_{i-1})=2/\delta.
$

Finalement, on obtient la borne uniforme suivante : pour tout $ x$ dans $ [a,b]$,

$\displaystyle \vert f(x)\vert\leqslant M+2/\delta ,\quad M=\max\{\vert f(a+i\delta)\vert ; 0\leqslant i\leqslant n\}.
$

$ \square$

Définition 6   Soit $ f:[a,b]\to\mathbb{R}$ une fonction. On note $ \mathcal{E}^+(f)$ l'ensemble des fonctions en escalier $ \psi$ telles que $ f\leqslant \psi$, et $ \mathcal{E}^-(f)$ l'ensemble des fonctions en escalier $ \varphi$ telles que $ \varphi\leqslant f$.

Proposition 7   Soit $ f:[a,b]\to\mathbb{R}$ une fonction. La fonction $ f$ est intégrable sur $ [a,b]$ si et seulement si pour tout $ \varepsilon >0$, il existe deux fonctions $ \varphi\in\mathcal{E}^-(f)$ et $ \psi\in\mathcal{E}^+(f)$ telles que :

$\displaystyle \int_a^b\psi(x) \mathrm{d}x-\int_a^b\varphi(x) \mathrm{d}x \leqslant \varepsilon \;.
$

Dans ce cas, on a :

$\displaystyle \int_a^bf(x) \mathrm{d}x
=\sup\left\{ \int_a^b\varphi(x) \math...
...\left\{ \int_a^b\psi(x) \mathrm{d}x ;\;\psi\in\mathcal{E}^+(f) \right\}\;.
$

Démonstration : Notons $ E_-(f)$ (respectivement : $ E_+(f)$) l'ensemble des intégrales des fonctions $ \varphi\in\mathcal{E}^-(f)$ (respectivement : $ \psi\in\mathcal{E}^+(f)$). Si $ \varphi\in\mathcal{E}^-(f)$ et $ \psi\in\mathcal{E}^+(f)$, alors $ \varphi\leqslant\psi$, donc :

$\displaystyle \int_a^b\varphi(x) \mathrm{d}x\leqslant\int_a^b\psi(x) \mathrm{d}x\;.
$

Par conséquent, tout élément $ I_-$ de $ E_-(f)$ et tout élément $ I_+$ de $ E_+(f)$ sont tels que $ I_-\leqslant I_+$.

La condition de la proposition assure que $ E_-(f)$ et $ E_+(f)$ ne sont pas vides et que, pour tout $ \varepsilon >0$, il existe un élément de $ E_-(f)$ et un élément de $ E_+(f)$ dont la différence est au plus $ \varepsilon $. Ceci entraîne que la borne supérieure de $ E_-(f)$ et la borne inférieure de $ E_+(f)$ sont égales : notons $ A$ leur valeur commune. Fixons $ \varepsilon >0$, et choisissons deux fonctions en escalier $ \varphi\in\mathcal{E}^-(f)$ et $ \psi\in\mathcal{E}^+(f)$ telles que :

$\displaystyle \int_a^b \varphi(x) \mathrm{d}x\geqslant A-\frac{\varepsilon }{2}$   et$\displaystyle \quad
\int_a^b \psi(x) \mathrm{d}x \leqslant A+\frac{\varepsilon }{2}\;.
$

Toutes les fonctions en escalier sont intégrables donc il existe des réels $ \delta_1$ et $ \delta_2$ qui sont $ (\varepsilon /2)$-adaptés pour $ \varphi$ et $ \psi$ respectivement. Posons $ \delta=\min\{\delta_1,\delta_2\}$. Soit $ D$ une subdivision $ \delta$-fine de $ [a,b]$. Comme $ D$ est à la fois $ \delta_1$-fine et $ \delta_2$-fine,

$\displaystyle \left\vert S_D(\varphi)-\int_a^b \varphi(x) \mathrm{d}x \right\vert
\leqslant \frac{\varepsilon }{2}$   et$\displaystyle \quad
\left\vert S_D(\psi)-\int_a^b \psi(x) \mathrm{d}x \right\vert
\leqslant \frac{\varepsilon }{2}\;.
$

