Anneaux et corps

Il s'agit ici simplement de rajouter un peu de vocabulaire pour pouvoir décrire les propriétés que possèdent les ensembles de nombres usuels. Le chapitre se limitera donc à quelques définitions.

Définition 24   Soit $ A$ un ensemble muni de deux opérations, notées $ +$ et $ \times$. On dit que $ A$ est un anneau lorsque les assertions (i) à (iv) sont vraies.

(i) Pour l'addition, $ A$ est un groupe commutatif.

(ii) La multiplication est associative.

(iii) La multiplication possède un élément neutre.

(iv) La multiplication est distributive par rapport à l'addition ; en d'autres termes, pour tous $ a$, $ b$ et $ c$ éléments de $ A$,

$\displaystyle (a+b)c=ac+bc,\qquad
c(a+b)=ca+cb.
$

L'archétype de l'anneau est l'ensemble $ \mathbb{Z}$ des entiers relatifs ; dans un anneau quelconque on peut calculer «comme» dans $ \mathbb{Z}$. Méfiance sur un seul point toutefois : la définition n'exigeant pas que la multiplication soit commutative, certaines formules peuvent être un peu plus perverses ; par exemple $ (a+b)^2$ se développe en $ a^2+ba+ab+b^2$, mais ne peut pas dans un anneau trop général être regroupé en $ a^2+2ab+b^2$ puisque $ ab$ n'a aucune raison d'être égal à $ ba$.

Voici un autre exemple.

Proposition 15   Soit $ E$ un espace vectoriel. L'ensemble des applications linéaires de $ E$ vers $ E$, noté $ {\mathcal L} (E)$, est un anneau pour l'addition et la composition.

Démonstration : Les propriétés d'«anneau» sont généralement évidentes à vérifier ; la plus intéressante est la distributivité, qui est liée à la linéarité, et que nous laissons gentiment au lecteur. Le neutre pour la composition est sans surprise l'application identique.$ \square$

Si on choisit pour espace vectoriel $ E=\mathbb{R}^{n}$ et que l'on représente les éléments de $ {\mathcal L} (E)$ par des matrices carrées, on obtient l'anneau $ {\cal M}_{n}(\mathbb{R})$ des matrices carrées de taille $ n\times n$ à coefficients réels.

Définition 25   Soit $ A$ un anneau et $ n\geqslant 1$ un entier. L'anneau des matrices carrées de taille $ n$ à coefficients dans $ A$, noté $ {\cal M}_{n}(A)$, est défini par les lois de composition suivantes. Si $ M=(a_{i,j})_{1\leqslant i,j\leqslant n}$ et $ N=(b_{i,j})_{1\leqslant i,j\leqslant n}$ sont deux éléments de $ {\cal M}_{n}(A)$,

$\displaystyle M+N=(a_{i,j}+b_{i,j})_{1\leqslant i,j\leqslant n},\quad
M\times N=(c_{i,j})_{1\leqslant i,j\leqslant n}
 $   avec$\displaystyle  c_{i,j}=\sum_{k=1}^{n}a_{i,k}b_{k,j}.
$

Le neutre de $ {\cal M}_{n}(A)$ pour l'addition est la matrice nulle, dont tous les coefficients valent le neutre de l'addition de $ A$. Le neutre de $ {\cal M}_{n}(A)$ pour la multiplication est la matrice identité, dont tous les coefficients valent le neutre de l'addition de $ A$ sauf ceux de la diagonale qui valent le neutre de la multiplication de $ A$.

Définition 26   Un anneau est dit commutatif quand sa multiplication est commutative.

Définition 27   Un anneau $ A$ est dit intègre lorsque :

(i) L'anneau $ A$ possède au moins deux éléments.

(ii) Pour tous $ a$ et $ b$ éléments non nuls de $ A$, $ ab\not=0$.


Une classe particulière d'anneaux est celle des anneaux tels que la deuxième loi (la multiplication) fournit aussi une structure de groupe (sur l'anneau privé de son zéro).

Définition 28   On dit qu'un anneau $ K$ est un corps commutatif lorsque :

(i) La multiplication est commutative.

(ii) L'anneau $ K$ possède au moins deux éléments.

(iii) Tout élément non nul de $ K$ possède un inverse pour la multiplication.

Les archétypes de corps commutatifs sont naturellement $ \mathbb{Q}$, ensemble des fractions, et, encore mieux connus des étudiants, $ \mathbb{R}$ et $ \mathbb{C}$. Un autre archétype, au moins aussi important malgré sa simplicité, est $ Z_{p}$ pour $ p$ premier. Nous avons déjà défini l'addition sur $ Z_p$. On définit une multiplication $ \otimes$, en convenant que $ i\otimes j$ est l'unique entier $ 0\leqslant k\leqslant n-1$ tel que $ ij-k$ est divisible par $ p$. On démontre facilement que $ (Z_{p},\oplus,\otimes)$ est un anneau pour tout entier $ p$, et que c'est un corps, si et seulement si $ p$ est premier. Ces corps servent entre autres en cryptographie. Le plus petit d'entre eux, $ Z_{2}$, peut être considéré comme la base de toute l'informatique : excusez du peu !


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