Construction des bornes

Le but de cette section est de démontrer le théorème 1 : toute partie non vide et majorée de $ \mathbb{R}$ admet une borne supérieure et toute partie non vide et minorée admet une borne inférieure. Soit $ A$ une partie non vide et majorée de $ \mathbb{R}$ :

$\displaystyle \exists M\in \mathbb{R} ,\;\forall x\in A\;,\quad x\leqslant M\;.
$

Si $ x\leqslant M$, alors $ -x\geqslant -M$. Si $ A$ est non vide et majorée, alors $ -A=\{-x ,\;x\in A\}$ est une partie non vide et minorée. Si la borne supérieure de $ A$ (plus petit des majorants de $ A$) existe, alors la borne inférieure de $ -A$ (plus grand des minorants) existe aussi et réciproquement ; de sorte que nous nous dispenserons de démontrer l'existence de la borne inférieure. La démontration va consister à construire explicitement la borne supérieure, en déterminant ses approximations décimales par défaut. Nous vérifierons ensuite que le réel ainsi construit est bien le plus petit des majorants. Démonstration : [du théorème 1] Soit $ A$ une partie non vide de $ \mathbb{R}$ et $ M$ un majorant de $ A$. Pour tout $ n\in\mathbb{N}$, l'ensemble

$\displaystyle \{ \lfloor 10^nx\rfloor ,\;x\in A \}\;.
$

est un ensemble d'entiers, majoré par $ M$. Il admet donc un plus grand élément. Divisons chacun de ses éléments par $ 10^{-n}$ :

$\displaystyle D_n=\{ 10^{-n}\lfloor 10^nx\rfloor ,\;x\in A \}\;.
$

L'ensemble $ D_n$ est l'ensemble des approximations par défaut à $ 10^{-n}$ près des éléments de $ A$. Comme le précédent, il admet un plus grand élément, que nous noterons $ d_n$. Par construction, pour tout $ n\in\mathbb{N}$, $ d_{n+1}\geqslant d_n$. Nous allons démontrer par l'absurde que

$\displaystyle d_{n+1}<d_n+10^{-n}\;.
$

Si ce n'était pas le cas, il existerait $ x\in A$ tel que

$\displaystyle 10^{-(n+1)}\lfloor 10^{n+1}x\rfloor \geqslant d_n+10^{-n}
$

Mais alors $ \lfloor 10^n x\rfloor$ serait supérieur ou égal à $ 10^nd_n+1$, ce qui contredit la définition de $ d_n$. La suite $ (d_n)_{n\in\mathbb{N}}$ est donc bien une suite d'approximations décimales et détermine un réel unique que nous notons $ b$. Nous voulons montrer $ b$ est la borne supérieure de $ A$. Montrons d'abord que c'est un majorant de $ A$. Toujours par l'absurde, supposons qu'il existe $ x\in A$ tel que $ x>b$. Fixons $ n$ tel que $ 10^{-n}<x-b$. Alors

$\displaystyle 10^{-n}\lfloor 10^n x\rfloor>10^{-n}\lfloor 10^nb\rfloor=d_n\;,$

ce qui contredit la définition de $ d_n$. Il nous reste à montrer que pour tout $ \varepsilon >0$, il existe $ x\in A$ tel que $ b-\varepsilon < x$. Fixons $ n$ tel que $ 10^{-n}<\varepsilon $. Par construction, il existe $ x\in A$ tel que $ d_n= 10^{-n}\lfloor 10^nx \rfloor$. Donc

$\displaystyle b-\varepsilon <b-10^{-n}\leqslant d_n\leqslant x\;.
$

$ \square$ Ne nous leurrons pas : la démonstration qui précède, si elle présente l'avantage de construire explicitement la borne supérieure, n'est pas parfaitement étanche. Vous avez dû admettre qu'une suite d'approximations décimales détermine un réel, ce qui pour être parfaitement intuitif, n'en est pas moins un acte de foi. Pour le justifier, il vous manque une construction axiomatique de l'ensemble des réels, que nous vous raconterons certainement un jour, mais qui pour l'heure dépasse sensiblement le niveau de ce chapitre.

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