Dérivées partielles

Les définitions et résultats de cette section sont énoncés pour la dimension $ 3$, afin de ne pas compliquer les notations. Ils se généralisent facilement en dimension quelconque.

Soit $ f :\;(x,y,z)\mapsto f(x,y,z)$ une application de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}$. Etant donné un point de coordonnées $ (a,b,c)$ dans $ \mathbb{R}^3$, on définit $ 3$ applications partielles en $ (a,b,c)$.

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
x&\longmapsto&f(x,b,c)\\
y&\longmapsto&f(a,y,c)\\
z&\longmapsto&f(a,b,z)\\
\end{array}\end{displaymath}

Nous souhaitons dériver ces trois applications. Or on ne peut dériver une fonction de $ \mathbb{R}$ dans $ \mathbb{R}$ que si elle est définie au voisinage du point où on souhaite la dériver, c'est-à-dire sur un intervalle ouvert contenant ce point. Ceci nous amène à introduire la définition suivante.

Définition 3   Soit $ D$ un sous-ensemble de $ \mathbb{R}^3$. On dit que $ D$ est un domaine ouvert de $ \mathbb{R}^3$ si pour tout point $ (x,y,z)$ de $ D$, il existe $ \epsilon>0$ tel que $ D$ contient le cube de côté $ 2\epsilon$ et de centre $ (x,y,z)$.

$\displaystyle ]x-\epsilon,x+\epsilon[\times]y-\epsilon,y+\epsilon[
\times ]z-\epsilon,z+\epsilon[
\;\subset\; D\;.
$

Le cube de centre $ (x,y,z)$ et de côté $ 2\epsilon$ doit être vu comme un voisinage de $ (x,y,z)$. Dorénavant les fonctions que nous considérons sont définies sur un domaine ouvert $ D$ inclus dans $ \mathbb{R}^3$. Si les applications partielles sont dérivables, leurs dérivées s'appellent les dérivées partielles de $ f$ en $ (a,b,c)$.

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
\displaystyle{\frac{\partial f}{\partial ...
...laystyle{\frac{\mathrm{d}f(a,b,z)}{\mathrm{d}z}(c)}
\end{array}\end{displaymath}

Pour calculer la dérivée partielle par rapport à $ x$, il suffit de dériver en $ x$ l'expression de $ f$, en traitant les autres variables comme des constantes paramétriques.

Supposons par exemple que $ f$ soit l'application qui à $ (x,y,z)$ associe la surface du parallélépipède dont les longueurs d'arêtes sont $ x,y,z$.

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
\mathbb{R}^3&\longrightarrow &\mathbb{R}\\
(x,y,z)&\longmapsto&2(xy+yz+xz)
\end{array}\end{displaymath}

Voici ses trois dérivées partielles.

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
\displaystyle{\frac{\partial f}{\partial ...
...partial z}(a,b,c)}&=&
\displaystyle{2(a+b)} [2ex]
\end{array}\end{displaymath}

Nous éviterons systématiquement les cas pathologiques en supposant que les dérivées partielles sont des fonctions continues.

Définition 4   Soit $ f$ une application définie sur un domaine ouvert $ D$ de $ \mathbb{R}^3$, à valeurs dans $ \mathbb{R}$. On dit que $ f$ est continûment différentiable sur $ D$ si les dérivées partielles $ \frac{\partial f}{\partial x}$, $ \frac{\partial f}{\partial y}$, et $ \frac{\partial f}{\partial z}$, vues comme des fonctions de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}$ sont continues en tout point de $ D$.

Si elles sont continues, les dérivées partielles permettent d'approcher la fonction par une application linéaire au voisinage d'un point. Le résultat qui suit est l'analogue pour les fonctions de deux variables d'un développement limité d'ordre $ 1$.

Théorème 2   Soit $ D$ un domaine ouvert de $ \mathbb{R}^2$, $ f :\;(x,y)\mapsto f(x,y)$ une application continûment différentiable de $ D$ dans $ \mathbb{R}$ et $ (a,b)$ un point de $ D$. Notons $ o(x,y)$ la fonction définie par :

$\displaystyle f(x,y)=f(a,b)+ (x-a)\frac{\partial f}{\partial x}(a,b)
+(y-b)\frac{\partial f}{\partial y}(a,b)
+o(x,y)\;.
$

Alors :

$\displaystyle \lim_{(x,y)\rightarrow(a,b)}
\frac{o(x,y)}{\max\{\vert x-a\vert,\vert y-b\vert\}} =0\;.
$

Ce théorème dit que les variations de la fonction $ f$ autour du point $ (a,b)$ peuvent être approchées par une application linéaire, la différentielle de $ f$.

