Les deux théorèmes qui se suivent sont agréablement parallèles ; il est donc amusant de constater que leurs preuves sont plus différentes qu'on ne pourrait s'y attendre. Il est possible de les déduire l'un de l'autre, mais il est instructif de les prouver très séparément. Vous verrez donc plusieurs preuves de l'un comme de l'autre.
Ces théorèmes sont vendus avec deux compléments, le premier occasionnellement utile, le second totalement fondamental.
Complément 1 Pour tous et
,
.
Complément 2 (Identité de Bézout)
Et tant qu'on y est avant de passer aux démonstrations :
Première démonstration du théorème 3
Cette
démonstration est la plus élémentaire ; elle consiste
à choisir pour le
multiple commun de
et
le plus «petit» au sens de la relation
habituelle
, puis à vérifier qu'il marche. La preuve
est en deux parties :
d'abord l'existence de
(partie significative) puis son
unicité (partie très
facile).
Existence de
Introduisons l'ensemble formé des entiers strictement positifs
simultanément multiples de
et de
. L'ensemble
n'est pas vide,
puisqu'il contient l'entier
. Il admet donc un plus petit
élément
. On
va vérifier que cet entier
convient.
Pour faire cette vérification, soit un entier
; nous avons
désormais à montrer une équivalence, distinguons
méthodiquement les deux sens.
Preuve de l'implication directe : Supposons donc que
est un
multiple commun de
et
, et montrons que
est un multiple
de
. Pour ce
faire, effectuons la division euclidienne de
par
, soit
, avec
. Comme
et
sont des multiples de
,
aussi ; de
même avec
. Ainsi
est un multiple commun de
et
.
Si
était un
entier strictement positif, vu l'inégalité
il
contredirait la minimalité de
. C'est donc que
et donc que
est un multiple de
.
Preuve de l'implication réciproque : Supposons ici que
est un
multiple de
. Comme
est lui-même multiple de
,
est à son tour
multiple de
; de même avec
. C'est réglé.
Unicité de
Soit et
vérifiant les hypothèses du théorème.
Comme
est un
multiple de
(eh oui !), c'est un multiple commun de
et
,
donc un multiple de
. De même,
est un multiple de
. Cela implique que
et
sont forcément égaux au signe près. Comme ils sont tous deux
strictement positifs, ils sont égaux.
Fin de la démonstration.
Voici maintenant une première démonstration de l'existence (et l'unicité) du pgcd, qui l'obtient à partir du ppcm. Cette démonstration a le confort d'être dépourvue d'idée subtile et l'avantage de prouver le Complément 1. Elle a l'inconvénient de ne pas prouver le Complément 2 et de ne pas fournir une méthode rapide de calcul du pgcd.
Première démonstration du théorème 4
Existence de
On note le ppcm de
et
et on pose
.
Remarquons que
ce nombre
est bien un entier : en effet,
étant un
multiple commun évident
de
et
, c'est un multiple de leur ppcm. Reste à prouver qu'il convient.
Pour faire cette vérification, soit
un entier ; nous avons
désormais à montrer une équivalence, distinguons
méthodiquement les deux sens.
Preuve de l'implication directe : supposons que
est un
diviseur commun de
et
. On peut donc introduire deux
entiers
et
tels que
et
. Pour travailler sur ce sur quoi nous avons des
informations, à savoir les multiples de
et
, introduisons le nombre
. Ce nombre
vaut aussi
et
.
C'est donc un
entier, et même un multiple commun de
et
. C'est donc un multiple de
. Il existe donc un entier
tel que
, soit
, donc
. On a bien prouvé que
divise
.
Preuve de l'implication réciproque : puisque
où
est
un entier,
divise
; symétriquement puisque
,
divise
. Supposons maintenant que
divise
. On voit alors
aussitôt que
divise
et
.
Unicité de
C'est exactement le même principe que pour le ppcm, on laisse donc cette partie de la démonstration en exercice (très) facile.
Preuve du Complément 1 :
Il tombe immédiatement au vu de la formule qui donne à partir de
.
Fin de la démonstration.
Comme promis, voici maintenant une deuxième démonstration du théorème 4, très différente dans son esprit, et qui permet pour guère plus cher de montrer simultanément le Complément 2.
