Combien y a-t-il d'entiers naturels, de rationnels, de réels ? Une
infinité bien sûr. Mais l'infinité des réels est plus grande
que l'infinité des rationnels. Pour donner un sens à cette
affirmation, il faut d'abord définir ce qu'est un ensemble
dénombrable.
Définition 12
Un ensemble infini est dit dénombrable s'il existe une application
injective de cet ensemble vers
.
Il peut paraître paradoxal que
soit dénombrable. C'est
pourtant le cas, car il existe une application injective de
vers
(à un rationnel on associe le couple ),
et une application bijective de
dans
: on compte
les éléments de
, en commençant par ,
puis
, puis
, ... Plus généralement, on démontre
que le produit et la réunion de deux ensembles dénombrables sont
eux-mêmes dénombrables.
Théorème 4
L'ensemble des réels n'est pas dénombrable.
Démonstration : Nous allons démontrer par l'absurde que l'intervalle n'est pas
dénombrable. Supposons que l'on puisse compter les éléments de
, donc les mettre en bijection avec
. Nous aurions
. À l'élément , nous associons un
développement décimal :
où les sont des entiers compris entre 0 et . Pour
tout , fixons
, tel que
.
Considérons le réel dont le développement décimal est
Ce réel est différent de pour tout , par construction. Il
n'a donc pas pu être compté.
(Ce principe de démonstration s'appelle le procédé diagonal
de Cantor).
Il y a plus de réels que de rationnels, et donc plus
d'irrationnels que de rationnels. Parmi les irrationnels, on distingue
ceux qui sont solutions d'une équation polynomiale
à coefficients entiers, comme : on les appelle les
nombres algébriques. Ils semblent former une grosse
masse. Pourtant il n'y a pas plus de polynômes à coefficients
entiers que d'entiers : l'ensemble des nombres algébriques est lui
aussi dénombrable. Les nombres qui ne sont pas algébriques (on les
appelle «transcendants») forment l'essentiel des réels. Pourtant il est
extrêmement difficile de démontrer qu'un réel particulier est
transcendant. C'est une des victoires du XIXe siècle que de
l'avoir fait pour et
.
Existe-t-il des ensembles «intermédiaires» entre
et
,
qui seraient non dénombrables, sans pourtant être en bijection
avec
? C'est le premier des 23 problèmes posés par Hilbert
en 1900. On a longtemps essayé d'en construire, ou de
démontrer qu'il n'en existe pas, avant de s'apercevoir finalement
que c'est une assertion indécidable : on peut la supposer vraie,
ou bien fausse, sans jamais aboutir à une contradiction. Elle
s'appelle «l'hypothèse du continu».
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