Logarithme et exponentielle

Il se trouve que le facteur par lequel on multiplie la fonction puissance de base $ a$ pour obtenir sa dérivée, cette constante que nous avons sournoisement notée $ L_a$ dans le théorème 1, est le logarithme naturel, ou logarithme népérien de $ a$.

Définition 2   Soit $ a$ un réel strictement positif. On appelle logarithme naturel de $ a$, et on note $ \ln(a)$ la dérivée en 0 de la fonction $ x\mapsto a^x$.

Théorème 2    
  1. Pour tout $ a,b>0$, on a :

    $\displaystyle \ln(ab)=\ln(a)+\ln(b)\;.
$

  2. Pour tout $ a>0$ et $ x\in\mathbb{R}$, on a :

    $\displaystyle \ln(a^x) = x\ln(a)\;.
$

  3. La fonction $ \ln$ est strictement croissante, et :

    $\displaystyle \lim_{x\rightarrow 0^+} \ln(x) = -\infty
\;,\quad
\lim_{x\rightarrow +\infty} \ln(x) = +\infty\;.
$

Démonstration : Nous reprenons la notation de la section précédente pour les fonctions puissances : $ f_a$ désigne la fonction $ x\mapsto a^x$.
  1. Soient $ a$ et $ b$ deux réels strictement positifs. Considérons la fonction $ f_{ab}$. On a :

    $\displaystyle f_{ab}(x) = (ab)^x = a^x b^x = f_a(x)f_b(x)\;.
$

    On calcule la dérivée de $ f_{ab}$ en 0, en dérivant le produit $ f_af_b$ :

    $\displaystyle \ln(ab) = f'_{ab}(0)=f'_a(0)f_b(0) + f_a(0)f'_b(0) =\ln(a)+\ln(b)\;.
$

  2. Soit $ a$ un réel strictement positif et soient $ x,y$ deux réels quelconques.

    $\displaystyle f_a(xy) = a^{xy} = (a^x)^y = f_{a^x}(y)\;.
$

    Fixons $ x$, dérivons par rapport à $ y$ et prenons la dérivée en 0. On obtient :

    $\displaystyle xf'_a(0)=f'_{a^x}(0)\;,
$

    soit $ x\ln(a)=\ln(a^x)$.
  3. Fixons $ a> 1$. D'après le point 2(b) du théorème 1, la fonction $ f_a$ est strictement croissante. On en déduit d'une part que $ \ln(a)$ est strictement positif, d'autre part que $ f_a$ est une bijection de $ \mathbb{R}$ dans $ \mathbb{R}^{+*}$. La relation $ \ln(a^x)=x\ln(a)$ montre que la fonction réciproque de $ a^x$ est la fonction qui à $ y\in\mathbb{R}^{+*}$ associe $ \ln(y)/\ln(a)$. Cette fonction est donc strictement croissante et bijective de $ \mathbb{R}^{+*}$ dans $ \mathbb{R}$. Les limites en $ 0^+$ et $ +\infty$ se déduisent aussi du point 2(b) du théorème 1.
$ \square$ Il nous reste à définir la fonction exponentielle, qui est la réciproque du logarithme. D'après le point 3 du théorème 2, il existe un réel unique, strictement supérieur à 1, dont le logarithme vaut $ 1$. On le note $ \mathrm{e}$.

Définition 3   On appelle exponentielle, et on note $ \exp$, la fonction qui à $ x\in\mathbb{R}$ associe $ \mathrm{e}^x$, où $ \mathrm{e}$ est l'unique réel tel que $ \ln(\mathrm{e})=1$.

Ainsi, on pourra noter l'exponentielle de $ x$ indifféremment $ \mathrm{e}^x$ ou $ \exp(x)$ (la seconde notation est préférable pour les grosses formules).

Théorème 3   L'exponentielle est la réciproque du logarithme. Les deux fonctions sont strictement croissantes et dérivables.