Nous allons vérifier que :

$\displaystyle \big\vert S_D(f)-A \big\vert\leqslant \varepsilon \;.
$

Écrivons :

$\displaystyle S_D(f)\leqslant S_D(\psi)\leqslant
\left\vert S_D(\psi)-\int_a^...
...}x \leqslant \frac{\varepsilon }{2}+A+\frac{\varepsilon }{2}=A+\varepsilon \;.
$

Dans l'autre sens :

$\displaystyle S_D(f)\geqslant S_D(\varphi)\geqslant
\int_a^b\varphi(x) \mathr...
...ert\geqslant A-\frac{\varepsilon }{2}-\frac{\varepsilon }{2}=A-\varepsilon \;.
$

On a montré que $ f$ est intégrable et que son intégrale vaut $ A$.

Dans l'autre sens, supposons que $ f$ est intégrable. Notons $ A$ son intégrale. Fixons deux réels $ \varepsilon >0$ et $ \eta>0$. Il existe un réel $ \delta$ tel que toute subdivision pointée $ D=\{([a_{i-1},a_i],x_i)\}_{1\leqslant i\leqslant n}$ $ \delta$-fine vérifie :

$\displaystyle \vert S_D(f)-A\vert\leqslant\varepsilon /4.
$

Pour chaque $ 1\leqslant i\leqslant n$, notons :

$\displaystyle m_i=\inf\{f(x) ; a_{i-1}\leqslant x\leqslant a_i\},\qquad
M_i=\sup\{f(x) ; a_{i-1}\leqslant x\leqslant a_i\}.
$

Il existe $ x^+_i\in[a_{i-1},a_i]$ et $ x^-_i\in[a_{i-1},a_i]$ tels que :

$\displaystyle f(x^-_i)\leqslant m_i+\eta,\quad
f(x^+_i)\geqslant M_i-\eta.
$

Notons $ D^+=\{([a_{i-1},a_i],x^+_i)\}_{1\leqslant i\leqslant n}$ et $ D^-=\{([a_{i-1},a_i],x^-_i)\}_{1\leqslant i\leqslant n}$. Les subdivisions pointées $ D^-$ et $ D^+$ sont $ \delta$-fines donc

$\displaystyle \vert S_{D^+}(f)-S_{D^-}(f)\vert\leqslant\vert S_{D^+}(f)-A\vert+...
...S_{D^-}(f)-A\vert\leqslant(\varepsilon /4)+
(\varepsilon /4)=(\varepsilon /2).
$

En particulier,

$\displaystyle S_{D^+}(f)\leqslant S_{D^-}(f)+(\varepsilon /2).
$

Notons $ \varphi$ une fonction en escalier telle que $ \varphi(x)=m_i$ sur chaque intervalle $ ]a_{i-1},a_i[$ et $ \varphi(a_i)\leqslant
f(a_i)$, et $ \psi$ une fonction en escalier telle que $ \psi(x)=M_i$ sur chaque intervalle $ ]a_{i-1},a_i[$ et $ \psi(a_i)\geqslant f(a_i)$.

Par construction, $ \varphi\leqslant f\leqslant\psi$ donc $ \varphi\in\mathcal{E}^-(f)$ et $ \psi\in\mathcal{E}^+(f)$. De plus,

$\displaystyle \int_a^b\varphi(x) \mathrm{d}x=\sum_{i=1}^n(a_i-a_{i-1})m_i\geqslant\sum_{i=1}^n(a_i-a_{i-1})(f(x^-_i)-\eta)=S_{D^-}(f)-(b-a)\eta\;,
$

et

$\displaystyle \int_a^b\psi(x) \mathrm{d}x=\sum_{i=1}^n(a_i-a_{i-1})M_i\leqslant\sum_{i=1}^n(a_i-a_{i-1})(f(x^+_i)+\eta)=S_{D^+}(f)+(b-a)\eta\;.
$

