Pendant des siècles, les Éléments d'Euclide ont été le livre de référence en géométrie. Ce traité, écrit vers 300 avant J.-C., constitue la première tentative connue d'une présentation axiomatique de la géométrie. Toutes les constructions y sont effectuées à la règle et au compas et les problèmes de construction à la règle et au compas sont restés longtemps au cur des problèmes de la géométrie classique, en raison non seulement de la simplicité de ces instruments, mais aussi de la pureté mathématique des objets qu'ils permettent de construire, les droites et les cercles.
Très vite cependant, les grecs se sont aperçus de la difficulté de tracer certaines figures au seul moyen de ces seuls instruments. Trois problèmes classiques de la géométrie grecque sont ainsi restés célèbres : celui de la quadrature du cercle, dont le nom est passé dans le langage courant pour désigner une tâche impossible, celui de la duplication du cube, et celui de la trisection de l'angle.
Le premier consiste à construire un carré de même aire qu'un disque donné (autrement dit à construire le nombre ), le second à construire l'arête d'un cube de volume double d'un cube donné (autrement dit à construire le nombre ), et le dernier à diviser en trois angles égaux un angle donné, toutes ces constructions devant s'effectuer à la règle et au compas seuls.
Précisons ce qu'on entend par construction à la règle et au compas : il s'agir de construire, à partir d'un certain nombre de points donnés, d'autres points au moyen d'une règle non graduée et d'un compas fixe (il est impossible de reporter des distances au moyen d'un tel compas, la seule opération possible est de tracer un cercle de centre déjà construit passant par un point déjà construit).
Un autre problème classique est celui de la construction des polygones réguliers. Il est facile de construire à la règle et au compas un triangle équilatéral ou un carré, et, par suite, les polygones réguliers à , , , , ...côtés (comme la construction des bissectrices se fait aisément à la règle et au compas, si on sait construire un polygone régulier à côtés, on sait construire les polygones réguliers à côtés pour tout entier ). Pour le pentagone régulier, c'est un peu plus difficile, mais la construction figurait déjà dans les Éléments. Le problème de la construction de l'heptagone (polygone régulier à côtés) a tenu longtemps les géomètres en échec et les grecs avaient sans doute déjà pressenti l'impossibilité de sa construction.
Mais la démonstration de l'impossibilité de ces constructions nécessitait l'introduction d'outils mathématiques nouveaux, des outils issus de l'algèbre, en particulier la théorie des corps, outils qui ne se sont développés qu'au début du XIXième siècle.
Il fallut en effet attendre plus de vingt siècles pour que C. F. Gauss (1777-1855) démontre, en 1796, alors qu'il était âgé de 18 ans et encore étudiant à l'Université de Göttingen, que l'on pouvait construire à la règle et au compas un polygone régulier à 17 côtés. Quelques années à peine plus tard, en 1801, il énonce dans son livre Disquisitiones Arithmeticae le théorème suivant :
(Un nombre premier est dit de Fermat s'il est de la forme pour un entier . On montre assez facilement qu'alors doit être une puissance de 2, mais tous les nombres de la forme ne sont pas premiers. En fait les seuls nombres de Fermat premiers connus sont 3, 5, 17, 257 et 65 537, correspondant à .)
En fait, Gauss démontre seulement que la condition énoncée est suffisante et conjecture qu'elle est nécessaire. C'est P.-L. Wantzel (1814-1848) qui en a démontré la nécessité en 1827, alors qu'il était encore élève-ingénieur des Ponts et Chaussées. C'est pourquoi ce théorème est connu sous le nom de théorème de Gauss-Wantzel.
Il en découle immédiatement qu'il n'est pas possible de construire à la règle et au compas un polygone régulier à côtés, et donc de trisecter un angle de , d'où :
Pour le problème de la quadrature du cercle, il faudra attendre la démonstration en 1882 de la transcendance de par F. von Lindemann (1852-1939) pour en démontrer l'impossibilité. Un nombre est dit algébrique s'il est racine d'une équation polynomiale à coefficients entiers, transcendant sinon. Tous les nombres constructibles à la règle et au compas sont algébriques, et si était algébrique, le serait aussi, ce qui démontre l'impossibilité de la quadrature du cercle.
Constatant (sans savoir la démontrer) l'impossibilité de certaines de ces constructions, les grecs avaient essayé de contourner le problème en autorisant d'autres instruments que la règle et le compas, en particulier l'utilisation de courbes auxiliaires tracées, soit point par point, soit mécaniquement.
À l'opposé, on peut se demander lesquelles de ces constructions restent possibles à l'aide, soit du compas seul, soit de la règle seule.
Pour le compas, la réponse est simple :
Ce théorème, démontré en 1797 par l'italien L. Mascheroni (1750-1800) dans son livre Geometria del Compasso, est aujourd'hui appelé théorème de Mohr-Mascheroni. On a en effet découvert depuis que les résultats de Mascheroni avaient été largement anticipés dans un livre publié en 1672 à Amsterdam par le mathématicien danois G. Mohr (1640-1697) et intitulé Euclides Danicus.
Démontrer la possibilité d'une telle construction est une chose, la réaliser en pratique n'est pas forcément aussi simple (essayez déjà de construire par vous-mêmes au compas seul le milieu d'un segment ...). On attribue souvent à Napoléon le problème de construire au compas seul le centre d'un cercle donné.
Quant aux constructions à la règle seule, on constate immédiatement qu'il n'est pas possible de construire grand-chose si on ne se donne pas un nombre suffisant de points au départ (si on part des seuls sommets d'un triangle, on ne peut pas construire d'autres points). On démontre en fait le résultat suivant :
Pour aller plus loin, il faut se donner plus de points au départ. On a en particulier le théorème de Poncelet-Steiner :