Pourquoi définir la continuité ?

Les notions de limites, de continuité, de droite réelle même, n'ont eu de définition rigoureuse que longtemps après avoir été introduites et appliquées. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les mathématiciens ont commencé à refuser de se satisfaire de ce qui, jusqu'alors, apparaissait comme des évidences de nature géométrique. Voici ce qu'en dit Julius Dedekind (1831-1877) dans la préface de son ouvrage «Continuité et nombres rationnels»  en 1872.
Les considérations qui font l'objet de ce court essai datent de l'automne 1858. Je me trouvai alors, en tant que professeur à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich, obligé pour la première fois d'exposer les éléments du calcul différentiel et je ressentis à cette occasion, plus vivement encore qu'auparavant, combien l'arithmétique manque d'un fondement véritablement scientifique. À propos du concept d'une grandeur variable qui tend vers une limite fixe, et notamment pour prouver le théorème que toute grandeur qui croît constamment, mais non au-delà de toute limite, doit nécessairement tendre vers une valeur limite, je cherchai refuge dans les évidences géométriques. Maintenant encore, admettre ainsi l'intuition géométrique dans le premier enseignement du calcul différentiel me semble, du point de vue didactique, extraordinairement utile, indispensable même, si l'on ne veut pas perdre trop de temps. Mais, personne ne le niera, cette façon d'introduire au calcul différentiel, ne peut aucunement prétendre avoir un caractère scientifique. Mon sentiment d'insatisfaction était alors si puissant que je pris la ferme décision de réfléchir jusqu'à ce que j'aie trouvé un fondement purement arithmétique et parfaitement rigoureux des principes de l'analyse infinitésimale.

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