Cette partie est consacrée à deux exemples fondamentaux de classes de groupes finis. La première classe est composée de groupes abéliens, la seconde de groupes non abéliens sauf dans des cas dégénérés.
Démonstration : Le seul point notable est que l'inverse de 0 vaut 0 et
celui d'un élément vaut
.
On verra plus tard une présentation plus
intrinsèque des groupes comme quotients du
groupe
muni de l'addition. Profitons tout de même du
moment pour introduire une définition.
Bien sûr, l'ordre du neutre vaut toujours
et l'ordre de tout élément d'un groupe fini de cardinal fini
est fini et inférieur ou égal à
. Nous verrons bientôt que
c'est forcément un diviseur de
.
Outre les groupes , les groupes les plus
directement utilisables sont sans doute ceux qui
interviennent en géométrie. Ce sont des groupes de transformations
«respectant» telle ou telle propriété ;
ainsi les isométries, qui conservent
les distances, ou les similitudes, qui
conservent les angles. Et ils constituent notre deuxième classe
d'exemples.
Tous ces groupes ont le point commun d'avoir
pour loi de composition , la
composition des applications, et d'être formés de bijections.
Fondamentale (quoique très facile) sera donc l'affirmation suivante.
Démonstration : Tout est très simple. On vérifie que, pour toute
bijection de
, la
bijection réciproque est un symétrique de
; que la
composée de deux bijections est une bijection, par exemple parce que
se révèle un inverse de
; que la composition
est associative ; et enfin que
est son neutre. On a déjà fini !
On utilise souvent (au moins en mathématiques, en
informatique et en analyse du génome)
le cas particulier du groupe des bijections d'un
ensemble fini. L'archétype d'un tel ensemble fini
étant
, cela
justifie d'introduire une toute spéciale notation.
Tentons de découvrir comment fonctionne le groupe des permutations
pour
pas trop gros ;
il vaut même mieux prendre
franchement petit,
car
possédant
éléments, on serait vite débordé.
Pour , le groupe n'a qu'un élément ; sa table est vite tracée.
Pour , il y a deux bijections de
: celle qui échange les deux
éléments, qu'on notera
, et l'identité.
La table du groupe est donc la suivante.
À partir de , les calculs complets seraient nettement plus fastidieux.
On va en profiter pour introduire des notations et
énumérer les ensembles
.
Avertissement On aura remarqué que la notation 8 est affreusement proche de l'écriture abrégée d'une permutation quelconque donnée dans la notation 7, la seule différence portant sur la présence ou l'absence de virgules.
Bien sûr, si le nombre d'entiers figurant dans
l'écriture de est différent de
,
on désigne forcément le cycle.
Dans le cas contraire, on veillera à ne pas confondre
Enfin, remarquons qu'un cycle dispose de plusieurs écritures différentes, par exemple
Il est à présent
facile d'énumérer les éléments de
:
outre l'identité, que l'on va noter
, il y en a
trois d'apparence identique : l'un, que je noterai
,
échange
et
en
laissant
fixe ; un autre, que je me garderai astucieusement de noter,
échange
et
en
laissant
fixe ; le dernier échange
et
en
laissant
fixe. Enfin deux autres jouent aussi des
rôles voisins : l'un, que
je noterai
, fait «tourner» les trois éléments de
en envoyant
sur
,
sur
, et
sur
; l'autre, dont je remarquerai que
c'est le carré de
, les fait «tourner» dans l'autre sens. Ainsi,
Au point où nous en sommes, il est facile de commencer en remarquant que
tandis que
, comme on l'a déjà dit, est
distinct de
. En outre
les trois autres éléments ont un carré égal à
.
C'est le bon moment pour glisser une remarque importante : dans la table de composition d'un groupe on trouve chaque élément du groupe une fois et une seule dans chaque ligne, et dans chaque colonne. Sauriez-vous le démontrer ? Sinon, cher lecteur, nous vous conseillons d'arrêter votre lecture et de chercher une démonstration.
Le produit ne peut être présent deux fois dans
la colonne
, ni deux
fois dans la ligne
. Il est donc distinct des
éléments qui y figurent déjà,
c'est-à-dire de
, de
, de
et de
. C'est donc un cinquième
élément, qu'on peut alors faire figurer dans
la cinquième ligne et la cinquième
colonne du tableau. On calcule au passage sans mal
, et
.
Puis à son tour, ne peut déjà figurer dans la
ligne
ni dans la
colonne
: c'est donc le sixième élément.
On peut l'ajouter au tableau en
complétant par quelques calculs évidents.
En utilisant toujours l'astuce selon laquelle il ne peut
y avoir deux fois la même valeur
dans une ligne ni dans une colonne, on arrive à calculer
et
par simple élimination de cinq valeurs impossibles.
Surprise ! On vient de montrer avec une étonnante
économie de calculs que le
groupe n'est pas commutatif ; en effet
.
Le même truc des répétitions interdites permet de compléter le coin inférieur droit du tableau.
Dernier obstacle inattendu, alors que nous avions presque fini,
avec la méthode,
maintenant classique pour nous, de remplir les cases par
élimination, cette méthode est
insuffisante pour remplir les six misérables cases
laissées blanches ! Il faut
une nouvelle astuce pour passer cet obstacle. Concentrons-nous sur la case
correspondant au produit . Pour calculer ce produit,
bidouillons un peu :
. Une nouvelle case est
remplie :
Cette étape franchie, il est désormais très facile de finir de remplir la table en utilisant l'idée simple : pas plus d'une apparition par ligne ou par colonne.
On a donc obtenu la table complète de la loi de
composition sur
, en n'utilisant que des
techniques élémentaires.