Notre cher et bien aimé le Sr Pascal nous a fait remontrer qu'à l'invitation du Sr Pascal, son père, nostre Conseiller en nos conseils, et président en notre Cour des Aydes d'Auvergne, il auroit eu, dès ses plus jeunes années, une inclination particulière aux sciences Mathématiques, dans lesquelles par ses études et ses observations, il a inventé plusieurs choses, et particulièrement une machine, par le moyen de laquelle on peut faire toutes sortes de supputations, Additions, Soustractions, Multiplications, Divisions, et toutes les autres Règles d'Arithmétique, tant en nombre entier que rompu, sans se servir de plume ni jettons, par une méthode beaucoup plus simple, plus facile à apprendre, plus prompte à l'exécution, et moins pénible à l'esprit que toutes les autres façons de calculer, qui ont été en usage jusqu'à présent ; et qui outre ces avantages, a encore celuy d'estre hors de tout danger d'erreur, qui est la condition la plus importante de toutes dans les calculs. De laquelle machine il avoit fait plus de cinquante modèles, tous differens, les uns composez de verges ou lamines droites, d'autres de courbes, d'autres avec des chaisnes les uns avec des rouages concentriques, d'autres avec des excentriques, les uns mouvans en ligne droite, d'autres circulairement, les uns en cones, les autres en cylindres, et d'autres tous différens de ceux-là, soit pour la matière, soit pour la figure, soit pour le mouvement : de toutes lesquelles manières différentes l'invention principale et le mouvement essentiel consistent en ce que chaque roue ou verge d'un ordre faisant un mouvement de dix figures arithmétiques, fait mouvoir sa prochaine d'une figure seulement. Après tous lesquels essais auxquels il a employé beaucoup de temps et de frais, il seroit enfin arrivé à la construction d'un modèle achevé qui a été reconnu infaillible par les plus doctes mathématiciens de ce temps, qui l'ont universellement honoré de leur approbation et estimé très utile au public.«...chaque roue ou verge d'un ordre faisant un mouvement de dix figures arithmétiques, fait mouvoir sa prochaine d'une figure seulement» : ce principe de base était encore utilisé récemment pour les compteurs kilométriques.
Reprenant le mécanisme de Pascal, et lui ajoutant l'invention fondamentale de cylindres cannelés à dents progressives, Leibniz (1646-1716) conçoit en 1671 une machine élaborée, à laquelle il travaillera tout au long de sa vie. Les difficultés mécaniques étaient telles que des machines à calculer véritablement opérationnelles ne seront commercialisées qu'au XIXesiècle. Une fois de plus, Leibniz s'était montré remarquablement visionnaire : «Il est indigne d'hommes éminents de perdre des heures comme esclaves dans le travail de calcul, qui pourrait sûrement être confié à n'importe qui, si des machines étaient utilisées».