Sermon
Attention à bien lire cette définition, qui, comme toutes
ses consurs de la suite de ce cours, peut
être mal retenue par de jeunes âmes peu scrupuleuses mathématiquement
parlant. Il est facile de
retenir que le graphe de
a un rapport avec
. Mais soulignons que le graphe est un ensemble.
Profitons en
pour signaler dès l'abord que les divers objets qui sont définis
dans ce cours entrent dans un petit nombre de catégories : souvent
des ensembles, assez souvent des applications, souvent des -uplets
(qui ne sont rien d'autres que des applications particulières,
sauriez-vous préciser pourquoi ?),
souvent aussi des nombres (entiers, réels ou autres), plus rarement
des relations, etc. Il n'est pas difficile de savoir dans quelle
catégorie ranger les graphes : ce ne sont manifestement pas des
triplets, ni des nombres complexes ! Le plus important est de ne pas
oublier de les ranger quelque part. Savoir à quelle catégorie
appartient un objet permet d'éviter les bourdes les plus monumentales
: ainsi, le symbole
aura un sens entre deux ensembles, pas
entre deux réels, et réciproquement pour le symbole
. On profitera
du fait que la première phrase de cette section contient les mots
«élément» et «ensemble» pour vérifier qu'on ne confond pas
les deux.
C'était la fin de notre sermon d'aujourd'hui.
Voici maintenant quatre définitions rébarbatives, mais incontournables.
1) La relation
est
réflexive lorsque pour tout élément
de
,
.
2) La relation
est
symétrique lorsque pour tous éléments
et
de
, si
, alors
.
3) La relation
est
transitive lorsque pour tous
éléments
,
et
de
, si
et si
, alors
.
4) La relation
est
anti-symétrique lorsque pour tous éléments
et
de
, si
et si
, alors
.
Quelques commentaires sur la dernière condition, qui est sans doute la plus difficile à bien mémoriser des quatre : c'est, comme son nom l'indique, en gros le contraire de la propriété de symétrie. La symétrie exige que quand deux éléments sont liés dans un sens, ils le sont aussi dans l'autre. L'anti-symétrie, c'est approximativement demander que si deux éléments sont liés dans un sens, ils ne le sont pas dans l'autre. Mais cette condition empêcherait un élément d'être lié à lui-même, ce qui ne serait pas désespérant en soi mais ne serait pas conforme à l'usage. De fait, l'usage s'est fait de compliquer la définition afin de garder la permission pour un élément d'être lié à lui-même.
On comprendra peut-être un peu mieux la définition en écrivant la contraposée de l'implication qu'elle contient.
Autre formulation de la définition de l'anti-symétrie
Une relation
sur un ensemble
est
anti-symétrique lorsque pour tous éléments
et
distincts de
, on ne peut
avoir simultanément
et
.
Comme nous sommes encore débutants, faisons l'effort d'expliciter une autre façon de présenter la même notion.
Autre formulation de la définition de l'anti-symétrie
Une relation
sur un ensemble
est
anti-symétrique lorsque pour tous éléments
et
distincts de
,
est faux ou
est faux.
Bien évidemment, ce genre de liste de formulations équivalentes
n'est surtout
pas à «savoir par cur». Ce qui est par contre
indispensable, c'est de se
familariser avec les petites manipulations qui
permettent de passer de l'une à
l'autre, selon les besoins.
En pratique, les relations qui pourront nous intéresser dans ce cours ne seront jamais bien compliquées ; le vocabulaire que nous avons dû ingurgiter depuis le début de ce chapitre n'a d'utilité que pour savoir reconnaître deux types très particuliers de relations : les relations d'ordre, auxquelles cette section est consacrée, puis, dans la section prochaine, les relations d'équivalence.
Considérons par exemple la relation «divise»
sur l'ensemble
. C'est une relation d'ordre ;
son graphe est visualisé
par des flèches sur la figure 1.
Intuitivement, une relation d'ordre est une relation qui peut raisonnablement être appelée «est supérieur ou égal à» ou, bien sûr, «est inférieur ou égal à».
Le morceau est plus sérieux pour les relations d'équivalence que pour les relations d'ordre, car on ne va pas se contenter de donner une définition, mais on va aussi voir le lien avec un autre concept. Pour expliquer intuitivement ce qui va suivre, une relation d'équivalence est une relation qui peut raisonnablement s'appeler «est de la même catégorie que» et une partition est une répartition en catégories.
Avalons encore trois définitions de plus en plus indigestes mais ce n'est pas gratuit, les concepts serviront plus loin, notamment en arithmétique.
Avec des mots, la classe d'équivalence de est
l'ensemble formé des éléments
de la même catégorie que
.
On abrège souvent
en
.