$\displaystyle \forall x\in \mathbb{R} ,\; \exp'(x) = \exp(x)$   et$\displaystyle \quad
\forall y\in\mathbb{R}^{+*} ,\; \ln'(y) = \frac{1}{y}\;.
$

Démonstration : Puisque $ \ln(\mathrm{e})=1$, on a $ \ln(\exp(x))=x$, par le point 2 du théorème 2. La dérivée de l'exponentielle est donnée par le point 4 du théorème 1. On dérive le logarithme comme une fonction réciproque :

$\displaystyle \ln'(y) = \frac{1}{\exp'(\ln(y))} = \frac{1}{\exp(\ln(y))}
= \frac{1}{y}\;.
$

$ \square$ La figure 2 montre les graphes des fonctions $ \exp$ et $ \ln$. Comme elles sont réciproques l'une de l'autre, leurs graphes sont symétriques par rapport à la première bissectrice.
Figure: Fonctions $ \exp$ et $ \ln$.
\includegraphics[width=8cm,height=8cm]{explog}

Comme nous l'avons vu dans la démonstration du théorème 2, le couple de fonctions réciproques $ (\exp,\ln)$ n'est qu'un cas particulier. Pour tout $ a>0$, la fonction puissance de base $ a$ admet pour réciproque la fonction $ x\mapsto
\ln(x)/\ln(a)$, que l'on appelle le logarithme en base $ a$.

Définition 4   Soit $ a$ un réel strictement positif. On appelle logarithme en base $ a$ la fonction réciproque de la fonction puissance de base $ a$. C'est la fonction de $ \mathbb{R}^{+*}$ dans $ \mathbb{R}$ qui à $ x>0$ associe :

$\displaystyle \log_a(x)=\frac{\ln(x)}{\ln(a)}\;.
$

À part le logarithme en base $ \mathrm{e}$, qui est le logarithme naturel, les deux bases les plus utilisées sont $ a=10$ (logarithme décimal) et $ a=2$ (logarithme binaire). Par définition, le logarithme en base $ a$ de $ x$ est le nombre $ y$ tel que $ a^y=x$. Ainsi :

$\displaystyle \log_{10}(0.001)=-3\;,\quad
\log_{10}(100)=2\;,\quad
\log_2{1/16}=-4\;,\quad
\log_2(1024)=10\;.
$

Il est facile de passer du logarithme en base $ a$ au logarithme naturel, de même qu'il est facile de passer de l'exponentielle à une autre fonction puissance, par la formule :

$\displaystyle a^x = \exp(x\ln(a))\;.
$

Nous terminons cette section par deux résultats d'approximation de l'exponentielle. Le premier se redémontre facilement, le second est absolument fondamental et doit être connu par c\oeur.

Théorème 4   Pour tout réel $ x$,

$\displaystyle \mathrm{e}^x= \lim_{n\to \infty}\left(1+\frac{x}{n}\right)^n
=
\lim_{n\to\infty} 1+x+\frac{x^2}{2!}+\cdots+\frac{x^n}{n!}\;.
$

Démonstration : Pour la première limite, écrivons :

$\displaystyle \left(1+\frac{x}{n}\right)^n
=
\exp(n\ln(1+x/n))=\exp\left(x\frac{\ln(1+x/n)}{x/n}\right)\;.
$

Or $ \ln(1)=0$ et $ \ln'(1)=1$. On en déduit :

$\displaystyle \lim_{h\to 0}\frac{\ln(1+h)}{h}=1$    et donc, $\displaystyle \lim_{n\to\infty}\frac{\ln(1+x/n)}{x/n}=1\;.
$

Comme la fonction $ \exp$ est continue, ceci entraîne bien :

$\displaystyle \lim_{n\to \infty}\left(1+\frac{x}{n}\right)^n
=
\lim_{n\to\infty}\exp\left(x\frac{\ln(1+x/n)}{x/n}\right)
=\exp(x)\;.
$

Nous démontrons la seconde formule à partir de la première, en utilisant la formule du binôme de Newton.