Deuxième démonstration du théorème 4
La démonstration est une récurrence sur ; techniquement, on gagne
sérieusement en confort si on autorise
à être nul,
ce que l'on n'a pas fait,
volontairement, en énonçant le théorème dans l'espoir
qu'il soit plus clair. On
montrera donc légèrement mieux que l'énoncé de la page
précédente, puisqu'on
prouvera le résultat sous l'hypothèse «
et
».
Avant de se lancer dans la récurrence proprement dite, on va donner un «résumé de la preuve» sous forme de programme informatique récursif.
Début du programme
*
.
* Soit le reste de la division euclidienne de
par
.
Les diviseurs communs de et
sont les diviseurs communs de
et
.
D'où :
.
Fin du programme
Ce résumé de démonstration convaincra peut-être les esprits les plus agiles, mais à notre niveau d'entraînement, il est plus prudent de faire ce qui est derrière les formulations récursives : une bonne vieille récurrence.
On va démontrer par «récurrence forte» sur
l'hypothèse
suivante :
Pour tout entier
, il existe deux entiers (relatifs)
et
tels que, pour tout
,
divise
et
si et seulement si
divise
.
Vérifions .
Soit un entier avec
; tout entier
qui divise
divise aussi
puisque
. Pour tout
, on a donc :
divise
et 0 si et seulement si
divise
.
Prenons alors
et
.
On a donc
bien pour tout
:
divise
et 0 si et seulement si
divise
.
Soit un entier fixé, avec
. Supposons la propriété
vraie pour tout
avec
et montrons
.
Soit un entier avec
. Notons
la division
euclidienne de
par
(qu'on peut réaliser puisque
).
Vérifions l'affirmation intermédiaire suivante : pour tout
,
est un diviseur commun de
et
si et seulement si
est un diviseur commun de
et
. C'est-à-dire, avec des mots peut-être plus
lisibles : «les diviseurs communs de
et
sont les mêmes que ceux de
et
.»
Soit un diviseur commun de
et
, alors
divise aussi
; réciproquement soit
un diviseur commun
de
et
, alors
divise aussi
.
L'affirmation intermédiaire est donc démontrée.
On peut alors appliquer l'hypothèse de récurrence (puisque
précisément
) sur l'entier
.
On en déduit qu'il existe deux entiers relatifs et
tels que pour tout
,
divise
et
si
et seulement si
divise
.
Remarquons enfin que
, et qu'ainsi, si on pose
et
, on a bien
prouvé que, pour tout
,
divise
et
si et seulement si
divise
.
est donc démontrée.
On a donc bien prouvé pour tout
, donc a
fortiori pour tout
, ce qui prouve le
théorème 4
et
son Complément 2.
En fait, il reste à prouver l'unicité de , pour laquelle on
renvoie à la démonstration précédente (où on
écrivait qu'on la laissait en
exercice).
Fin de la démonstration.
À présent, donnons un petit exemple sur des vrais nombres concrets, pour nous soulager l'esprit après tant de lettres.
Calcul du pgcd de et
On fait des divisions euclidiennes successives et on écrit dans la colonne de droite les conséquences de ces divisions.
(1) | 137 | = | 5 | ![]() |
24 | + | 17 |
![]() |
|
(2) | 24 | = | 1 | ![]() |
17 | + | 7 |
![]() |
|
(3) | 17 | = | 2 | ![]() |
7 | + | 3 |
![]() |
|
(4) | 7 | = | 2 | ![]() |
3 | + | 1 |
![]() |
|
(5) | 3 | = | 3 | ![]() |
1 | + | 0 |
![]() |
Donc
.
Ces calculs permettent ensuite sans mal de reconstituer une identité de Bézout.
Voici un autre exemple.
Calcul du pgcd de et
Voici les divisions euclidiennes successives et leurs conséquences en termes de pgcd.
(1) | 141 | = | 5 | ![]() |
24 | + | 21 |
![]() |
|
(2) | 24 | = | 1 | ![]() |
21 | + | 3 |
![]() |
|
(3) | 21 | = | 7 | ![]() |
3 | + | 0 |
![]() |
Donc
et on vérifiera que ces calculs
permettent de reconstituer l'identité
de Bézout
Donnons une dernière définition avant de quitter les pgcd.
On veillera à ne pas confondre cette notion avec celle de
nombre premier. (Par exemple, les calculs ci-dessus montrent que et
sont premiers entre eux
mais
n'est pas premier.)