Equations linéaires sans second membre

Cette section est consacrée à la résolution d'équations du type suivant :

$\displaystyle y'(t) = a(t) y(t)\;.$ (3)

Théorème 1   Soit $ I$ un intervalle de $ \mathbb{R}$ et $ a$ une fonction définie et continue sur $ I$. Soit $ A : I\to\mathbb{R}$ une primitive de $ a$ sur $ I$. L'ensemble des solutions sur $ I$ de (3) est l'ensemble des fonctions $ y$ de $ I$ dans $ \mathbb{R}$, telles que

$\displaystyle \forall t\in I\;,\quad y(t) = C \mathrm{e}^{A(t)}\;,$ (4)

$ C$ est une constante réelle quelconque.

Dans cet énoncé $ A$ est une primitive quelconque de $ a$. Deux primitives diffèrent par une constante additive. Remplacer une primitive par une autre dans (4) ajoute une constante dans l'exponentielle, donc multiplie l'exponentielle par une constante. L'ensemble des solutions de (3) est une droite vectorielle : toutes les solutions sont proportionnelles entre elles.

Dans le cas particulier où $ a$ est constante, la solution générale de l'équation $ y'(t)=a y(t)$ est $ y(t)=C \mathrm{e}^{at}$, ce que vous saviez déjà. Démonstration : Multiplions les deux membres de (3) par $ \mathrm{e}^{-A(t)}$, qui est toujours non nul. Toute solution de (3) vérifie aussi :

$\displaystyle y'(t)\mathrm{e}^{-A(t)} = a(t)y(t)\mathrm{e}^{-A(t)}
\;\Longleftrightarrow\;
y'(t)\mathrm{e}^{-A(t)}- a(t)y(t)\mathrm{e}^{-A(t)}=0\;.
$

Or le premier membre est la dérivée de $ y(t)\mathrm{e}^{-A(t)}$. Donc $ y$ est solution si et seulement si la fonction $ t\mapsto y(t)\mathrm{e}^{-A(t)}$ a une dérivée nulle sur $ I$, c'est-à-dire s'il existe une constante $ C$ telle que pour tout $ t\in I$,

$\displaystyle y(t)\mathrm{e}^{-A(t)}=C.
$

Ainsi, pour tout $ t\in I$, $ y(t)=C\mathrm{e}^{A(t)}$. $ \square$ Il n'est pas conseillé de retenir (4) par c\oeur, mais plutôt de refaire le calcul pour chaque équation par le moyen mnémotechnique suivant (non rigoureux mais efficace). Commençons par mettre (3) sous la forme

$\displaystyle \frac{y'(t)}{y(t)} = a(t)\;,
$

sans nous préoccuper de la nullité éventuelle de $ y(t)$. Si on prend une primitive de chaque membre, les deux primitives doivent être égales à une constante près, que l'on note $ \ln(C)$.

$\displaystyle \ln\vert y(t)\vert = \int_{t_0}^t a(s) \mathrm{d}s +\ln(C)\;.
$

L'exponentielle des deux membres donne :

$\displaystyle \vert y(t)\vert = C \exp\left(\int_{t_0}^t a(s) \mathrm{d}s\right)\;.
$

Si la valeur absolue de $ y$ est proportionnelle à $ \exp\left(\displaystyle\int_{t_0}^t a(s) \mathrm{d}s\right)$, soit $ y$ est nulle partout, soit $ y$ ne s'annule nulle part. Dans ce dernier cas, comme les fonctions $ y$ et $ \vert y\vert$ sont continues, $ y(t)=\vert y(t)\vert$ partout ou bien $ y(t)=-\vert y(t)\vert$ partout. On retrouve donc (4).

Voici un exemple.

$\displaystyle y'(t) = \frac{1}{t} y(t)\;.
$

Observons que dans ce cas la fonction $ a(t)$ n'est pas définie en 0. On ne pourra donc résoudre l'équation que sur l'un des deux intervalles $ ]-\infty,0 [$ ou $ ] 0,+\infty[ $. La méthode ci-dessus se détaille comme suit.
$\displaystyle \displaystyle{\frac{y'(t)}{y(t)}}$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \displaystyle{\frac{1}{t}}$  
$\displaystyle \ln\vert y(t)\vert$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \ln\vert t\vert +\ln(C)$  
$\displaystyle y(t)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle Ct\;.$  

Malgré l'expression obtenue, les solutions ne peuvent pas être définies sur $ \mathbb{R}$ tout entier, puisque l'équation n'a pas de sens en $ t=0$. La fonction définie par

\begin{displaymath}
y(t) = \left\{
\begin{array}{rl}
2t &\mbox{si } t>0\\
-3t &\mbox{si } t<0\;,
\end{array}\right.
\end{displaymath}

est solution de l'équation, sur $ ]-\infty,0 [$ et sur $ ] 0,+\infty[ $.

Outre déterminer la solution générale, on peut aussi chercher une solution vérifiant une condition donnée ; c'est le problème de Cauchy.

Proposition 1   Soit $ I$ un intervalle de $ \mathbb{R}$ et $ a$ une fonction continue sur $ I$. Soit $ t_0$ un point de $ I$ et $ y_0$ un réel quelconque. Il existe une unique fonction vérifiant (3) et telle que $ y(t_0)=y_0$. Cette solution est définie par :

$\displaystyle y(t) = y_0 \exp\left(\int_{t_0}^t a(s) \mathrm{d}s\right)\;.
$

Démonstration : La vérification, en utilisant le théorème 1, est immédiate.$ \square$

La technique de résolution des équations linéaires homogènes reste valable pour des équations différentielles du type $ y'(t)=a(t)\psi(y(t))$, pourvu que l'on sache calculer une primitive de $ \frac{1}{\psi}$. Voici un exemple.

$\displaystyle y'(t)=(y(t))^\alpha\;,
$

avec $ \alpha\neq 1$. En divisant par $ y^\alpha$ puis en prenant la primitive des deux membres, on obtient :

\begin{displaymath}
\begin{array}{lcl}
\displaystyle{\frac{y'(t)}{(y(t))^\alpha}...
...
\Big((1-\alpha)(t+C)\Big)^{\frac{1}{1-\alpha}}}\;.
\end{array}\end{displaymath}

Si $ 1\!-\!\alpha<0$, $ y(t)$ tend vers $ +\infty$ quand $ t$ tend vers $ -C$ par valeurs inférieures, et $ y(t)$ n'est pas défini pour $ t\ge -C$. On dit que la solution «explose en temps fini», dans le cas présent, au temps $ t_e=-C$. Remarquons que pour une solution initiale $ y(0)$ strictement positive donnée, le temps d'explosion vaut

$\displaystyle t_e=(y(0))^{1-\alpha}/(\alpha\!-\!1).
$

Donc $ t_e$ est une fonction décroissante de $ \alpha$. Intuitivement, cela traduit le fait que plus le taux d'accroissement est fort, plus l'explosion a lieu rapidement. À titre d'exemple, la figure 5 représente quelques solutions de l'équation $ y'=y^2$.
Figure 5: Explosion en temps fini : solutions de $ y'=y^2$, partant de $ y(0)=1/4, 1/3, 1/2, 1$.
\includegraphics[width=12cm]{explosion}

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