Concernant les logarithmes, ce sont les nombres négatifs, avant les imaginaires, qui font l'objet de discussions passionnées. La correspondance entre Leibniz et Jean Bernoulli (1667-1748) est très significative. Lettre de Leibniz à Bernoulli (mars 1712) :
...et si l'on peut dire queCe à quoi Bernoulli répond :et des expressions semblables signifient moins que rien, cependant on ne peut leur donner d'autre rapport qu'imaginaire... De ceci, je prouve entre autres qu'aucun logarithme ne répond à ce rapport ou à un semblable...
...Je ne suis pas d'accord avec toi lorsque tu dis que le rapport deà
ou de
à
est imaginaire et que tu en déduis que aucun logarithme ne répond à ce rapport. Ainsi, moi je prouve le contraire de cela. Soit
un nombre variable, croissant de manière infiniment petite, dont le logarithme est
; je dis que
lui-même répond à
de même qu'à
; on a la différentielle du logarithme d'un nombre en divisant la différentielle de ce nombre par ce même nombre ;
DoncMais Leibniz (un peu agacé, car il est tout de même l'inventeur du calcul différentiel) n'accepte pas l'argument :=
.
...Je m'étonne que toi, avec ta pénétration d'esprit, tu ne vois pas qu'on ne peut pas donner de logarithme àIl faudra attendre Euler (1707-1783) pour qu'on sache enfin qui avait raison : aucun des deux !parce qu'on ne peut pas donner de logarithme à
, qui est la moitié du précédent. Mais, tu dis, la différentielle du nombre
, qui est
, divisée par le nombre
donnera un élément logarithmique
ou
. Mais cette règle, que la différentielle divisée par le nombre donne la différentielle du logarithme et n'importe quoi d'autre sur la nature et la construction des logarithmes n'a pas lieu pour les nombres négatifs.
Pour éclaicir ces propositions, qui ne paraissent nullement admissibles, et lever toute espèce de doute, il faut établir un autre paradoxe ; à savoir que tout nombre a une infinité de logarithmes, parmi lesquels il n'y en a qu'UN qui soit réel. Ainsi, quoique le logarithme de l'unité soit zéro, elle en a cependant une infinité d'autres qui sont imaginaires, à savoirEt de fait puisque tout nombre complexe non nul s'écrit sous forme exponentielle,
,
, et d'autres sans nombre que fait connaître l'extraction des racines. Cette opinion est beaucoup plus vraisemblable que la précédente ; car en supposant
, on aura
et par conséquent
et comme cette équation a un nombre infini de dimensions, il n'est pas étonnant que
ait de même un nombre infini de racines.