THÉORÈME 7. Si nous poussons jusqu'à l'infini la continuation des fractions
dont les numérateurs sont tous les entiers premiers et les dénominateurs sont les mêmes moins une unité, le résultat est le même que la somme de la série
qui est certainement infinie.La «démonstration» est un concentré d'audace eulérienne.
DÉMONSTRATION : Si nous avons
alors nous aurons
qui soustraite de la première nous donnera
série où aucun dénominateur n'est pair. De celle-là, nous soustrayons encore la série suivante
et nous aurons
où parmi les dénominateurs nous n'en trouvons aucun divisible soit par soit par . Afin d'ôter les nombres divisibles par , nous soustrayons la série suivante.
et nous aurons
Et procédant de la même manière, soustrayant tous les termes divisibles d'abord par , puis par , puis par tous les nombres premiers, nous aurons finalement
Puisque
nous avons
expression dont les numérateurs constituent la suite des nombres premiers et les dénominateurs sont les mêmes moins une unité. Q. E. D.Dans le théorème 8 Euler généralise avec le même type d'argument, mais cette fois ci les valeurs sont finies.
THÉORÈME 8. L'expression formée à partir de la suite des nombres premiers
a la même valeur que la somme de la série
Au fait, pourquoi Euler avait-il commencé dans son mémoire par le cas ? Les corollaires de son théorème 7 montrent ce qu'il avait derrière la tête.
COROLLAIRE 1. Ainsi la valeur de l'expression
est infinie et si nous notons l'infinité absolue , la valeur de cette expression est qui est le minimum parmi toutes les puissances de l'infini.(Euler veut parler de , vous l'aurez compris !) Dans la foulée, il revisite le théorème d'Euclide.
COROLLAIRE 2. Comme l'expression
a une valeur finie qui est , il s'ensuit que les nombres premiers sont infiniment plus nombreux que les carrés dans la suite de tous les nombres.D'accord, il y a une infinité de nombres premiers, mais quelle infinité ?
COROLLAIRE 3. Également à partir de là, il est également vrai que les nombres premiers sont infiniment moins nombreux que les nombres entiers, puisque l'expression
est infinie, et que la valeur analogue pour des nombres premiers est le logarithme de cette valeur.Comparez avec son théorème 19.
THÉORÈME 19. La somme des réciproques des nombres premiers,
est infinie, mais elle est infiniment moindre que la somme de la série harmonique
car la première est comme le logarithme de la seconde.Le «théorème de raréfaction des nombres premiers», pressenti par Euler, n'a été correctement conjecturé (par Gauss et Legendre) qu'à la fin du XVIIIe, et démontré rigoureusement (par Hadamard et de la Vallée Poussin) qu'à la fin du XIXe.
Il serait à désirer, sans doute, que l'on eût une démonstration rigoureuse de cette proposition ; néanmoins j'ai laissé cette recherche de côté pour le moment après quelques rapides essais infructueux, car elle paraît superflue dans le but de notre étude.En 2004 Gourdon et Demichel ont calculé dix mille milliards de zéros de la fonction zéta ; ils sont tous de partie réelle . Personne ne doute vraiment que l'«hypothèse de Riemann» soit exacte, mais elle n'est toujours pas démontrée. André Weil (1906-1998) a dit :
Quand j'étais jeune, j'espérais démontrer l'hypothèse de Riemann. Quand je suis devenu un peu plus vieux, j'ai encore eu l'espoir de pouvoir lire et comprendre une démonstration de l'hypothèse de Riemann. Maintenant, je me contenterais bien d'apprendre qu'il en existe une démonstration.Le problème est inclus dans la liste des «problèmes du millénaire» et une prime d'un million de dollars est offert à celui qui trouvera la solution. Alors vous qui êtes jeunes...