Toute cette section repose sur un théorème qu'il n'est pas possible de démontrer dans un cours de notre niveau.
Théorème de d'Alembert-Gauss Tout polynôme de non constant admet au moins une racine complexe.
Démonstration : Elle repose sur un peu d'analyse, mais d'analyse complexe, qui n'est pas traitée avant l'année de L3.
Par contre, en admettant le théorème de d'Alembert-Gauss, on peut caractériser les polynômes irréductibles de .
Démonstration : On sait déjà que dans n'importe quel corps commutatif les polynômes du premier degré sont irréductibles ; il est très facile de voir que les constantes (non nulles) ne possèdent que comme diviseur unitaire et que 0 en possède une infinité : les constantes ne sont donc irréductibles sur aucun corps.
Soit maintenant un de degré supérieur ou égal à dans . Par le théorème précédent, possède au moins une racine . Mais on sait alors expliciter trois diviseurs unitaires de : la constante , le polynôme du premier degré et le polynôme (coefficient dominant de ), qui est de degré supérieur ou égal à deux. Ainsi n'est pas irréductible.
Démonstration : Sa décomposition en facteurs irréductibles est une décomposition en produit de facteurs du premier degré.
Dans , les choses sont légèrement plus compliquées, mais pas tant que ça.
Avant de donner la preuve, rappelons que le discriminant du polynôme vaut
Réciproquement, il est clair que les polynômes du deuxième degré à discriminant positif ou nul sont factorisables, donc pas irréductibles. Soit enfin un polynôme de degré supérieur ou égal à . Si admet une racine réelle , n'est pas irréductible de façon quasi évidente. Sinon, considérons pendant quelques lignes comme un polynôme à coefficients complexes. Par le théorème de d'Alembert-Gauss, il admet au moins une racine complexe , qui n'est pas réelle puisqu'on a supposé sans racine réelle. En profitant de ce que le conjugué de la somme est la somme des conjugués, que le conjugué du produit est le produit des conjugués et que chaque coefficient de est invariant par conjugaison, on voit qu'on a aussi . Les polynômes et étant deux irréductibles distincts dans , le fait qu'ils divisent tous deux entraîne que leur produit divise dans . Mais ce produit vaut et est donc un polynôme du deuxième degré à coefficients réels.
Si on est distrait, on pourra croire qu'on a ainsi trouvé en un diviseur unitaire non évident de dans et conclure que n'est pas irréductible. En réalité, on glisserait sur un détail en affirmant ceci : on sait en effet que divise dans mais il nous faut encore vérifier qu'il le divise dans . Pour ce faire, effectuons la division euclidienne de par dans : elle fournit des polynômes et , avec , tels que . Ces polynômes de peuvent aussi être vus comme des polynômes à coefficients complexes, donc est aussi la division euclidienne de par dans . Mais on sait que divise dans et que la division euclidienne est unique ; donc , donc pour un à coefficients réels, et on a bien montré que divise dans aussi.
Une fois cet obstacle franchi, on conclut comme dit au début du paragraphe précédent : on a trouvé un diviseur unitaire non évident de et celui-ci ne peut donc pas être irréductible.