Définition 5   On appelle différentielle de $ f$ au point $ (a,b)$ l'application linéaire de $ \mathbb{R}^2$ dans $ \mathbb{R}$ qui à $ (h_x,h_y)$ associe :

$\displaystyle h_x\frac{\partial f}{\partial x}(a,b)
+h_y\frac{\partial f}{\partial y}(a,b)
\;.
$

La différentielle peut être vue comme l'application qui à un vecteur associe son produit scalaire par le vecteur des dérivées partielles, qu'on appelle le gradient de $ f$ au point $ (a,b)$, et que l'on note $ \nabla f(a,b)$ (prononcez : «nabla»). En physique, on interprète $ h_x$ et $ h_y$ comme de petites variations des variables $ x$ et $ y$, et on les note plutôt $ \mathrm{d}x$ et $ \mathrm{d}y$. Si on note $ \mathrm{d}f$ la différentielle de $ f$, ceci justifie l'écriture abrégée suivante.

$\displaystyle \mathrm{d}f =
\frac{\partial f}{\partial x} \mathrm{d}x
+\frac{\partial f}{\partial y} \mathrm{d}y\;.
$

Le théorème 2 donne une approximation de $ f(x,y)$ sous la forme :

$\displaystyle f(x,y)\simeq f(a,b)+(x-a)\frac{\partial f}{\partial x}(a,b)
+(y-b)\frac{\partial f}{\partial y}(a,b)\;.
$

La surface d'équation $ z=f(a,b)+(x-a)\frac{\partial f}{\partial x}(a,b)
+(y-b)\frac{\partial f}{\partial y}(a,b)$ est celle du plan tangent à la surface $ z=f(x,y)$ au point $ (a,b,f(a,b))$ (cf. figure 5). Pour rappeler cette interprétation géométrique, la différentielle de $ f$ au point $ (a,b)$ porte aussi le nom d'application linéaire tangente.
Figure 5: Plan tangent à une surface en un point.
\includegraphics[width=7cm]{plantangent}
Une application de $ \mathbb{R}^n$ dans $ \mathbb{R}^m$ est continûment différentiable si ses $ m$ applications coordonnées le sont, au sens de la définition 4. La différentielle en un point de $ \mathbb{R}^n$ est une application linéaire de $ \mathbb{R}^n$ dans $ \mathbb{R}^m$. Sa matrice est la matrice jacobienne. Ici encore nous donnons la définition en dimension réduite pour des raisons de clarté.

Définition 6   Soit $ D$ un domaine ouvert de $ \mathbb{R}^3$ et $ \Phi$ une application de $ D$ dans $ \mathbb{R}^2$.

\begin{displaymath}
\Phi :\;
\begin{array}{rcl}
D &\longrightarrow &\mathbb{R}^2\\
(x,y,z)&\longmapsto&(f(x,y,z),g(x,y,z))\;.
\end{array}\end{displaymath}

Soit $ (a,b,c)$ un point de $ D$. On appelle matrice jacobienne de $ \Phi$ au point $ (a,b,c)$, la matrice des dérivées partielles de $ f$ et $ g$ :

\begin{displaymath}
MJ(\Phi)(a,b,c)=
\left(
\begin{array}{ccc}
\displaystyle{
\f...
...e{
\frac{\partial g}{\partial z}
}\end{array}\right)(a,b,c)\;.
\end{displaymath}

On appelle différentielle de $ \Phi$ au point $ (a,b,c)$ l'application linéaire de $ \mathbb{R}^3$ dans $ \mathbb{R}^2$ dont la matrice dans les bases canoniques de $ \mathbb{R}^3$ et $ \mathbb{R}^2$ est la matrice jacobienne.

On ne distinguera pas en général la matrice jacobienne au point $ (x,y,z)$ de l'application de $ \mathbb{R}^3$ dans l'ensemble des matrices qui à $ (x,y,z)$ associe cette matrice jacobienne. Nous reprenons les exemples de la section précédente, en donnant pour chacun la matrice jacobienne. Surface d'un rectangle en fonction de sa longueur et sa largeur :

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
\mathbb{R}^2&\longrightarrow &\mathbb{R}\...
...}\quad MJ =
\left(
\begin{array}{cc}
y&x
\end{array}\right)\;.
\end{displaymath}

Surface d'un parallélépipède en fonction de ses trois dimensions :

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
\mathbb{R}^3&\longrightarrow &\mathbb{R}\...
...
\begin{array}{ccc}
2(y+z)&2(x+z)&2(x+y)
\end{array}\right)\;.
\end{displaymath}

