Le corps de nombres de référence sera
, mais tout ce qui suit
vaut aussi pour le corps des complexes
.
Soit un espace vectoriel de dimension sur
.
Définition 5On appelle forme -linéaire alternée toute application de
dans
telle que :
est -linéaire :
,
l'application partielle qui à associe
est linéaire :
est alternée :
,
,
:
Une forme linéaire associe donc un réel à un -uplet de
vecteurs. Si on remplace un des vecteurs par son produit par un
réel, le résultat est multiplié par ce même réel. Si on
remplace un vecteur par une somme de deux vecteurs, le résultat est
la somme des deux résultats obtenus avec chacun des vecteurs (forme
-linéaire). De plus si on échange deux des vecteurs, le
résultat est opposé (forme alternée). Nous aurions aussi bien pu
demander que l'image d'un -uplet de vecteurs dans lequel deux
d'entre eux sont égaux, soit nulle.
Proposition 3Soit une forme -linéaire. Alors est une forme alternée
si et seulement si, pour tout -uplet de vecteurs
et pour tout
,
Démonstration : Supposons d'abord que soit une forme alternée :
Si , le résultat doit être le même : il ne peut être
que nul.
Réciproquement, si est une forme -linéaire :
Si l'image d'un -uplet dans lequel deux des vecteurs sont
égaux est nulle, alors la somme ci-dessus est nulle, et les
deux termes dans lesquels et sont répétés sont
également nuls. Il vient donc :
Toute forme -linéaire alternée est explicitement déterminée
par sa valeur sur une base.
Théorème 2Soit
une base de . Soit
un
-uplet de vecteurs. Pour tout
, on note
les coordonnées de dans la base
:
Alors :
où
désigne la signature de la permutation .
Démonstration : Appliquons la -linéarité à :
On obtient une somme de facteurs dont chacun est calculé en choisissant
l'un des termes de la somme pour chacune des coordonnées. Un tel terme est
défini par une application de
dans lui-même :
Mais d'après la proposition 3,
parmi les termes
tous
ceux qui comportent deux fois le même vecteur sont nuls. Seuls
peuvent être non nuls les termes correspondant à une application
de
dans lui-même injective. Une telle
application est nécessairement
bijective : c'est une permutation.
Or toute permutation est un produit de transpositions.
Chaque transposition des
coordonnées change le signe, donc
si une permutation est le produit de
transpositions :
Démonstration : Comme conséquence du théorème 2, deux formes
-linéaires alternées sont toujours proportionnelles. Il existe donc une
constante telle que
. En prenant l'image par
et
de la base , on trouve
, puisque
par définition. La plupart des déterminants que vous aurez à calculer seront
des déterminants d'une famille de vecteurs de
ou
d'une matrice. On les note entre deux barres droites :
Soit
une matrice carrée. Le théorème
2 fournit une expression explicite de son
déterminant :
(1)
Commencez par vérifier que cette formule coïncide bien avec
celles que vous connaissez en dimensions et .
La règle de Sarrus
est un moyen mnémotechnique d'appliquer la
formule en dimension 3 (et en dimension 3 seulement).
On réécrit les deux premières lignes du déterminant
en dessous de celui-ci, puis on effectue tous les
produits en diagonale. On affecte du signe les diagonales
descendantes, du signe les diagonales montantes, et on ajoute le
tout (figure 1). Par exemple:
Figure 1:
Règle de Sarrus.
À part en dimensions et , la formule (1)
ne vous sera pas très utile, et vous ne devez surtout
pas la considérer comme un algorithme de
calcul : elle suppose multiplications et additions,
ce qui est prohibitif. Vous devez cependant retenir les deux conséquences
suivantes.
Proposition 5Le déterminant d'une matrice est égal à celui de sa
transposée.
Démonstration : Reprenons la formule explicite.
Nous pouvons réindicer le produit correspondant à la permutation
:
De plus la signature d'une permutation est égale à celle de son
inverse
(car
est un homomorphisme de groupe).
Réindiçons alors la somme :
Proposition 6Le déterminant d'une matrice triangulaire par blocs est le produit
des déterminants des blocs diagonaux.
Démonstration : Par la proposition précédente il suffit d'examiner le cas d'une
matrice triangulaire par blocs supérieure, c'est-à-dire du
type :
Nous souhaitons montrer que
La démonstration s'effectue par récurrence sur le nombre de blocs.
Si , il n'y a rien à démontrer. Nous affirmons qu'il suffit
de démontrer la propriété pour . En effet, une matrice
diagonale avec blocs peut être vue comme une matrice à
blocs, dont l'un a lui-même blocs. Si la propriété est
vraie pour et pour , elle sera vraie pour , d'où le
résultat par récurrence. Considérons donc une matrice du
type :
Nous supposons donc que pour un certain entier
strictement compris entre et :
et
de sorte que
et
Utilisons à nouveau la formule explicite.
Soit
une permutation. Le produit
est nul s'il existe tel que et
. Supposons que ce produit soit non nul. Alors
nécessairement
entraîne
. Soit
la restriction de à
: c'est une permutation
de
. Donc la restriction de à
est aussi une permutation de
. On
a donc
, ce qui entraîne
. Le produit
s'écrit alors :
Notons l'ensemble des permutations de
et l'ensemble des permutations de
.
Si on le débarrasse des termes nuls, le déterminant de
devient :
L'application la plus fréquente de la proposition
6 concerne les matrices triangulaires ( blocs
de taille sur la diagonale) : le déterminant d'une matrice triangulaire est le
produit de ses coefficients diagonaux. Comme cas particulier,
le déterminant d'une matrice diagonale est le
produit des coefficients diagonaux, et le déterminant de la matrice
identité est .
Vous devez également retenir les conséquences suivantes de la
définition 6.
une famille de vecteurs est liée si et seulement si
son déterminant est nul ;
on ne modifie pas le déterminant si on ajoute à l'un des vecteurs
une combinaison linéaire des autres.
Démonstration :
Soit
une famille de vecteurs de .
Dans un espace vectoriel de dimension , si une famille de
vecteurs est libre, alors c'est une base. Par la proposition
4, le déterminant de cette base dans
n'importe quelle autre est non nul. Réciproquement, si la famille est
liée, alors l'un des vecteurs est combinaison linéaire des
autres. Sans perte de généralité, supposons que ce soit le
dernier. En utilisant la linéarité par rapport à la dernière
coordonnée :
Or le déterminant d'une famille de vecteurs dont deux sont égaux
est nul (proposition 3). La somme est
donc nulle.
Ajoutons au dernier vecteur une combinaison
linéaire des autres.
D'après le point précédent, le second déterminant est
nul. D'où le résultat.
Voici l'écriture en termes de matrices, combinant la proposition
précédente avec la proposition 5.