Le livre le plus profond et le plus abouti de Fibonacci, le Liber
Quadratorum5,
ou «Livre des carrés»,
écrit en 1225, n'a été retrouvé et traduit qu'en 1851.
Sur différents problèmes arithmétiques,
Fibonacci y élabore des solutions astucieuses, et son approche est du même niveau que les
recherches mathématiques arabes de l'époque,
sans qu'il soit possible de démontrer qu'il en ait eu connaissance : certes, il s'était fait l'ardent propagandiste de la numération
de position qu'il avait apprise dans sa jeunesse auprès des commerçants de Béjaïa, mais rien n'indique qu'il ait
étudié des travaux plus avancés.
Dans la dédicace, Fibonacci raconte qu'il a été présenté à
la cour de l'Empereur à Pise, et que Magister Johannes de Palermo lui avait proposé un problème pour tester ses capacités.
Il s'agissait de trouver un nombre carré, qui augmenté ou diminué de 5 donnerait encore des nombres carrés. Plus généralement,
Fibonacci cherche à trouver trois carrés
en progression arithmétique, c'est-à-dire tels que
.
Voici en gros son raisonnement. Si est pair, alors et ont la même parité, donc et sont pairs.
Écrivons , . On arrive ainsi à
.
Donc est un triplet pythagoricien. En utilisant la
caractérisation d'Euclide, on peut se ramener au cas où il existe deux entiers et tels que :
On obtient alors :
Vérifiez le calcul et ayez une pensée admirative pour Fibonacci qui ne raisonnait que sur des rapports de surfaces et de longueurs,
sans utiliser notre notation littérale. Fibonacci appelle congruum les nombres de la forme
, et étudie leurs
propriétés. Il démontre en particulier qu'ils sont forcément divisibles par 24.
Plus loin dans le même ouvrage, il démontre que si , le rapport
n'est jamais égal au rapport
(vérifiez-le vous-mêmes). De là, dit Fibonacci, on peut démontrer qu'aucun nombre carré ne peut être un congruum.
Dommage qu'il n'ait pas dit pourquoi ! Car si un congruum n'est jamais un carré, alors avoir à la fois
et
est impossible : la somme et la différence de deux carrés ne peuvent pas être toutes deux des carrés.
C'est le problème (P3) de la section précédente, dont nous avons vu qu'il menait au cas du Dernier Théorème
de Fermat. Fibonacci n'en était pas loin... plus de quatre siècles avant Fermat.