Surface et volume d'un parallélépipède en fonction de ses trois dimensions :

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
\mathbb{R}^3&\longrightarrow &\mathbb{R}^...
...y}{ccc}
2(y+z)&2(x+z)&2(x+y)\\
yz&xz&xy
\end{array}\right) .
\end{displaymath}

Coordonnées polaires d'un point du plan :

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
\mathbb{R}^{+*}\times ]0,2\pi[&\longright...
...a&-r\sin\theta\\
\sin\theta&r\cos\theta
\end{array}\right)\;.
\end{displaymath}

Coordonnées cylindriques d'un point de l'espace :

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
\mathbb{R}^{+*}\times ]0,2\pi[\times \mat...
...\
\sin\theta&r\cos\theta&  0\\
0&0&  1
\end{array}\right)\;.
\end{displaymath}

Coordonnées sphériques d'un point de l'espace :

\begin{displaymath}
\begin{array}{rcl}
\mathbb{R}^{+*}\times ]0,2\pi[\times ]-\f...
...os\theta ,\;y=r\cos\phi\sin\theta
 ,\;z=r\sin\phi
\end{array}\end{displaymath}

\begin{displaymath}
MJ =
\left(
\begin{array}{rrr}
\cos\phi\cos\theta&-r\cos\phi...
...in\phi\sin\theta\\
\sin\phi&0&r\cos\phi
\end{array}\right)\;.
\end{displaymath}

Pour le calcul des différentielles, on est souvent amené à utiliser la règle de dérivation selon laquelle la différentielle d'une fonction composée est la composée des différentielles.

Théorème 3   Soit $ f$ une application de $ \mathbb{R}^n$ dans $ \mathbb{R}^m$, différentiable au point $ \mathbf{x}$ de $ \mathbb{R}^n$. Soit $ g$ une application de $ \mathbb{R}^m$ dans $ \mathbb{R}^{k}$, différentiable au point $ \mathbf{y}=f(\mathbf{x})$ de $ \mathbb{R}^m$. La différentielle de la composée $ g\circ f$ au point $ \mathbf{x}$ est la composée des différentielles de $ g$ au point $ f(\mathbf{x})$ et de $ f$ au point $ \mathbf{x}$. La matrice jacobienne est le produit des matrices jacobiennes de $ g$ au point $ f(\mathbf{x})$ et de $ f$ au point $ \mathbf{x}$.

$\displaystyle MJ(g\circ f)(\mathbf{x}) = MJ(g)(f(\mathbf{x}))MJ(f)(\mathbf{x})\;.
$

Voici un exemple. Considérons l'application $ f$, de $ \mathbb{R}^2$ dans $ \mathbb{R}^2$, qui aux coordonnées polaires d'un point du plan associe ses coordonnées cartésiennes.

\begin{displaymath}
f :\;\left\{\begin{array}{rcl}
\mathbb{R}^{+*}\times ]0,2\p...
...a&-r\sin\theta\\
\sin\theta&r\cos\theta
\end{array}\right)\;.
\end{displaymath}

Considérons maintenant la fonction $ g$, de $ \mathbb{R}^2$ dans $ \mathbb{R}$ qui à $ (x,y)$ associe $ x^2+y^2$.

\begin{displaymath}
g :\;\left\{\begin{array}{rcl}
\mathbb{R}^2&\longrightarrow...
...d MJ(g) =
\left(
\begin{array}{cc}
2x&2y
\end{array}\right)\;.
\end{displaymath}

La matrice jacobienne de $ g$ au point $ f(r\cos\theta,r\sin\theta)$ est donc \begin{displaymath}\left(
\begin{array}{cc}
2r\cos\theta&2r\sin\theta
\end{array}\right)
\end{displaymath}. Le produit des deux est :

\begin{displaymath}
\left(
\begin{array}{cc}
2r\cos\theta&2r\sin\theta
\end{arra...
...right) 
=
\left(
\begin{array}{cc}
2r&0
\end{array}\right)\;.
\end{displaymath}

Effectivement, la composée $ g\circ f$ est la fonction de $ \mathbb{R}^2$ dans $ \mathbb{R}$ qui à $ (r,\theta)$ associe $ r^2$. En pratique, on calcule rarement les différentielles sous forme matricielle. On écrira plutôt :

$\displaystyle \frac{\partial g}{\partial r} =
\frac{\partial g}{\partial x} \...
...{\partial r}
+
\frac{\partial g}{\partial y} \frac{\partial y}{\partial r}\;.
$


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