$\displaystyle \left(1+\frac{x}{n}\right)^n=
\sum_{k=0}^n \binom{n}{k}\frac{x^k}...
...\frac{1(1-\frac{1}{n})\cdots(1-\frac{k}{n})x^k}{k!}+\cdots
+\frac{x^n}{n^n}\;.
$

Supposons d'abord $ x\geqslant 0$. Fixons $ k\in\mathbb{N}^*$ : pour tout $ n\geqslant k$ :

$\displaystyle \left(1+\frac{x}{n}\right)^n\geqslant
1+\frac{x}{1!}+\frac{1(1-\frac{1}{n})x^2}{2!}
+\cdots+\frac{1(1-\frac{1}{n})\cdots(1-\frac{k}{n})x^k}{k!}\;.
$

Or pour $ k$ fixé :

$\displaystyle \lim_{n\to\infty}1(1-\frac{1}{n})\cdots(1-\frac{k}{n})=1\;.
$

En passant à la limite en $ n$, on en déduit que pour tout $ k$ :

$\displaystyle \mathrm{e}^x\geqslant
1+\frac{x}{1!}+\frac{x^2}{2!}
+\cdots+\frac{x^k}{k!}\;.
$

Dans cette inégalité, le membre de droite est le terme général d'une suite croissante et majorée (par $ \mathrm{e}^x$), donc il converge, et :

$\displaystyle \mathrm{e}^x\geqslant
\lim_{k\to\infty}1+\frac{x}{1!}+\frac{x^2}{2!}
+\cdots+\frac{x^k}{k!}\;.
$

D'autre part, observons que pour tout $ k=0,\ldots,n$,

$\displaystyle 1\left(1-\frac{1}{n}\right)\cdots\left(1-\frac{k}{n}\right)\leqslant 1\;.
$

Donc :

$\displaystyle \left(1+\frac{x}{n}\right)^n=
\sum_{k=0}^n \binom{n}{k}\frac{x^k}...
...1+\frac{x}{1!}+\frac{x^2}{2!}
+\cdots+\frac{x^k}{k!}+\cdots
+\frac{x^n}{n!}\;.
$

Puisque nous savons que le membre de droite converge, on en déduit par passage à la limite :

$\displaystyle \mathrm{e}^x\leqslant
\lim_{n\to\infty}1+\frac{x}{1!}+\frac{x^2}{2!}
+\cdots+\frac{x^n}{n!}\;.
$

D'où le résultat, pour $ x$ positif ou nul.

Pour $ x$ négatif, l'astuce consiste à faire disparaître les termes impairs en prenant la demi-somme de $ \mathrm{e}^x$ et $ \mathrm{e}^{-x}$ (nous verrons plus loin que cette demi-somme est le cosinus hyperbolique de $ x$).

$\displaystyle \frac{1}{2}\left(
\left(1+\frac{x}{n}\right)^n+\left(1-\frac{x}{n...
...)^n\right)=
\sum_{k=0}^{\lfloor n\rfloor} \binom{n}{k}\frac{x^{2k}}{n^{2k}}\;.
$

Le même raisonnement que précédemment montre que :

$\displaystyle \frac{\mathrm{e}^x+\mathrm{e}^{-x}}{2}=
\lim_{n\to\infty} 1+\frac{x^2}{2!}+\cdots+\frac{x^{2n}}{2n!}\;.
$

Par linéarité de la limite, on en déduit alors que :

$\displaystyle \mathrm{e}^{-x}=\lim_{n\to\infty}
1-\frac{x}{1!}+\frac{x^2}{2!}+\cdots+(-1)^n\frac{x^n}{n!}\;.
$

$ \square$ Les résultats d'approximation permettent de calculer les exponentielles avec une précision arbitraire. Voici le nombre $ \mathrm{e}$ arrondi à la cinquantième décimale.

$\displaystyle \mathrm{e}=
2.
7182818284
5904523536
0287471352
6624977572
4709369996
$


         © UJF Grenoble, 2011                              Mentions légales