En reportant dans ces inégalités notre estimation de l'écart entre $ S_{D^-}(f)$ et $ S_{D^+}(f)$, on voit que :

$\displaystyle \int_a^b\psi(x) \mathrm{d}x\leqslant(\varepsilon /2)+2(b-a)\eta+\int_a^b\varphi(x) \mathrm{d}x\;.
$

Si on choisit $ \eta\leqslant\varepsilon /(4(b-a))$, on obtient la condition de l'énoncé.$ \square$

Théorème 7   Toute fonction monotone de $ [a,b]$ dans $ \mathbb{R}$ est intégrable sur $ [a,b]$.

Démonstration : Soit $ f$ une fonction monotone de $ [a,b]$ dans $ \mathbb{R}$. Quitte à remplacer $ f$ par $ -f$, nous pouvons supposer que $ f$ est croissante. Si $ f$ est constante, le résultat est déjà démontré. Sinon, $ f(b)-f(a)>0$. Fixons $ \varepsilon >0$ et posons $ \delta=\varepsilon /(f(b)-f(a))$. Soit $ a=u_1<\cdots <u_p=b$ une subdivision $ \delta$-fine de $ [a,b]$. Définissons les fonctions en escalier $ \varphi$ et $ \psi$, pour tout $ i=1,\ldots,p$ et pour tout $ x\in]u_{i-1},u_{i}[$ par :

$\displaystyle \varphi(x)=f(u_{i-1})$   et$\displaystyle \quad
\psi(x)=f(u_{i})\;,
$

et $ \varphi(u_i)=\psi(u_i)=f(u_i)$ comme déjà convenu. Cela donne :
$\displaystyle \int_a^b\psi(x) \mathrm{d}x-\int_a^b\varphi(x) \mathrm{d}x$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \displaystyle{
\sum_{i=1}^{p}\big(f(u_{i})-f(u_{i-1})\big)(u_{i}-u_{i-1})}$  
  $\displaystyle \le$ $\displaystyle \displaystyle{
\delta\sum_{i=1}^{p}\big(f(u_{i})-f(u_{i-1})\big)}$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \delta\big(f(b)-f(a)\big)=\varepsilon \;.$  

L'hypothèse de la proposition 7 est donc vérifiée.$ \square$

Théorème 8   Toute fonction continue de $ [a,b]$ dans $ \mathbb{R}$ est intégrable sur $ [a,b]$.

Démonstration : Nous admettrons que toute fonction continue sur $ [a,b]$ est en fait uniformément continue. Ce résultat est démontré dans les compléments du chapitre Limites et continuité. (Le lecteur intéressé pourra tout d'abord essayer de se convaincre de la différence entre la définition de la continuité, suposée connue, et celle de l'uniforme continuité, rappelée ci-dessous.)

Fixons $ \varepsilon >0$. L'uniforme continuité de $ f$ signifie qu'il existe un réel $ \delta>0$ tel que pour tous $ x$ et $ y$ dans l'intervalle $ [a,b]$ :

$\displaystyle \vert y-x\vert\leqslant\delta\;\Longrightarrow\;
\vert f(y)-f(x)\vert\leqslant\frac{\varepsilon }{b-a}\;.
$

Choisissons une subdivision pointée $ \delta$-fine $ D=\{([a_{i-1},a_i],x_i)\}_{1\leqslant i\leqslant n}$. Pour tous $ x$ et $ y$ dans l'intervalle $ [a_{i-1},a_i]$, $ \vert y-x\vert\leqslant a_i-a_{i-1}\leqslant\delta$, donc :

$\displaystyle \vert f(y)-f(x)\vert\leqslant\frac{\varepsilon }{b-a}\;.
$

Comme $ f$ est continue sur $ [a_{i-1},a_i]$, elle y atteint sa borne supérieure et sa borne inférieure. Notons :

