Il ne s'agit pas de proposer ici une théorie du raisonnement
mathématique. Nous allons simplement donner quelques exemples de
démonstrations, pour illustrer trois types de raisonnements : par
contraposée, par l'absurde et par récurrence.
Raisonnement par contraposée
Il consiste, plutôt que de
démontrer l'implication
, à démontrer sa
contraposée
. Il est difficile de
donner une règle générale d'utilisation de ce raisonnement. Un
bon conseil avant de se lancer dans la démonstration d'une
implication, est d'écrire d'abord sa contraposée. Avec un peu
d'expérience, on arrive vite à sentir laquelle des deux est la
plus facile à démontrer.
Si le résultat désiré est , on cherche les
conséquences de pour arriver aux bonnes hypothèses. Notre
premier exemple est un résultat facile, mais très utile.
Proposition 9
Soit un nombre réel tel que pour tout
,
. Alors
.
Démonstration : Nous devons démontrer l'implication :
Ecrivons sa contraposée :
«Si est strictement positif, alors il existe
tel que
». C'est vrai : il suffit de choisir
.
Comme deuxième exemple, nous allons reprendre un des points de la
démonstration du théorème 3.
Proposition 10
Soit une relation d'équivalence sur un ensemble
. Soient et deux éléments de qui ne sont pas
reliés. Alors l'intersection des deux classes d'équivalence de
et est vide.
Démonstration : L'implication que nous devons démontrer s'écrit formellement :
Sa contraposée est :
Soit un élément de
(il y
en a au moins un car l'intersection est non vide. Par définition des
classes d'équivalence, est relié à , et est relié
à . Par transitivité, est relié à .
Raisonnement par l'absurde
Il consiste à démontrer une
assertion en vérifiant que sa négation conduit à une
contradiction avec les hypothèses. Dans certains cas il se distingue
mal du raisonnement par contraposée : si désigne la
conjonction des hypothèses et la conclusion, nier et aboutir
à une contradiction, revient à démontrer à partir de
, ce qui est la contraposée de
.
Notre premier exemple est dû à Euclide.
Démonstration : Supposons qu'il n'en existe qu'un nombre fini, et soit le
plus grand d'entre eux.
Considérons le nombre . Il est strictement
supérieur à , donc il n'est pas premier, par définition de
.
Si on effectue la division euclidienne de
par un nombre quelconque entre 2 et , le reste est , par
définition de la factorielle (produit de tous les entiers de 1 à
). Donc le nombre n'est divisible par aucun nombre
entre et donc par aucun nombre premier : il est donc premier,
d'où la contradiction.
Voici un autre résultat classique.
Proposition 12
Le nombre est irrationnel.
Démonstration : Un nombre rationnel est le quotient de deux entiers ; un nombre
irrationnel n'est pas rationnel. Nous devons donc démontrer que
n'est pas le quotient de deux entiers. Supposons le
contraire : il existe deux entiers et tels que
. Quitte à simplifier la fraction, nous pouvons
supposer que et n'ont pas de facteur commun.
Multiplions par et élevons au carré :
Le nombre est pair, donc est également pair. Mais si
est pair, alors est multiple de . Donc est
multiple de , donc est pair. Mais alors est un facteur
commun à et , ce qui est une contradiction.
Pour notre troisième exemple, nous revenons encore une fois sur :
Deux classes d'équivalence sont égales ou bien disjointes.
Comparez la démonstration qui suit avec celle du théorème
3 et de la proposition 10.
Démonstration : L'assertion est l'hypothèse :
est une relation d'équivalence.
L'assertion est la conclusion, que l'on peut
écrire de manière formelle comme suit.
La négation de s'écrit :
Soit encore : il existe deux éléments et tels que les
classes
et
ne soient ni égales ni
disjointes. Si c'est le cas, il existe un élément qui est dans
l'une et pas dans l'autre, et un élément qui est dans les
deux. Supposons que soit dans
, mais pas dans
. Donc
, donc
, car
est symétrique. Mais aussi
et
car
appartient aux deux classes de et . Donc puisque
est transitive,
. Donc est
dans la classe de , ce qui est une contradiction.
Raisonnement par récurrence
Pour démontrer qu'une
assertion dépendant d'un entier est vraie pour tout
, on démontre :
- «initialisation »,
-
«hérédité».
L'assertion est l'hypothèse de récurrence.
Il peut se faire qu'elle ne soit vraie que pour
ou
, auquel cas, on la démontre
pour la plus petite valeur pour laquelle elle est vraie.
Voici la démonstration d'une formule à connaître :
Proposition 13
Pour tout entier
,
la somme des entiers de 1 à vaut .
Démonstration : L'hypothèse de récurrence est :
- Initialisation.
Pour :
- Hérédité.
Soit un entier quelconque.
Supposons que est vraie. Ecrivons :
En appliquant , on obtient
Le membre de droite s'écrit
Nous avons donc démontré que
c'est-à-dire que est vraie.
On peut être amené, pour démontrer à utiliser
pour
, ce qui ne change rien au principe de
la récurrence.
Pour deviner quelle est la bonne hypothèse , on doit souvent
essayer plusieurs valeurs successives de : , puis
, ,... C'est parfaitement inutile pour la
démonstration. Attention, ce n'est pas parce qu'une propriété
est vraie pour quelques valeurs de qu'elle est vraie pour tout
. Voici deux exemples.
- Les nombres , , ,...,
sont tous
premiers. Mais
ne l'est pas.
- Pour toutes les valeurs de allant de 0 à , le
nombre est premier. Mais le nombre
ne
l'est pas.
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