Alors que pour des fonctions d'une variable réelle en général, la formule de Taylor ne peut tomber juste puisqu'elle consiste à approcher la fonction par une fonction polynomiale et que la fonction quelconque n'est précisément en général pas polynomiale, pour des polynômes, la formule analogue ne contient pas de reste.
Une petite subtilité apparaît dans les divisions par des factorielles
qui enjolivent la formule. En effet dans un anneau commutatif
quelconque, mais même dans un corps commutatif, on ne peut pas
toujours diviser par une factorielle : dans le corps
, la
factorielle
qui vaut
vaut tout simplement 0 puisque
est
divisible par
. C'est pourquoi ce théorème nécessite une
restriction technique : j'ai choisi de l'énoncer pour des polynômes à
coefficients complexes. Les lecteurs qui souhaiteraient utiliser ce
cours comme référence (soyons fous) et le relire dans quelques années
(idem) noteront que la «bonne» hypothèse est plutôt d'être en
caractéristique nulle (quand ils sauront ce que signifie cette
hypothèse, ce qui n'est pas encore notre cas).
Démonstration : On va travailler dans l'espace vectoriel
et considérer
dans cet espace le système
. Ces
polynômes sont de degrés successifs
donc on peut
appliquer le lemme mis là tout exprès dans les observations
d'algèbre linéaire et conclure que c'est un système libre dans
. Voilà une famille de
vecteurs dans un espace de
dimension
, c'en est donc une base, et en particulier un
système générateur.
Il existe donc des coefficients ,
, ...,
tels que
Ensuite, dérivons ; on obtient :
Dérivons ; on obtient :
En écrivant formellement une récurrence on montre
ainsi que pour tout avec
,
.
Comme on est dans
, on peut diviser par
et obtenir les relations
donc la formule annoncée.
Remarque : On a énoncé ce théorème pour des polynômes à coefficients complexes. Mais si on a par exemple affaire à un polynôme réel, c'est en particulier un polynôme complexe et la formule est donc parfaitement vraie pour ce polynôme aussi.
De cette formule, on peut tirer un énoncé un peu technique sur les racines multiples.
Démonstration : Si est nul, c'est évident, sinon notons
le degré de
et
son coefficient dominant.
Considérons les indices
tels que
,
en convenant que
. Il
existe de tels indices, car le polynôme
est
égal à la constante
, donc
n'est pas nul en
. Cet ensemble non vide d'entiers positifs a donc
un plus petit élément
, qui vérifie
. Écrivons la formule de Taylor en
mettant en relief cet entier
:
Dès lors, est racine au moins
-ième de
si et seulement si
, et par définition
de
ceci arrive bien si et seulement si
.