$\displaystyle m_i = \inf\{ f(x) , x\in [a_{i-1},a_i] \}$   et$\displaystyle \quad
M_i = \sup\{ f(x) , x\in [a_{i-1},a_i] \}\;.
$

Ce qui précède montre que pour tout $ i=1,\ldots,n$,

$\displaystyle \vert M_i-m_i\vert\leqslant \frac{\varepsilon }{b-a}\;.
$

Définissons maintenant, pour tout $ i=1,\ldots,n$ et pour tout $ x\in ]a_{i-1},a_i[$,

$\displaystyle \varphi(x)=m_i$   et$\displaystyle \quad
\psi(x)=M_i\;,
$

et comme d'habitude $ \varphi(a_{i-1})=\psi(a_{i-1})=f(a_{i-1})$. Les fonctions $ \varphi$ et $ \psi$ encadrent $ f$ et :
$\displaystyle \int_a^b\psi(x) \mathrm{d}x-\int_a^b\varphi(x) \mathrm{d}x$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \sum_{i=1}^n (M_i-m_i)(a_i-a_{i-1})$  
  $\displaystyle \leqslant$ $\displaystyle \frac{\varepsilon }{b-a}\sum_{i=1}^n(a_i-a_{i-1})=\varepsilon \;.$  

L'hypothèse de la proposition 7 est donc vérifiée.$ \square$

Théorème 9   Toute fonction continue $ f$ de $ [a,b]$ dans $ \mathbb{R}$ admet une primitive $ F$, définie pour tout $ x\in[a,b]$ par :

$\displaystyle F(x)=\int_a^xf(t) \mathrm{d}t\;.
$

Les autres primitives sont les fonctions de la forme $ x\mapsto F(x)+C$, où $ C$ est une constante.

Démonstration : Nous savons que l'intégrale définissant $ F(x)$ existe pour tout $ x\in[a,b]$, par le théorème 8. Nous allons démontrer que la fonction $ F$ est dérivable sur $ ]a,b[$, de dérivée $ f$. Ceci entraîne le résultat, par le théorème 4 et la proposition 6.

Soient $ x$ un point de $ ]a,b[$ et $ h$ un réel tel que $ x+h\in]a,b[$. La relation de Chasles donne

$\displaystyle F(x+h)-F(x)=\int_x^{x+h}f(t) \mathrm{d}t\;.
$

Fixons $ \varepsilon >0$. Puisque $ f$ est continue en $ x$, il existe $ \delta$ tel que pour $ \vert t-x\vert\leqslant\delta$,

$\displaystyle f(x)-\varepsilon \leqslant f(t)\leqslant f(x)+\varepsilon \;.
$

Par le théorème 2, pour $ \vert h\vert\leqslant \delta$,

$\displaystyle h(f(x)-\varepsilon )\leqslant \int_x^{x+h}f(t) \mathrm{d}t\leqslant
h(f(x)+\varepsilon )\;.
$

En divisant par $ h$, on obtient :

$\displaystyle \left\vert \left(\frac{1}{h}\int_x^{x+h}f(t) \mathrm{d}t\right)-f(x) \right\vert
\leqslant \varepsilon \;.
$

D'où le résultat.$ \square$ Nous avons déjà vu que l'intégrale d'une fonction positive ou nulle est positive ou nulle. Si de plus la fonction est continue et non identiquement nulle, son intégrale est strictement positive ; on utilise souvent ce résultat sous la forme suivante.

Proposition 8   Soit $ f$ une fonction continue sur $ [a,b]$. Si l'intégrale de $ \vert f\vert$ sur $ [a,b]$ est nulle, alors $ f$ est identiquement nulle.

