Intuitivement, une courbe dans l'espace de dimension est un objet qui peut être décrit par un point qui évolue au cours du temps. Autrement dit, il suffit d'un paramètre pour le décrire, le temps. On dit d'un tel objet qu'il est -dimensionnel. Le fait de décrire une courbe par un paramètre qui évolue revient à considérer une application
. Quand le paramètre parcourt l'intervalle , le point parcourt la courbe. Une telle application est une courbe paramétrée. On se concentre ici sur l'étude des courbes paramétrées de
et de
.
Définition des courbes paramétrées
L'ensemble
est appelé le support géométrique de
. On dit que
est une courbe géométrique et que est une paramétrisation de
. On peut remarquer que la courbe paramétrée comporte plus d'informations que la courbe géométrique : quand parcourt l'intervalle , le point parcourt
. Autrement dit, la courbe paramétrée donne non seulement le support géométrique, mais aussi une façon de le parcourir.
Dans la suite, quand on considèrera la restriction d'une courbe à un intervalle fermé
, on écrira
. Si , on dit que la courbe est plane.
Figure 1:
Courbe paramétrée
|
Exemple :
Le support géométrique de la courbe paramétrée
donnée par
est une hélice (Figure 2).
Prenons une route allant de Grenoble à Chamrousse et modélisons la par une courbe géométrique
! Prenons maintenant une voiture qui part de Grenoble à un instant et arrive à Chamrousse à un instant minutes. Le trajet de cette voiture est naturellement modélisé par la courbe paramétrée
qui à chaque instant , donne la position de la voiture. Prenons maintenant un vélo qui va parcourir ce même trajet mais en mettant bien entendu un peu plus de temps, par exemple minutes. Cela nous définit une autre paramétrisation
qui est différente de , mais qui a exactement le même support géométrique
.
De même, pour prendre un exemple "plus mathématique", considérons la courbe paramétrée
donnée par
. De l'équation
, on déduit que appartient au cercle de rayon et de centre . Plus précisément, le support géométrique de est le quart de cercle entre les points et . Or ce support géométrique admet aussi une autre paramétrisation
donnée par
.
Ainsi, une même courbe géométrique peut avoir plusieurs paramétrisations.
Reparamétrisation
Il est possible de reparamétrer une courbe. Pour cela, on rappelle la notion de difféomorphisme.
Définition 2
Soient et deux domaines ouverts de
.
Une application est un difféomorphisme si :
- est une bijection de dans .
- et sont toutes les deux de classe .
Prenons maintenant une courbe paramétrée
de classe et un difféomorphisme
(avec un intervalle ouvert de
). Alors
est une courbe paramétrée qui a exactement le même support géométrique que . On dit alors que est un changement de variable admissible et que
est une reparamétrisation de .
Courbes régulières, espace tangent
Intuitivement, la tangente en un point
à une courbe paramétrée
est la limite des droites passant par et
quand tend vers . Cela peut se formaliser de la manière suivante :
La proposition suivante indique qu'une dérivée non nulle de la paramétrisation donne un vecteur tangent.
Proposition 1
Soit
une courbe paramétrée de classe . Si
, alors
est un vecteur tangent à la courbe en
.
Démonstration : Comme est de classe , on a :
avec
ce qui permet de conclure.
Figure 3:
Tangente à une courbe paramétrée
|
Définition 4
Une courbe paramétrée
de classe est dite régulière si pour tout
.
Remarques :
Longueur d'une courbe
Comment mesurer la longueur d'une courbe ? Une façon naturelle de procéder consiste à approcher cette longueur par la longueur d'une ligne polygonale dont les sommets sont sur la courbe. La longueur de la ligne polygonale est clairement inférieure à celle de la courbe, mais on imagine bien que si on rajoute des sommets en diminuant la distance entre deux sommets consécutifs, la longueur de la ligne polygonale va tendre vers la longueur de la courbe. La définition de la longueur d'une courbe repose sur cette idée (Figure 4):
Remarque :
La longueur ne dépend pas de la paramétrisation.
