Thèse de doctorat
J'ai effectuée ma thèse au CEA de Saclay et au CMLA (ENS de Cachan), sous la direction de Laurent Desvillettes (anciennement ENS de Cachan, actuellement Univ. de Paris) et Stéphane Dellacherie (anciennement CEA Saclay), avec un financement CFR du Commissariat à l'Energie Atomique. J'ai travaillé aussi en collaboration avec Philippe Roblin (CEA Saclay) et Jacques Segré (CEA Saclay).

Durant cette thèse, je me suis intéressée à des modèles cinétiques décrivant un aérosol constitué de particules solides dans un gaz raréfié. Ces modèles sont constitués d'un couplage de deux équations aux dérivées partielles décrivant l'évolution spatio-temporelle des distributions en molécules de gaz et en particules de poussière. Ce travail comprend différents aspects : modélisation mathématique, analyse dimensionnelle, analyse asymptotique, analyse qualitative d'EDP, simulation numérique par méthode particulaire d'écoulements raréfiés.

Titre : Modélisation mathématique et étude numérique d'un aérosol dans un gaz raréfié. Application à la simulation du transport de particules de poussière en cas d'accident de perte de vide dans ITER.

J'ai soutenu celle-ci le 25 Novembre 2009 , devant le jury composé de

Kazuo AOKI Professeur,Université de Kyoto Examinateur
Stéphane DELLACHERIE Ingénieur de recherche, CEA de Saclay Encadrant CEA
Laurent DESVILLETTES Professeur, ENS de Cachan Directeur de thèse
Bruno DESPRES Professeur, Université Paris VI Rapporteur
Aldo FREZZOTTI Professeur, Politecnico Di Milano Examinateur
François GOLSE Professeur, Ecole Polytechnique Président du jury
Stéphane MISCHLER Professeur, Université Paris-Dauphine Rapporteur
Jacques SEGRE Assistant scientifique du service SFME, CEA de Saclay Examinateur

Lien sur TEL : http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00463639/fr/

Résumé : Dans cette thèse, nous présentons des modèles cinétiques décrivant le transport de particules de poussière en atmosphère raréfiée. Le premier modèle est constitué d'un couplage de deux équations aux dérivées partielles de type Boltzmann, dans lesquelles l'interaction entre les molécules de gaz et les particules de poussière est décrite par des opérateurs de collision. La simulation numérique de ce modèle par méthode DSMC s'avérant trop coûteuse lorsque le rayon des particules devient trop grand, nous introduisons alors un modèle asymptotique approchant formellement le précédent lorsque le rapport de masse entre une molécule et une particule de poussière tend vers 0. Ce modèle est constitué d'un couplage entre une équation de Vlasov et une équation de Boltzmann, par l'intermédiaire d'une force de trainée. Le passage à la limite du couplage Boltzmann-Boltzmann vers le couplage Vlasov-Boltzmann est justifié mathématiquement dans le cas d'un modèle de collisions élastiques. Nous présentons ensuite l'application de ces modèles à la simulation numérique de l'évolution de particules de poussière au début d'un accident de perte de vide, dans le cadre d’études de sûreté pour le réacteur ITER.


Contexte

Dans les réacteurs de fusion par confinement magnétique (tokamak), des neutrons très énergétiques sont libérés par les réactions de fusion dans le plasma. Ce flux neutronique, ainsi que les ruptures incidentelles de confinement du plasma, provoquent une érosion des parois de l'enceinte et sont à l'origine de la formation de poussières. La présence de ces poussières activées dans le réacteur à l'arrêt soulève divers problèmes : risque chimique (possibilité de réaction explosive sur les surfaces chaudes au contact d'hydrogène), risque de rétention (piégeage du tritium par les particules carbonées), et enfin risque radiologique. En particulier, l'entrée d'air accidentelle dans l'enceinte à vide du réacteur à l'arrêt (événement appelé "`accident de perte de vide"') pourrait provoquer la mobilisation de ces poussières, créant le risque d'une dispersion atmosphérique de particules activées. L'un des enjeux des études de sûreté d'ITER est donc de pouvoir caractériser et décrire la mobilisation et le déplacement de ces poussières lors d'un accident de perte de vide.