$\displaystyle \int_a^b \vert f(x)\vert \mathrm{d}x =0\; \Longrightarrow\;
\Big( \forall x\in[a,b] ,\;f(x)=0 \Big)\;.
$

Démonstration : Nous allons démontrer la contraposée : si $ \vert f\vert$ n'est pas identiquement nulle, alors son intégrale est strictement positive. Soit $ x$ un point de $ [a,b]$ tel que $ \vert f(x)\vert>0$. Puisque $ f$ est continue en $ x$, $ \vert f\vert$ l'est aussi, et il existe $ \alpha>0$ tel que pour tout $ t\in [x-\alpha,x+\alpha]$, $ \vert f(t)\vert>\vert f(x)\vert/2$. Donc :

$\displaystyle \int_a^b \vert f(x)\vert \mathrm{d}x \geqslant \int_{x-\alpha}^{...
...}\vert f(t)\vert \mathrm{d}t
\geqslant 2\alpha\frac{\vert f(x)\vert}{2}> 0\;.
$

$ \square$ Toujours en utilisant la monotonie, la valeur de l'intégrale peut être encadrée à l'aide du minimum et du maximum de $ f$ sur l'intervalle $ [a,b]$. Notons :

$\displaystyle m=\inf\{f(x) ,\;x\in[a,b]\}$   et$\displaystyle \quad
M=\sup\{f(x) ,\;x\in[a,b]\}\;.
$

Alors,

$\displaystyle (b-a)m \leqslant \int_a^b f(x) \mathrm{d}x
\leqslant (b-a)M\;.
$

Si on divise ces inégalités par la longueur de l'intervalle, on obtient :

$\displaystyle m \leqslant \frac{1}{b-a}\int_a^b f(x) \mathrm{d}x\leqslant M\;.
$

Il faut comprendre $ \displaystyle\frac{1}{b-a}\int_a^b f(x) \mathrm{d}x$ comme la valeur moyenne de la fonction sur l'intervalle. Le théorème de la moyenne dit que cette valeur moyenne est atteinte sur l'intervalle.

Théorème 10   Si $ f$ est continue sur $ [a,b]$, il existe $ c\in [a,b]$ tel que :

$\displaystyle \frac{1}{b-a}\int_a^b f(x) \mathrm{d}x = f(c)\;.
$

Géométriquement, $ f(c)$ est la hauteur du rectangle au-dessus de $ [a,b]$, dont la surface est égale à l'intégrale de $ f$ sur $ [a,b]$ (figure 7).
Figure 7: Illustration du théorème de la moyenne.
\includegraphics[width=8cm]{th_moyenne}
Démonstration : Soit $ F$ une primitive de $ f$ (théorème 9) : $ F$ est dérivable et a pour dérivée $ f$. De plus :

$\displaystyle \frac{1}{b-a}\int_a^b f(x) \mathrm{d}x = \frac{F(b)-F(a)}{b-a}\;.
$

Le théorème des accroissements finis dit que le taux d'accroissement de $ F$ sur $ [a,b]$ est égal à la valeur de la dérivée en un point $ c$ de $ ]a,b[$. D'où le résultat.$ \square$

Les théorèmes 7 et 8 s'étendent sans difficulté aux cas des fonctions monotones par morceaux et des fonctions continues par morceaux.

Définition 7   On dit qu'une fonction $ f$ de $ [a,b]$ dans $ \mathbb{R}$ est monotone $ ($respectivement : continue$ )$ par morceaux s'il existe une subdivision

$\displaystyle a=a_0<a_1<\cdots<a_n=b$

telle que $ f$ soit monotone $ ($respectivement : continue$ )$ sur chaque intervalle $ ]a_{i-1},a_i[$, et si elle admet une limite à gauche finie aux points $ a_1,\ldots,a_n$ et une limite à droite finie aux points $ a_0,\ldots,a_{n-1}$.

Proposition 9   Toute fonction monotone par morceaux est intégrable sur $ [a,b]$. Toute fonction continue par morceaux est intégrable sur $ [a,b]$.

Démonstration : L'hypothèse affirme que sur chaque intervalle $ [a_{i-1},a_i]$, la fonction considérée diffère d'une fonction monotone (respectivement : continue) au plus aux extrémités de l'intervalle. Elle est donc intégrable sur $ [a_{i-1},a_i]$, d'après le corollaire 1. D'où le résultat, par la relation de Chasles. $ \square$

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