L'objectif principal de cette section est
le théorème de décomposition en
éléments simples,
utilisé notamment pour le calcul des primitives de
fractions rationnelles, et qui est un peu indigeste.
Démonstration : Preuve de l'existence
Dans un premier temps, on va considérer les polynômes :
Chaque reprend les facteurs de la décomposition de
à l'exception de
et
.
Un éventuel diviseur irréductible unitaire commun à
tous ces polynômes doit diviser ; ce doit donc être un
des polynômes avec . Mais ne divise pas , ne
divise pas , et ce jusqu'à qui ne divise pas .
Les polynômes , ..., ne possèdent donc aucun diviseur
irréductible unitaire commun ; cela entraîne
qu'ils sont premiers entre eux.
On peut donc écrire une identité de Bézout :
il existe des polynômes , ..., de
,
tels que
Multiplions cette identité par
;
on obtient :
donc
En notant , ..., les divers
numérateurs qui interviennent dans la dernière formule, on a
donc réussi à écrire :
On va alors manipuler successivement chacun
des termes de cette addition. Fixons un avec
et travaillons l'expression
On commence par faire la division euclidienne
de par , en notant judicieusement le
quotient et le reste :
En reportant cette division euclidienne en
lieu et place de on a réécrit :
On recommence une division euclidienne, cette fois-ci de
par , en notant toujours opportunément quotient et reste :
et on reporte de nouveau dans l'expression la plus fraîche de
; on obtient :
On recommence jusqu'à ne plus pouvoir recommencer,
ce qui donne finalement une expression :
Il n'y a plus qu'à regrouper toutes ces expressions et à noter
pour avoir terminé la preuve d'existence.
Preuve de l'unicité
On l'écrira (peut-être) une prochaine fois,
elle n'est pas spécialement amusante.
Contrairement à la preuve d'existence,
il n'y a guère d'idées, seulement des décomptes de degrés. Pour comprendre cette décomposition, le mieux est d'examiner sa
forme sur un cas particulier, rassemblant les différentes
situations. Voici deux polynômes et dans
avec non nul, qui
définissent donc
une fraction rationnelle dans
, et
la décomposition de dans
.
On choisit
Alors,
où les lettres de jusqu'à désignent des réels à
déterminer. La théorie assure que ces réels existent et sont
uniques. Il suffirait donc de réduire tous les éléments simples
au même dénominateur, et d'identifier les numérateurs
pour obtenir autant d'équations que d'inconnues (14 dans notre
cas). Ce n'est pas ainsi qu'on procède en pratique. On utilise
plusieurs techniques de manière à déterminer le plus de
coefficients possibles par des équations simples. Voici ces
techniques.
Pour la partie polynomiale
Celle-ci est non nulle seulement
dans le cas où le degré du numérateur est supérieur ou égal
au degré du dénominateur. Dans ce cas le polynôme cherché, que
l'on appelle la partie entière, est
le quotient de la division euclidienne de par :
où le reste est de degré strictement
inférieur au degré de .
Dans notre exemple, .
Il faut s'assurer auparavant que la fraction est bien irréductible,
et la simplifier éventuellement si elle ne l'était pas.
Pour les termes en
Si on multiplie les deux membres de la décomposition par
, la racine disparaît. On peut donc
remplacer par , ce qui annule tous les termes de la
décomposition sauf un. Il reste à
gauche une certaine valeur, que l'on calcule en général facilement.
Dans notre exemple, si on multiplie les deux membres par , et
qu'on remplace par , on
trouve :
soit
.
Pour les termes en
On procède de même, en remplaçant par
une des racines complexes du trinôme. Dans notre cas, on multiplie
les deux membres par , et on remplace par
. On trouve :
On identifie alors la partie réelle et la partie imaginaire :
et
.
Pour les autres termes
Il faut chercher les équations les plus simples possibles, en
prenant des valeurs particulières pour , qui ne soient pas des
racines du dénominateur (, , etc...).
On peut aussi
penser à faire tendre vers l'infini. On n'a recours à une
réduction au même dénominateur avec identification des
coefficients qu'en dernier ressort.
Voici un exemple plus simple, sur lequel nous allons détailler tous
les calculs.
Il s'agit de décomposer en éléments simples la fraction rationnelle
Le numérateur et le dénominateur sont premiers entre eux, la
fraction est bien irréductible.
Sa décomposition en éléments simples dans
a la forme suivante.
où les lettres de jusqu'à désignent des réels à déterminer.
La division euclidienne du numérateur par le dénominateur donne :
Donc , , et :
On peut désormais ne travailler que sur la partie restante, à
savoir :
On multiplie les deux membres par , et on remplace par
. On trouve
.
On multiplie ensuite les deux membres par
, et on
remplace par
. On trouve
. En identifiant les parties réelles et
imaginaires, on trouve
et
. La solution de ce système
de deux équations à deux inconnues est
et
.
On peut ensuite remplacer par
, et identifier partie réelle et
partie imaginaire. On trouve
et
.
Une fois tout cela fait, il est bon de vérifier les calculs,
en utilisant une ou plusieurs valeurs
particulières.
Ainsi,
- pour , ,
- pour ,
,
- après avoir enlevé la partie entière, si on
multiplie les deux membres par et qu'on fait tendre vers
: .
Voici donc la décomposition dans
.
La décomposition dans
a une forme différente. Nous notons
encore
, de sorte que et
sont les deux racines de .
A priori, les lettres de jusqu'à désignent des nombres
complexes, mais le fait que la
fraction initiale ait tous ses coefficients réels simplifie quelque
peu le problème : la décomposition ne doit pas changer si on prend
le conjugué des deux membres. L'unicité de cette décomposition
entraîne :
Les techniques de décomposition utilisées dans
restent
valables. On trouve donc encore :
Nous laissons au lecteur le plaisir de calculer les autres
coefficients. La décomposition dans
est la suivante :
© UJF Grenoble, 2011
Mentions légales