Les mineurs sont les déterminants de dimensions inférieures
que l'on extrait
d'un déterminant initial en ne conservant que certaines lignes et
colonnes.
Définition 8Soit
une matrice carrée. Soit un
entier compris entre et . Soient et deux applications
injectives de
dans
. On appelle
mineur d'ordre du déterminant , associé aux lignes
et aux colonnes
, le
déterminant :
Le mineur d'ordre extrait d'un déterminant d'ordre
pour , , , est
:
Nous savons déjà qu'une famille de vecteurs est libre si et
seulement si son déterminant est non nul (proposition
7), ou bien qu'une matrice est de rang maximal si
et seulement si son déterminant est non nul (corollaire
1). Les mineurs permettent de déterminer
exactement le rang d'une matrice quand il n'est pas maximal.
Proposition 9Soit une matrice de taille . La matrice est de rang
si et seulement si :
il existe un mineur d'ordre non nul et
tous les mineurs d'ordre sont nuls.
Démonstration : Il est équivalent de démontrer que le rang de est strictement
inférieur à si et seulement si tous les mineurs d'ordre
sont nuls.
Si le rang
de est strictement inférieur à , alors toute
famille de vecteurs colonnes est liée.
Considérons une famille de vecteurs colonnes de , et
supposons qu'elle soit liée.
Au moins un des vecteurs est combinaison
linéaire des autres : sans perte de généralité, nous pouvons
supposer que c'est le dernier.
Considérons un mineur d'ordre extrait de
, en choisissant les colonnes de la famille considérée, et
lignes quelconques. Dans ce mineur, la dernière colonne est
combinaison linéaire des autres et donc le mineur est nul. Ce qui
précède vaut pour toute famille de vecteurs colonnes, donc tous les
mineurs d'ordre sont nuls.
Nous montrons ensuite la contraposée de l'implication
réciproque. Si le rang de est supérieur ou égal à
alors il existe une famille libre de vecteurs
colonnes. Choisissons vecteurs colonnes
formant une famille libre, et considérons
la matrice de ces vecteurs colonnes, qui est
donc de rang .
Les vecteurs lignes forment une matrice de vecteurs de
. Or une
matrice et sa transposée ont même rang. La famille des
vecteurs lignes est encore de rang .
On peut donc en extraire une famille libre de
vecteurs. Les coordonnées de ces vecteurs forment une matrice
de rang , extraite de la matrice . Son déterminant
est un mineur de taille et il
est non nul.
Les mineurs d'ordre jouent un rôle particulier :
affectés de signes alternés, ce sont les cofacteurs.
Définition 9Soit
une matrice carrée. Soient
et deux entiers compris entre et . On appelle
cofacteur d'indices et et on note le produit
par
du mineur d'ordre obtenu en supprimant la
-ième ligne et la -ième colonne de .
La matrice des cofacteurs est appelée comatrice de et
notée
:
Une première utilisation des cofacteurs est le développement
suivant une ligne ou une colonne.
Proposition 10Soit
une matrice carrée. Soient
et deux entiers compris entre et .
Démonstration : Comme le déterminant d'une matrice est égal à celui de sa
transposée, il suffit de démontrer pour le développement selon
la -ième colonne. Cette -ième colonne est le vecteur
, qui s'écrit
, où les sont
les vecteurs de la base canonique. Par la -linéarité, il suffit
de démontrer que le cofacteur est le déterminant obtenu
en remplaçant la -ième colonne de par le vecteur ,
dont la -ième coordonnée vaut et les autres sont nulles.
Considérons cette nouvelle matrice.
Appliquons aux lignes le cycle
, dont la signature est
. Appliquons ensuite aux colonnes le cycle
,
dont la signature est
. On obtient une matrice diagonale
par blocs : la première colonne est le vecteur . D'après la
proposition 6, le déterminant est le
produit des déterminants des deux blocs diagonaux. Le premier est
. Le second est le déterminant du mineur extrait de en
supprimant la ligne et la colonne . Pour tenir compte des
permutations effectuées sur les lignes et colonnes, il convient de
le multiplier par
: on obtient bien
le cofacteur .
où
est la comatrice de ,
sa
transposée, et la matrice identité.
Démonstration : Pour
, le coefficient d'indices du produit
est :
Le coefficient d'indices du produit
est :
Pour , nous avons déjà vérifié dans la proposition
précédente que ces coefficients
valent . Il reste à montrer qu'ils sont nuls
pour . Nous avons vu dans la démonstration précédente,
que le cofacteur est égal au déterminant de la matrice
déduite de en remplaçant la -ième colonne de par le
vecteur ,
dont la -ième coordonnée vaut et les autres sont nulles.
Par la linéarité,
est le
déterminant déduit de en remplaçant la -ième colonne
par la -ième. Mais alors, la -ième colonne et la -ième
sont identiques, donc le déterminant est nul. On obtient l'autre
résultat en échangeant le rôle des lignes et des colonnes
(proposition 5). Dans le cas où le déterminant de est non nul, la proposition
11 fournit une expression explicite de son
inverse.
Corollaire 3Soit une matrice carrée inversible. L'inverse de
est :
On obtient même une résolution explicite du système : ce
sont les formules de Cramer.
Corollaire 4Soit une matrice carrée inversible. Soit un vecteur de
. Notons la matrice déduite de en
remplaçant la -ième colonne par . Soit
la solution du système . Alors :
Démonstration : Le vecteur est le produit . En utilisant l'expression
de en fonction de la comatrice,
Utilisons à nouveau l'interprétation du cofacteur comme
le déterminant déduit de en remplaçant la -ième
colonne par : la somme
est bien le
déterminant de . Et pour terminer, la mauvaise nouvelle : aucun des
résultats de cette section n'est algorithmiquement utile ! Pour
calculer le rang d'une matrice, il est beaucoup plus rapide
d'appliquer la méthode du pivot de Gauss (le rang est le nombre de
pivots non nuls) que de calculer les
mineurs. Pour calculer l'inverse d'une matrice, la
méthode du pivot de Gauss est encore la plus efficace (et de
loin !) comparée à la comatrice. Et pour
résoudre un système linéaire ? Toujours le pivot de Gauss,
plutôt que les formules de Cramer. Mais
au fait quel est le meilleur algorithme pour calculer un
déterminant ? Ben justement : le pivot de Gauss.