La règle de Sarrus

Âgé de 17 ans, Pierre-Frédéric Sarrus 2, natif de Saint-Affrique dans l'Aveyron, descend à Montpellier pour y faire ses études. Nous sommes à la rentrée 1815, Napoléon vient d'être chassé du pouvoir, et il ne fait pas bon être à la fois protestant et bonapartiste. Sarrus, qui hésite encore entre mathématiques et médecine, va l'apprendre à ses dépens. Pour exercer la médecine, il faut un «certificat de bonne vie et m\oeurs», qu'il demande au maire de Saint-Affrique. Voici la réponse.
Le maire pense qu'un jeune homme auteur et propagateur de chansons séditieuses, outrageantes pour le roi et la famille royale, qui avant l'interrègne se permit d'arracher et de fouler aux pieds le ruban blanc que portait à la boutonnière un de ses camarades, et qui, dans une autre circonstance, lui prend la fleur de lys et fait semblant de la conspuer, ne peut être un bon citoyen, et ne mérite pas le certificat qu'il demande.
Ce sera donc les mathématiques. Il deviendra professeur et même doyen de la Faculté des Sciences de Strasbourg. Il est l'auteur de publications d'un nombre et d'un niveau tout à fait respectables, et il est quelque peu injuste qu'il soit surtout connu pour sa règle de calcul d'un déterminant d'ordre 3, qui n'est au fond qu'une astuce mnémotechnique, et qu'il n'a probablement pas publiée lui-même. Elle apparaît en 1846 dans les «Éléments d'Algèbre» de P.J.E. Finck, son collègue à l'Université de Strasbourg, à propos de la résolution des systèmes linéaires $ 3\times 3$.
Pour calculer, dans un exemple donné, les valeurs de $ x$, $ y$, et $ z$, M. Sarrus a imaginé la méthode pratique suivante, qui est fort ingénieuse. D'abord on peut calculer le dénominateur, et à cet effet on écrit les coefficients des inconnues ainsi

\begin{displaymath}
\begin{array}{rlll}
&a&b&c\\
&a'&b'&c'\\
&a''&b''&c''\\
\...
...ers}&a&b&c\\
\mbox{et les trois suivants}&a'&b'&c'
\end{array}\end{displaymath}

Alors partant de $ a$, on prend diagonalement du haut en bas, en descendant à la fois d'un rang, et reculant d'autant à droite, $ ab'c''$ ; on part de $ a'$ de même, et on a $ a'b''c$ ; de $ a''$, et on trouve $ a''bc'$ ; on a ainsi les trois termes positifs (c'est-à-dire à prendre avec leurs signes) du dénominateur. On commence ensuite par $ c$ et descendant de même vers la gauche on a $ cb'a''$, $ c'b''a$, $ c''ba'$, ou les trois termes négatifs (ou plutôt les termes qu'il faut changer de signe).

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