Platon (428-348 av. J.-C.), La République
Tu n'ignores pas, je pense, que ceux qui s'occupent de géométrie, d'arithmétique et autres sciences du même genre, supposent le pair et l'impair, les figures, trois espèces d'angles et autres choses analogues suivant l'objet de leur recherche : qu'ils les traitent comme choses connues, et que quand ils en ont fait des hypothèses, ils estiment qu'ils n'ont plus à en rendre aucun compte ni à eux-mêmes ni aux autres, attendu qu'elles sont évidentes à tous les esprits ; qu'enfin, partant de ces hypothèses et passant par tous les échelons, ils aboutissent par voie de conséquences à la démonstration qu'ils s'étaient mis en tête de chercher.Gerbert d'Aurillac (945?-1003), Pape Sylvestre II en l'an mil
Je vous invite à entrer dans ce paradis terrestre qu'est la contemplation des causes. Ce qu'on peut faire au moyen de cette magie que les Perses nomment sagesse, les juifs kabbale, les Grecs philosophie, les Pythagoriciens science des nombres formels et les Platoniciens souverain remède qui donne à l'âme une parfaite tranquillité par la vertu qu'il a de joindre les effets, passifs, aux vertus, agentes. Cette magie n'est autre que la philosophie naturelle, c'est-à-dire l'étude des lois qui régissent la nature[...]
Si vous n'étiez pas fermement convaincu que la science des nombres contient en elle ou produit, comme une source, les prémisses de toutes choses, vous ne montreriez pas tant d'ardeur à en prendre une connaissance entière et approfondie[...]Galilée (1564-1642), L'Essayeur
La philosophie est écrite dans ce très vaste livre qui est éternellement ouvert devant nos yeux - je veux dire l'Univers - mais on ne peut le lire avant d'avoir appris la langue et s'être familiarisé avec les caractères dans lesquels elle est écrite. Elle est écrite en langue mathématique et ses lettres sont des triangles, des cercles et d'autres figures géométriques, moyens sans lesquels il est humainement impossible de comprendre un seul mot, sans lesquels on erre en vain dans un obscur labyrinthe.Descartes (1596-1650), Discours de la méthode
Ces longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m'avaient donné occasion de m'imaginer que toutes les choses, qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes, s'entre-suivent en même façon, et que, pourvu seulement qu'on s'abstienne d'en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu'on garde toujours l'ordre qu'il faut pour les déduire les unes des autres, il n'y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu'on ne découvre. Et je ne fus pas beaucoup en peine de chercher par lesquelles il était besoin de commencer : car je savais déjà que c'était par les plus simples et les plus aisées à connaître ; et considérant qu'entre tous ceux qui ont ci-devant recherché la vérité dans les sciences, il n'y a eu que les seuls mathématiciens qui ont pu trouver quelques démonstrations, c'est-à-dire quelques raisons certaines et évidentes, je ne doutais point que ce ne fût par les mêmes qu'ils ont examinées ; bien que je n'en espérasse aucune autre utilité, sinon qu'elles accoutumeraient mon esprit à se repaître de vérités et ne se point contenter de fausses raisons.Pascal (1623-1662), De l'esprit géométrique
Je ne puis faire entendre la conduite qu'on doit garder pour rendre les démonstrations convaincantes, qu'en expliquant celle que la géométrie observe, et je n'ai choisi cette science pour y arriver que parce qu'elle seule sait les véritables règles du raisonnement, et, sans s'arrêter aux règles des syllogismes qui sont tellement naturelles qu'on ne peut les ignorer, s'arrête et se fonde sur la véritable méthode de conduire le raisonnement en toutes choses, que presque tout le monde ignore, et qu'il est si avantageux de savoir, que nous voyons par expérience qu'entre esprits égaux et toutes choses pareilles, celui qui a de la géométrie l'emporte et acquiert une vigueur toute nouvelle.
Je veux donc faire entendre ce que c'est que démonstrations par l'exemple de celles de géométrie, qui est presque la seule des sciences humaines qui en produise d'infaillibles, parce qu'elle seule observe la véritable méthode, au lieu que toutes les autres sont par une nécessité naturelle dans quelque sorte de confusion que seuls les géomètres savent extrêmement connaître.Condillac (1715-1780), La langue des calculs
L'algèbre est une langue bien faite, et c'est la seule : rien n'y paraît arbitraire. L'analogie qui n'échappe jamais, conduit sensiblement d'expression en expression. L'usage n'a ici aucune autorité. Il ne s'agit pas de parler comme les autres, il faut parler d'après la plus grande analogie pour arriver à la plus grande précision ; et ceux qui ont fait cette langue, ont senti que la simplicité du style en fait toute l'élégance : vérité peu connue dans nos langues vulgaires.