Ce procédé de stockage sera tout bonnement la définition même des
polynômes. Simplement, comme un polynôme peut en théorie être
de degré gigantesque, bien plus grand que les capacités de stockage de
toute machine, il faudra se résigner à stocker une infinité de
coefficients, dont seuls les premiers seront non nuls (la métaphore
technologique s'écroule alors) : ainsi notre polynôme-exemple sera
stocké comme
(puis encore une infinité de 0),
occupant inutilement une infinité de cases-mémoire.
Pour ce qui concerne la deuxième loi,
on doit tout d'abord vérifier que
est
bien une suite de
.
Avec les mêmes notations que pour l'addition,
pour tout indice
, dans le calcul de
On va ensuite vérifier que pour ces formules, est un
anneau commutatif. C'est peu engageant
et il n'y a guère d'astuces. Il faut calculer brutalement.
Commutativité
Soient
et
deux
éléments de
; notons
le produit de
par
. Alors pour tout
,
(en posant
) ; cette expression est bien celle
qu'on trouverait en faisant le produit dans
l'autre sens (en utilisant la commutativité de
).
Associativité
Soient
,
et
trois éléments de
; notons
le produit de
par
. Notons
le produit de
par
.
Pour
, calculons
On trouverait la même chose en calculant de la même façon le produit
de
par
.
Existence d'un élément neutre
La suite
est neutre pour cette multiplication.
Distributivité
Encore une vérification ennuyeuse, celle-là on va l'omettre.
On a bien vérifié que est un anneau commutatif.
On pourra décomposer un des deux polynômes,
par exemple , en somme de monômes, donc
,
et
, puis effectuer chacune
des multiplications de
par ces monômes, et enfin tout regrouper.
Une présentation claire, en
alignant les monômes de mêmes degrés,
est une condition nécessaire de calcul
sans erreurs.
Démonstration : Si ou
est nul, le résultat est évident.
Sinon, notons
le degré de
et
le degré de
puis
et
pour des
et
dans
. Si
, on peut alors écrire :
Remarque : Pour un anneau non intègre, on a encore une inégalité, mais cela ne semble pas indispensable à mémoriser (d'autant que la preuve en est très facile).
Démonstration : Essentiellement déjà faite.
Si ou
est nul, c'est évident ; sinon notons
le degré de
et
le degré de
puis
et
pour des
et
dans
. On a alors
Comme l'anneau a été supposé intègre, le produit
n'est pas nul, donc le degré de
est exactement égal à
.
Démonstration : Simple vérification évidente pour l'addition et ennuyeuse
pour la multiplication.
Démonstration : Simple vérification ; on pourrait aussi énoncer
qui est évident et
complète la collection d'évidences.
La notation n'a pas que des avantages : elle incite
hélas à confondre le polynôme
avec la
fonction qu'il n'est pas. Bien que la notation soit la
même, cette définition ne se confond
pas avec celle de valeur d'une application en un point.
La définition qui suit cherche à reproduire la notion de composition des fonctions (encore une fois, insistons sur le fait que les polynômes ne sont pas des fonctions). Elle est utilisée une seule fois plus loin, pour écrire la formule de Taylor relative aux polynômes.
Nous terminons cette section par quelques remarques d'algèbre
linéaire, valables uniquement dans
le cas où l'anneau commutatif des coefficients est un
corps
.
Tout d'abord,
est un espace vectoriel
sur
. Le plus simple est encore
de vérifier à la main la définition des espaces vectoriels,
ce que l'on va se garder de faire explicitement ici d'autant
que la démonstration sera faite dans
le chapitre Espaces vectoriels.
En fait, la définition de l'anneau des polynômes devrait évoquer le concept de base, avec son existence et unicité d'écriture comme une sorte de combinaison linéaire. La seule différence avec les vraies combinaisons linéaires est qu'on va chercher les vecteurs de «base» dans une famille infinie.
Quoi qu'il en soit,
est votre premier exemple
raisonnablement simple d'espace vectoriel ayant une
base infinie.
Toutefois, on est toujours plus à l'aise dans les
espaces de dimension finie. Il est donc
intéressant d'introduire la
Démonstration : On remarque que
est l'ensemble engendré
par
: c'est
donc un sous-espace vectoriel. De plus cette famille
génératrice est libre (soit par une vérification
directe, soit d'après
l'unicité de la décomposition de la
proposition 7), c'est donc une base de
.
La base
de
est aussi appelée sa base canonique.
Remarque : Le lecteur pourra avoir l'impression qu'on passe son temps
à définir de partout des «bases canoniques» : on en a vu pour
, puis pour les espaces de matrices, et maintenant pour les
polynômes. C'est fini pourtant. Insistons bien sur le fait qu'un
espace «abstrait» n'a pas de base canonique : le mot est
réservé à certaines bases, remarquables par leur
simplicité, d'espaces très particuliers.
Le lemme qui suit servira pour prouver la formule de Taylor et est une redite du chapitre Espaces vectoriels. Un énoncé séparé n'était donc peut-être pas nécessaire mais, même si ce n'est pas indispensable, cela ne peut faire de mal de le connaître ; le plus important étant de comprendre et savoir refaire sa brève démonstration.
Démonstration : La famille est libre, car il résulte de l'hypothèse
que
n'est pas nul. Puis le système
est
libre puisque
, de degré strictement plus grand que
, ne
peut lui être proportionnel. Puis
est libre, puisque
toute combinaison linéaire de
est de degré inférieur ou
égal à
donc
ne peut en être une. Et ainsi de
suite (ou plus proprement on fait une récurrence sur
).