Familles libres

Définition 6   Soit $ E$ un espace vectoriel, et $ {\cal V}$ une famille de vecteurs. On dit que $ {\cal V}$ est une famille libre si pour tout entier $ n\geqslant 1$ et pour tout $ n$-uplet $ (v_1,\ldots,v_n)$ de vecteurs de $ {\cal V}$,

$\displaystyle \sum_{i=1}^n \lambda_i v_i=0\;\Longrightarrow\;
\big(\forall i=1,\ldots,n ,\;\lambda_i=0\big)
$

Une famille (quelconque) de vecteurs est libre si toute sous-famille finie est libre : la seule combinaison linéaire nulle de ces vecteurs, a tous ses coefficients nuls. Observons que si une famille est libre dans un espace vectoriel $ E$, elle reste libre dans n'importe quel espace vectoriel contenant $ E$ ou contenu dans $ E$. Dans le cas contraire, elle est dite liée. Nous rassemblons dans la proposition suivante des exemples classiques de familles libres, dans l'espace des polynômes, des suites, et des fonctions.

Proposition 5    
  1. Dans l'espace vectoriel des polynômes, toute famille de polynômes non nuls, de degrés distincts deux à deux, est libre.
  2. Dans l'espace vectoriel des suites de réels, la famille des suites de la forme $ (r^k)_{k\in\mathbb{N}}$, pour $ r>0$, est libre.
  3. Dans l'espace vectoriel des fonctions de $ \mathbb{R}$ dans $ \mathbb{R}$, la famille des fonctions de la forme $ x\mapsto \mathrm{e}^{\alpha x}$, pour $ \alpha\in\mathbb{R}$, est libre.

Démonstration : Pour démontrer qu'une famille est libre, nous devons montrer que toute sous-famille finie de $ n$ vecteurs est libre, pour tout $ n$. Les trois démonstrations se font par récurrence sur $ n$. Pour initialiser les récurrences, observons que la famille formée d'un seul vecteur non nul est toujours libre, quel que soit l'espace.
  1. Soient $ P_1,\ldots,P_n$ des polynômes non nuls, de degrés distincts deux à deux. Sans perte de généralité, supposons que les polynômes ont été rangés par ordre croissant de leurs degrés. Si $ \lambda_1 P_1+\cdots+\lambda_n P_n=0$, alors le coefficient du terme de plus haut degré est nul, donc $ \lambda_n=0$. D'où le résultat, par récurrence.
  2. Soient $ r_1,\ldots,r_n$ des réels strictement positifs, distincts deux à deux. Supposons-les rangés par ordre croissant. Supposons que la suite de terme général $ \lambda_1 r_1^k+\cdots+\lambda_n r_n^k$ soit nulle. Puisque $ r_n$ est strictement supérieur à tous les autres $ r_i$,

    $\displaystyle \lim_{n\rightarrow\infty}\frac{1}{r_n^k}
(\lambda_1 r_1^k+\cdots+\lambda_n r_n^k) = \lambda_n\;,
$

    donc $ \lambda_n=0$. D'où le résultat, par récurrence.
  3. Soient $ \alpha_1,\ldots,\alpha_n$ des réels, distincts deux à deux. Supposons-les rangés par ordre croissant. Supposons que la fonction $ x\mapsto\lambda_1 \mathrm{e}^{\alpha_1 x}+\cdots+\lambda_n \mathrm{e}^{\alpha_n x}$ soit nulle. Puisque $ \alpha_n$ est strictement supérieur à tous les autres $ \alpha_i$,

    $\displaystyle \lim_{x\rightarrow+\infty}\frac{1}{\mathrm{e}^{\alpha_n x}}
(\la...
...rm{e}^{\alpha_1 x}+\cdots+\lambda_n \mathrm{e}^{\alpha_n x}) = \lambda_n\;,
$

    donc $ \lambda_n=0$. D'où le résultat, par récurrence.
$ \square$ Par exemple :
  1. $ \big(  1, 2X+3X^2, 3X-X^2+X^3 \big)$ est une famille de polynômes, libre dans $ \mathbb{R}[X]$.
  2. $ \big(  (2^{-k})_{k\in\mathbb{N}}, (2^k)_{k\in\mathbb{N}}, (3^{k})_{k\in\mathbb{N}} \big)$ est une famille de suites, libre dans $ \mathbb{R}^\mathbb{N}$.
  3. $ \big(  x\mapsto \mathrm{e}^{-x}, x\mapsto 1, x\mapsto \mathrm{e}^x \big)$ est une famille de fonctions, libre dans $ \mathbb{R}^\mathbb{R}$.

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