Modélisation

Nous proposons dans ce travail des modèles cinétiques pour la description d'un aérosol dans un gaz raréfié complétant les modèles d'aérosol existants, que nous appliquons à la simulation numérique du transport de particules de poussière lors d'un accident de perte de vide. La modélisation cinétique du problème consiste à introduire des fonctions de densité f1 et f2 représentant respectivement les densités en particules de poussière et en molécules de gaz.
Le premier modèle que nous étudions est constitué d'un couplage de deux équations de type Boltzmann dans lequel l'interaction entre les molécules de gaz et les particules de poussière est décrite par deux opérateurs de collision R1(f1,f2) et R2(f1,f2). Le point délicat de cette modélisation réside dans la grande différence de taille, et par conséquent de masse, entre les poussières (supposées macroscopiques) et les molécules de gaz. Pour cette raison, nous avons supposé que le mécanisme collisionnel entre une molécule et un grain de poussière était donné par une réflexion diffuse sur la surface de la poussière. Cette modélisation a permit d'établir les opérateurs de collisions entre gaz et poussières (R1 et R2), non classiques,  intervenant dans ce couplage d'équations. Nous nous intéressons également à un second type d'opérateurs, correspondant à des collisions élastiques entre les poussières et les molécules.

Cependant, la simulation numérique de l'opérateur R1 par méthode DSMC d'avérant trop coûteuse lorsque le rayon des particules devient trop grand, nous proposons ensuite un modèle asymptotique approchant formellement le précédent lorsque le rapport de masse entre une molécule et une particule de poussière tend vers 0. Pour cela, nous effectuons un adimensionnement du premier système, suivi d'un développement asymptotique de l'opérateur de collision R1(f1,f2) adimensionné en fonction du rapport de masse entre une molécule et une particule de poussière. Cela nous permet d'introduire un modèle constitué d'un couplage entre une équation de Vlasov et une équation de Boltzmann, par l'intermédiaire d'un terme de trainée.

D'autre part, nous proposons à partir de ce modèle Vlasov/Boltzmann une modélisation du décollement de particules de poussière des parois, prenant en compte des forces adhésive et de friction.
 

Etude mathématique

Nous nous intéressons d'un point de vue théorique aux deux modèles Boltzmann/Boltzmann et Vlasov/Boltzmann précédemment établis, dans un contexte spatialement homogène et avec les opérateurs décrivant des collisions élastiques. Dans un premier temps, nous montrons que le couplage de type Boltzmann/Boltzmann possède des solutions faibles préservant la masse et l'énergie, et vérifiant une inégalité d'entropie.
Nous justifions ensuite rigoureusement le développement asymptotique précédemment effectué (toujours dans le cas homogène en espace et pour le modèle de collisions élastiques) en prouvant que les solutions du couplage Boltzmann/Boltzmann convergent faiblement vers des solutions du couplage asymptotique Vlasov/Boltzmann. Nous établissons pour cela une nouvelle variante de l'inégalité de Povzner, adaptée au cas de particules de masses très différentes.
 

Simulations numériques

La mise en œuvre numérique de ces modèles est réalisée à partir d'un code DSMC 3D pour mélanges gazeux développé au Commissariat à l'Energie Atomique de Saclay que nous avons modifié. Ce code est basé sur une méthode particulaire, avec simulation Monte-Carlo des opérateurs de collisions. Dans le cas du modèle Boltzmann/Boltzmann, nous avons implémenté le mécanisme collisionnel par réflexion diffuse entre les molécules et les poussières. De plus, en raison de la représentativité très différente des deux espèces, nous avons utilisé une méthode de type Nanbu pour la simulation des collisions. L'étude numérique de ce premier modèle met en évidence un coût de simulation de l'opérateur R1 trop élevé lorsque les particules ont un rayon trop grand.

Dans le cas du modèle Vlasov/ Boltzmann, le déplacement des poussières est simulé par une méthode de type Particle-In-Cell.
La comparaison numériques permet de mettre en évidence le comportement identique des vitesses macroscopiques de chacune des espèces dans les deux modèles. Par ailleurs, l'utilisation du modèle asymptotique Vlasov/Boltzmann permet d'obtenir des gains de temps significatifs.

A partir de ces modèles, nous avons ensuite effectué, en collaboration avec Philippe Roblin (CEA) et Pierre Barthelet (élève de l'école Supélec, stagiaire au LSET) des simulations numériques massivement parallèles avec visualisation en 3D du déplacement de poussières dans une situation d'accident de perte de vide. Le but de ces simulations est de comparer la mobilisation numérique des particules de poussière avec des observations expérimentales effectués au CEA de Cadarache dans même conditions.

Exemples de simulation