On peut voir le langage mathématique comme un jeu de construction,
dont le but est de fabriquer des énoncés vrais. La règle de base
de ce jeu est qu'un énoncé mathématique ne peut être que
vrai ou faux. Il ne peut pas être «presque vrai» ou «à moitié
faux». Une des contraintes sera donc d'éviter toute
ambiguïté et chaque mot devra avoir un sens mathématique précis.
Selon le cas, un énoncé mathématique
pourra porter des noms différents.
- assertion : c'est le terme que nous utiliserons le plus
souvent pour désigner une affirmation dont on peut dire si elle est
vraie ou fausse.
- théorème : c'est un résultat important, dont on
démontre ou on admet qu'il est vrai, et qui doit être connu par
cur.
- proposition : nous utiliserons ce terme
pour désigner un
résultat démontré, moins important qu'un théorème.
- lemme : c'est un résultat démontré, qui constitue une
étape dans la démonstration d'un théorème.
- corollaire : c'est une conséquence facile d'un théorème
ou d'une proposition.
Dans ce cours les démonstrations se terminent par un carré blanc,
plutôt que par le célèbre CQFD («ce qu'il fallait démontrer»).
Pour écrire formellement des énoncés mathématiques,
on utilise des lettres représentant des concepts (nombres, ensembles,
fonctions, vecteurs, matrices, polynômes...) avec des symboles
logiques et des relations.
Le but de ce chapitre étant d'illustrer la manipulation du langage,
il ne comportera aucune difficulté mathématique. Nous en resterons
à des énoncés très simples, que l'on prendra soin de toujours
traduire en langage courant pour bien les comprendre.
Dans ce qui suit les lettres et désignent des entiers naturels
(
). Nous n'utiliserons que les
symboles de comparaison (
) et de divisibilité
(). Rappelons que (« divise ») si est égal au
produit pour un certain entier .
|
l'entier est strictement inférieur à 5 |
|
l'entier est supérieur ou égal à 3 |
|
l'entier divise 12 |
|
l'entier est divisible par 2 (il est pair) |
Pour combiner entre elles des assertions, on utilise les connecteurs
de base suivants :
- la négation («non»), notée
- la conjonction («et»), notée
- la disjonction («ou»), notée .
Le tableau suivant est une table de vérité. Il
décrit l'effet des connecteurs
sur deux assertions et , selon qu'elles
sont vraies () ou fausses (), en disant dans chacun des 4 cas si
l'assertion composée est elle-même vraie ou fausse.
Le «ou» est toujours inclusif :
ou
signifie que l'une au moins des deux assertions est
vraie (peut-être les deux).
Par opposition, le «ou exclusif» est vrai quand l'une des deux assertions
est vraie mais pas les deux.
Voici quelques assertions composées et leur traduction.
|
l'entier n'est pas strictement inférieur à 5. |
|
l'entier est strictement inférieur à
5 et divisible par 2. |
|
l'entier est divisible par 2 ou par 3. |
Observez l'usage des parenthèses qui permettent d'isoler des
assertions simples au sein d'une assertion composée.
À partir des connecteurs de base, on en fabrique d'autres, dont les
plus importants sont l'implication et l'équivalence.
Par définition, l'implication
est vraie soit si
est fausse soit si et sont vraies toutes les
deux. L'écriture
est donc une notation pour
(«non ou »).
L'équivalence
est une
double implication :
(« implique et implique »).
Voici les tables de vérité des implications et de l'équivalence
entre deux assertions et .
Constatez que l'équivalence
est vraie quand
et sont toutes les deux vraies, ou bien toutes les deux fausses.
L'implication et l'équivalence sont les
outils de base du raisonnement mathématique. Il
est essentiel de bien les assimiler, et de comprendre toutes leurs
formulations.
|
implique |
entraîne |
si est vrai alors est vrai |
est vrai si est vrai |
est vrai seulement si est vrai |
pour que soit vrai il suffit que le soit |
est une condition suffisante pour |
pour que soit vrai il faut que le soit |
est une condition nécessaire pour |
Pour bien comprendre l'implication, reprenez chacune des formulations en
remplaçant par «» et par «».
|
est équivalent à |
équivaut à |
entraîne et réciproquement |
si est vrai alors est vrai et réciproquement |
est vrai si et seulement si est vrai |
pour que soit vrai il faut et il suffit que le soit |
est une condition nécessaire et suffisante pour |
Pour bien comprendre l'équivalence, reprenez chacune des formulations en
remplaçant par «
» et par «».
Les principales propriétés des connecteurs sont
résumées dans le théorème suivant.
Il est conseillé de remplacer , et par des
assertions sur les nombres entiers pour bien comprendre les
énoncés de ce théorème (par
exemple par
, par , par ).
Démonstration : Pour démontrer l'équivalence de deux assertions,
nous n'avons pas d'autre moyen pour
l'instant que de vérifier que leurs tables de vérité coïncident : les deux assertions sont équivalentes si elles sont
toujours soit toutes les deux vraies soit toutes les deux fausses.
Voici la vérification pour (5).
L'équivalence est vraie car dans la table ci-dessous, les colonnes
correspondant aux deux assertions sont identiques.
Nous laissons au lecteur le soin de vérifier de même chacune des
autres équivalences.
Rares sont les démonstrations mathématiques qui utilisent
explicitement les tables de vérité. Une démonstration typique
est un enchaînement d'implications ou
d'équivalences, partant des hypothèses pour aboutir à la
conclusion. Ces enchaînements utilisent la
transitivité de l'implication et
de l'équivalence.
On en déduit facilement la transitivité de l'équivalence :
Démonstration : Nous utilisons (une dernière fois) les tables de vérité, pour
vérifier que quelles que soient les valeurs de vérité de ,
et , l'implication (10) est vraie.
Notons
- l'assertion
,
- l'assertion
,
- l'assertion
.
Nous utiliserons des enchaînements d'équivalences pour
démontrer le résultat suivant, qui décrit le
comportement de l'implication par
rapport à la négation.
Démonstration : Nous pourrions démontrer ces équivalences directement à l'aide
des tables de vérité (nous conseillons au lecteur de le
faire).
Nous allons plutôt les déduire du théorème
1. Voici la
démonstration de la première équivalence.
Voici la
démonstration de la seconde équivalence.
L'équivalence (11) est la méthode
habituelle que l'on utilise pour démontrer qu'une implication est
fausse : il suffit d'exhiber une situation où est vraie et
fausse pour infirmer l'implication
. Par exemple,
l'implication «
» est fausse, car
on peut trouver un entier tel que
soit vrai et
soit faux : 2 est inférieur ou égal à 3 mais ne divise pas 3.
On appelle cela «trouver un contre-exemple».
L'équivalence (12) est aussi une
technique de démonstration classique. L'implication
«
»
(«non implique non ») s'appelle la contraposée de
l'implication
.
Par exemple, la contraposée de «
» est
«
».
Il est parfois plus facile pour
démontrer une implication de démontrer sa contraposée, nous y
reviendrons.
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