Une autre notation pour la classe d'équivalence de
est
mais nous
l'utiliserons rarement dans ce cours.
Par contre, nous désignerons souvent les
relations d'équivalence par le signe
.
Sans commentaires, car il y en aura plus loin, un objet plus étrange :
Attention tout de même ! Comme
est une
partie (et non un élément)
de
, l'ensemble-quotient est un ensemble de
parties de
. Ce n'est pas une
partie de
mais une partie de
.
Ce n'est pas si compliqué, mais
il ne faut pas s'y perdre.
On remarquera qu'en général, chaque élément de l'ensemble quotient
peut s'écrire comme
pour de nombreux éléments
différents de
: très précisément,
s'écrit
pour un élément
de
tel que
, et aussi
pour tous les éléments
de
tels que
.
(i) L'ensemble vide n'est pas un élément de
.
(ii) Deux éléments distincts de
sont disjoints.
(iii) Tout élément de appartient à un élément de
.
C'est dur à avaler parce qu'on rentre inévitablement dans le monde des
ensembles dont les éléments sont eux-mêmes des ensembles.
Les éléments de
sont des parties de
et doivent donc être pensés comme des groupes
d'éléments de
vérifiant une
condition commune. Et
: une partition de
est une partie de l'ensemble
des parties de
(ouf !).
Tentons maintenant de commenter les
conditions de la définition 7.
La condition (i) est sans grand intérêt et juste là pour que les
énoncés marchent bien. La condition (ii) nous assure qu'on n'a inscrit
aucun élément de dans deux catégories à la fois.
La condition (iii)
signifie qu'on n'a oublié d'inscrire personne : tout
élément de
est dans un
groupe.
On remarquera qu'on peut regrouper les deux conditions significatives, ce qui donne l'énoncé suivant.
Autre formulation de la définition d'une partition
Une partition d'un ensemble est un ensemble
de
parties de
vérifiant les deux propriétés (i) et (iv) ci-dessous :
(i) L'ensemble vide n'est pas un élément de .
(iv) Tout élément de appartient à un et un seul
élément de
.
Bien évidemment là encore il n'est pas question d'apprendre par cur
ce genre
de reformulation. Il faut se convaincre, et ici ce n'est peut-être pas
facile, qu'elle est bien équivalente à la précédente.
Et voici maintenant la synthèse finale, qui expliquera ce qu'est un ensemble-quotient à ceux qui ont compris ce qu'est une partition, et expliquera ce qu'est une partition à ceux qui ont compris ce qu'est un ensemble-quotient (figure 2).
![]() |
Complément
Toute partition de peut s'obtenir ainsi comme
quotient par une relation d'équivalence de
et cette
relation d'équivalence est unique.
La preuve du complément est laissée au lecteur.
Démonstration : Vérifions successivement les trois propriétés définissant une partition.
Vérification de (i) : Soit un élément de
. Par définition de
, il existe un élément
de
tel que
. Comme
est
réflexive,
, donc
appartient à
. Ainsi
n'est pas réduit à
l'ensemble vide.
Vérification de (ii) : Soient et
deux éléments de
. On peut trouver des éléments
et
de
tels que
et
. On doit montrer que si
et
sont distincts,
ils sont alors
disjoints, et on va procéder par contraposition,
c'est-à-dire en montrant que
si
et
ne sont pas disjoints, ils sont égaux.
Supposons donc et
non disjoints.
L'objectif est de prouver que
, on va montrer successivement les
inclusions
et
.
Par l'hypothèse qu'on vient de faire, on peut prendre un
élément de
qui appartient
simultanément à
et à
.
Première inclusion :
Montrons tout d'abord que
.
Pour ce faire, prenons un
quelconque et prouvons que
.
Comme
, par définition d'une classe
d'équivalence, on obtient
. Comme
, on obtient de même
,
puis, grâce à
la symétrie de
, on obtient
. Comme
, on obtient enfin
. En mettant
bout à bout les trois
informations ainsi obtenues (
,
et
) et en jouant
deux fois sur la transitivité de
, on obtient alors que
,
c'est-à-dire que
.
Ceci prouve bien que
.
Deuxième inclusion :
L'astuce est ici classique, elle consiste à remarquer que nos
hypothèses (à
savoir que et
sont des classes d'équivalence, et
qu'elles ne sont pas
disjointes) sont symétriques en
et
. Dès lors, en échangeant
et
dans le morceau précédent de la preuve, on
obtient bien l'inclusion
.
Par double inclusion, on a donc .
Finalement, on a montré que si
,
alors
. La propriété
(ii) est prouvée. Ouf, c'était le plus gros morceau !
Vérification de (iii) : Soit un élément de
. Comme
est réflexive,
appartient à
, et de ce
fait on a bien trouvé un élément de
dont
est lui-même élément. C'est fini !