Figure 4:
Longueur d'une courbe paramétrée
. Si on augmente la densité des sommets de la ligne polygonale le long de la courbe, alors la longueur de approche celle de la courbe.
|
La définition précédente est géométrique et correspond à l'intuition que l'on peut avoir de la longueur. Ceci dit, elle n'est pas forcément pratique pour effectuer des calculs. Le théorème suivant exprime la longueur d'une courbe paramétrée par une formule intégrale.
Théorème 1
Soit
une courbe paramétrée de classe . Alors est rectifiable et on a :
Démonstration : Considérons une subdivision
de l'intervalle . Nous avons pour tout
:
Cela implique en sommant sur :
En passant maintenant au supremum sur toutes les subdivisions, on obtient que est rectifiable et vérifie :
Montrons maintenant l'égalité souhaitée. Pour cela, introduisons la fonction
qui donne la longueur de la courbe entre les paramètres et :
Prenons
et vérifiant
. La longueur de la courbe entre les paramètres et étant plus longue que la longueur du segment reliant à
, on a :
On en déduit l'encadrement suivant :
Les membres de droite et de gauche ont la même limite
, ce qui implique que est dérivable en et que l'on a
.
Exemple :La longueur de l'hélice paramétrée par
avec
est donnée par :
Remarquons au passage que si , on retrouve que la longueur d'un cercle de rayon vaut .
Paramétrisation par abscisse curviligne
Maintenant que l'on sait calculer la longueur d'une courbe, il est possible de paramétrer une courbe par sa longueur. Pour expliquer ce que représente cette paramétrisation, on peut reprendre l'exemple de la courbe
qui modélise la route Grenoble-Chamrousse. On a déjà donné deux paramétrisations possibles de cette courbe, mais il est aussi possible d'en définir une troisième en repérant chaque point de
par sa distance au point d'origine, à savoir Grenoble. La longueur du trajet étant de kilomètres, cela nous définit naturellement la courbe paramétrée
qui à chaque longueur
associe le point sur la courbe
qui est à une distance du point de départ. Cette paramétrisation est dite normale ou par abscisse curviligne. Elle est assez naturelle dans le sens ou elle ne dépend pas de la vitesse d'un véhicule qui parcourt cette courbe (plus exactement, cette vitesse est constante). Formellement, on définit :
En pratique, on n'a pas forcément une paramétrisation normale. Si on veut en avoir une, il faut reparamétrer. Pour cela, on a besoin de la notion d'abscisse curviligne.
Géométriquement,
est la longueur de la courbe géométrique
entre les points
et . Le résultat suivant nous indique que toute courbe paramétrée régulière de classe peut être reparamétrée par abscisse curviligne.
Démonstration : Admise.
Intuitivement, si on "déroule" une courbe géométrique
de longueur le long d'une droite, on obtient un segment qui est aussi de longueur et qui peut être identifié à l'intervalle . La correspondance point par point entre et
donne naturellement une paramétrisation normale
.
Par convention, on note souvent le paramètre d'une courbe paramétrée par abscisse curviligne et on note souvent le paramètre dans le cas d'une paramétrisation quelconque.
Proposition 2
Soit
une courbe paramétrée de classe . Alors on a :
la paramétrisation
est normale
Démonstration : Si la paramétrisation est normale, alors l'abscisse curviligne à partir du point de vérifie pour tout :
En dérivant, cela donne pour tout :
.
Réciproquement, si pour tout on a
, alors pour tout
:
Exemple :On considère la courbe paramétrée
définie par
. L'abscisse curviligne
est donnée par :
La fonction
est une bijection. La reparamétrisation
est donnée par :
On remarque que cela correspond à une paramétrisation du quart de cercle de rayon entre les points de coordonnées et . Le paramètre correspond à l'angle entre
et le vecteur de coordonnées .
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