Pietro Mengoli (1626-1686), professeur à l'université de Bologne,
savait démontrer que la somme des inverses d'entiers est infinie.
En 1650, il avait posé le problème de la détermination
de la somme exacte des inverses de carrés d'entiers,
qu'il savait majorer avec l'argument suivant.
Repris par Jacques Bernouilli dans «
Positiones arithmeticae de seriebus infinitis» publié à
Bâle en 1689, le «problème de Bâle»
résiste aux tentatives des mathématiciens
de toute l'Europe pendant plusieurs
décennies3. En 1730, Stirling
publie la valeur approchée
, obtenue par une méthode
d'accélération de convergence. Mais ce n'était pas le résultat exact.
En 1735, Euler, alors âgé de 28 ans, donne la réponse :
La méthode qui le conduit à cette découverte est typique
d'Euler : inventive, élégante, puissante. Elle lui
permet de calculer bien d'autres sommes, comme :
Alors, même si la justification rigoureuse laisse à
désirer, pourquoi bouder notre plaisir devant tant de virtuosité ?
Nous allons donner une version simplifiée de l'argument, qui ne suit pas
à la lettre l'article original, mais en respecte les idées principales.
Euler part du développement en
série entière de :
Les zéros de sont les mutiples de : , où
. Si on divise par pour se débarrasser de la racine
nulle, les nombres de la forme , pour sont les racines
du «polynôme infini» :
Comme il n'y a que des termes pairs, les nombres de la forme
, pour
sont les racines du «polynôme
infini»
Considérons maintenant un polynôme (fini) à racines
:
Son terme constant est
, tandis que le coefficient
du terme en est :
L'opposé du rapport du terme en au terme constant est donc la somme des
inverses des racines :
Mettons que ça marche aussi pour les polynômes
infinis, c'est-à-dire pour les séries :
Il n'y a plus qu'à multiplier par et le tour est joué. Ah,
si seulement les mathématiques pouvaient être aussi faciles pour
vous que pour Euler... !