Matrices orthogonales

Définition 9   Une matrice réelle $ A$ carrée d'ordre $ n$ est dite orthogonale si elle vérifie l'une des propriétés équivalentes suivantes :
  1. $ \tr{A}A=I_n$ ;
  2. $ A\tr{A}=I_n$ ;
  3. $ A$ est inversible et $ A^{-1}=\tr{A}$.

Interprétation : La propriété 1 (resp. 2) signifie que les vecteurs colonnes (resp. lignes) de la matrice $ A$ constituent un système orthonormé pour le produit scalaire canonique de $ \mathbb{R}^n$. Ainsi une matrice est orthogonale si et seulement si ses vecteurs colonnes (resp. ses vecteurs lignes) constituent une base orthonormale de $ \mathbb{R}^n$ pour le produit scalaire canonique.

Autrement dit, une matrice est orthogonale si et seulement si c'est la matrice de passage de la base canonique de $ \mathbb{R}^n$ à une base orthonormale de $ \mathbb{R}^n$. Plus généralement :

Proposition 9   Soit $ E$ un espace vectoriel euclidien et $ (e_1,\dots,e_n)$ une base orthonormée de $ E$. Une base $ (v_1,\dots,v_n)$ de $ E$ est orthonormée si et seulement si la matrice de passage de la base $ (e_1,\dots,e_n)$ à la base $ (v_1,\dots,v_n)$ est orthogonale.

Proposition 10   La transposée et l'inverse d'une matrice orthogonale sont des matrices orthogonales.

Démonstration : La proposition découle immédiatement de la définition et de la relation $ (\tr{A})^{-1}=\tr{(A^{-1}})$.$ \square$

Proposition 11   Toute matrice orthogonale a un déterminant égal à $ \pm 1$.

Démonstration : En utilisant la relation $ \tr{A}A=I_n$, on obtient

$\displaystyle \mathrm{det}(\tr{A}A)=\mathrm{det}(\tr{A})\mathrm{det}(A)=\mathrm{det}(A)^2=\mathrm{det}(I_n)=1$

d'où $ \mathrm{det}(A)=\pm 1$.$ \square$

Attention : la réciproque est fausse : une matrice de déterminant $ \pm 1$ n'est pas nécesairement orthogonale.

Groupe orthogonal

Proposition 12   L'ensemble des matrices orthogonales d'ordre $ n$ constitue un sous-groupe du groupe multiplicatif $ GL(n,\mathbb{R})$ des matrices réelles carrées inversibles d'ordre $ n$. Ce sous-groupe est appelé groupe orthogonal d'ordre $ n$ et noté $ O(n)$.

Démonstration : Cet ensemble n'est pas vide, puisqu'il contient la matrice identité, il est stable par passage à l'inverse (proposition 10) et par produit, puisque si $ A$ et $ B$ sont orthogonales d'ordre $ n$, alors $ \tr{(AB)}AB=\tr{B}\tr{A}AB=\tr{B}I_n B=I_n$.$ \square$

Proposition 13   L'ensemble des matrices orthogonales d'ordre $ n$ de déterminant $ +1$ constitue un sous-groupe distingué du groupe orthogonal d'ordre $ n$. Ce groupe est appelé groupe spécial orthogonal d'ordre $ n$ et noté $ SO(n)$ ou $ O^+(n)$.

Démonstration : Cet ensemble est le noyau de l'homomorphisme de groupes de $ O(n)$ dans $ \{+1,-1\}$ qui à toute matrice orthogonale associe son déterminant.$ \square$

L'ensemble des matrices orthogonales d'ordre $ n$ de déterminant -1 est noté $ O^-(n)$. Ce n'est pas un sous-groupe de $ O(n)$ puisque le produit de deux matrices de $ O^-(n)$ appartient à $ O^+(n)$.

Orientation d'un espace vectoriel euclidien, produit mixte

Rappels : orientation d'un espace vectoriel réel

Pour tout espace vectoriel réel $ E$ de dimension finie, on définit une relation binaire $ \mathcal R$ sur l'ensemble des bases de $ E$ de la façon suivante : deux bases $ \mathcal B$ et $ \mathcal B'$ de $ E$ sont en relation par $ \mathcal R$ si et seulement si le déterminant de la matrice de passage de $ \mathcal B$ à $ \mathcal B'$ est strictement positif. On montre que cette relation est une relation d'équivalence qui divise l'ensemble des bases de $ E$ en exactement deux classes. Orienter $ E$ consiste à choisir l'une de ces classes : toutes les bases qui lui appartiennent sont dites directes, les autres indirectes. Deux bases en relation par $ \mathcal R$ sont dites de même sens.

Dans le cas d'un espace vectoriel euclidien, deux bases orthonormées sont de même sens si et seulement si la matrice de passage de l'une à l'autre est de déterminant +1.

Rappels : déterminant d'une famille de vecteurs

Le déterminant $ \mathrm{det}_{\mathcal B}(v_1,\dots,v_n)$ d'une famille $ (v_1,\dots,v_n)$ de $ n$ vecteurs relativement à une base $ \mathcal B$ d'un espace vectoriel $ E$ de dimension $ n$ est par définition le déterminant de la matrice carrée d'ordre $ n$ dont les colonnes sont les coordonnées de ces vecteurs dans la base $ \mathcal B$. Ce déterminant dépend de la base $ \mathcal B$. Plus précisément, si $ \mathcal B$ et $ \mathcal B'$ sont deux bases de $ E$, les déterminants d'une famille de $ n$ vecteurs de $ E$ relativement à ces deux bases sont reliés par la relation :

$\displaystyle \mathrm{det}_{\mathcal B}(v_1,\dots,v_n)=\mathrm{det}(P) \, \mathrm{det}_{\mathcal B'}(v_1,\dots,v_n) $

$ P$ est la matrice de passage de la base $ \mathcal B$ à la base $ \mathcal B'$.

Si $ E$ est un espace vectoriel euclidien de dimension $ n$, le déterminant dans deux bases orthonormées de même sens d'une famille de $ n$ vecteurs est le même, puisque la matrice de passage de l'une de ces bases à l'autre est orthogonale de déterminant +1. C'est ce qui permet de donner la définition suivante :

Définition 10   Soit $ E$ un espace vectoriel euclidien orienté de dimension $ n$. On appelle produit mixte d'une famille $ (v_1,\dots,v_n)$ de $ n$ vecteurs de $ E$ le déterminant de $ (v_1,\dots,v_n)$ dans une base orthonormée directe. Ce réel ne dépend pas du choix d'une telle base et on le notera simplement $ \mathrm{det}(v_1,\dots,v_n)$.

Remarque : Sans avoir à supposer l'espace vectoriel euclidien $ E$ orienté, on remarque que la valeur absolue du déterminant de $ n$ vecteurs est la même dans toute base orthonormée de $ E$. Cette valeur absolue ne dépend pas de l'ordre dans lequel sont écrits ces vecteurs et représente, en dimension 2, l'aire du parallélogramme construit sur les 2 vecteurs, en dimension 3, le volume du parallélépipède construit sur les 3 vecteurs.


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