Le logarithme népérien vous a sans doute
été présenté comme la primitive de la fonction
qui s'annule en , et l'exponentielle comme sa fonction
réciproque. On en déduit alors les propriétés de ces deux
fonctions. Nous allons voir une autre définition.
Le but de ce qui suit est de construire les fonctions exponentielle et
logarithme, et d'en démontrer les principales propriétés,
à partir de la propriété fondamentale de l'exponentielle,
qui est de transformer les sommes en produit.
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(3) |
Cette construction illustrera l'utilisation des outils de base de
l'analyse : limites, continuité, dérivabilité, convexité.
Dans un premier temps, nous raisonnerons par condition nécessaire,
en supposant l'existence d'une fonction vérifiant
(3), pour en déduire ses propriétés.
Démonstration : Si , alors pour tout
,
Donc, soit est identiquement nulle,
soit elle ne s'annule jamais. Comme
, si
, alors
. Ensuite,
, d'où le point
2. Le point 3 se vérifie aussi facilement,
par récurrence sur .
Démonstration : D'après la proposition 10, si est non nulle, alors
. Comme est continue en 0, il existe tel que
pour tout
, . Soit
quelconque ; il
existe
tel que
. D'après le point
3 de la proposition 10,
.
Montrons maintenant la continuité en un point quelconque de
.
car est continue en 0 et .
La démonstration de la convexité est plus difficile. Nous
souhaitons montrer que pour tout , et pour tout
,
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(4) |
Nous allons d'abord montrer que pour tout
,
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(5) |
D'après (3) et le point 3 de la proposition
10,
On pourrait en déduire (5), en utilisant...
la concavité du logarithme, que nous sommes précisément en train
de construire. Ce ne serait pas de jeu !
Nous allons démontrer (5) par récurrence sur .
Observons d'abord que (5) est trivialement vraie pour
. Vérifions qu'elle est vraie pour .
D'après (3) et puisque est strictement positive, on a :
Il est facile de vérifier que si et sont deux réels
positifs, alors
, d'où (5)
pour .
Nous en déduisons ensuite que si (5) est vraie pour un
entier , alors elle est vraie pour . En effet :
Montrons maintenant que si (5) est vraie pour un entier
, alors elle est vraie pour .
Soit en regroupant les termes :
d'où le résultat pour . Maintenant, si (5)
est vraie pour un entier , elle est vraie pour , et d'après
ce qui précède, aussi pour , , ...,
. Elle est donc vraie pour tout .
Soient et deux entiers positifs tels que , et deux
réels tels que . Appliquons (5) pour ,
, et
. On obtient :
soit (4) pour
. Donc (4) est vraie
pour tout rationnel. Mais tout réel étant limite d'une
suite de rationnels, et la fonction étant continue, (4)
est aussi vraie pour tout réel, donc est convexe.
La dérivabilité se déduit de la convexité, en utilisant la
propriété (3). Commençons par montrer que est
dérivable en 0. Considérons la fonction , qui à
associe l'accroissement :
La fonction étant convexe, ses accroissements sont croissants,
donc la fonction admet une limite à gauche et une limite
à droite en 0. La fonction est donc dérivable à gauche et
à droite en 0. Nous devons montrer que les deux dérivées sont
égales. Pour cela, calculons
, en utilisant le point
2 de la proposition 10.
Or quand tend vers 0,
tend vers , par
continuité de en 0. Donc la limite à gauche de en
0 est égale à sa limite à droite, ce qui entraîne que
est dérivable en 0. Pour en déduire la dérivabilité en un
point quelconque de
, il suffit d'appliquer une fois de plus
la propriété (3) :
Puisque est strictement positive,
est de signe
constant. La fonction est :
- strictement croissante si ,
- constante (et égale à ) si ,
- strictement décroissante si .
Jusqu'ici nous n'avons raisonné que par condition nécessaire :
rien ne prouve encore qu'il existe des fonctions vérifiant les
hypothèses des deux propositions précédentes.
Proposition 12
Pour tout , il existe une unique fonction , continue en 0,
vérifiant (
3)
, et telle que .
Démonstration : La fonction qui répond à la question est évidemment celle qui
à
associe
. Encore faut-il préciser sa
définition, et montrer qu'elle est la seule.
Si est un entier positif, est le produit de facteurs
égaux à , et
. La fonction qui à
associe est strictement croissante et bijective de
dans
. Donc sa réciproque est aussi strictement croissante et
bijective de
dans
. Si est un réel positif, le
réel tel que est donc défini de façon unique, et
on convient de le noter
, de sorte que
.
Si
est un rationnel, nous savons donc définir
. Cette définition, et les
propriétés des puissances entières, entraînent que
la propriété (3) est vérifiée pour tout couple
de rationnels :
.
Nous souhaitons étendre la définition de à tous les réels, par
continuité. Observons d'abord que nous pouvons, sans perte de
généralité, supposer que et , grâce à la
propriété
. Si et sont deux
rationnels tels que , alors
. Une des propriétés
fondamentales de l'ensemble
est que tout réel est la borne
supérieure de l'ensemble des rationnels qui lui sont inférieurs.
Si est un réel quelconque
et , nous pouvons donc définir
comme :
et
Il reste à vérifier que la fonction ainsi définie est bien
continue, et qu'on a donc aussi :
et
Pour cela, commençons par montrer que si est
une suite de rationnels positifs, tendant vers 0, alors
converge vers . Fixons
tel que
. Considérons les deux suites
et
.
Si la suite tend vers 0, la suite
tend
vers .
Si est un réel positif,
alors quand
tend vers l'infini,
tend vers 0 si , vers si .
On en déduit que
converge vers 0, alors que
converge vers . Donc il
existe tel que pour tout ,
soit
.
Si les sont des rationnels négatifs, la conclusion est
la même car
. Donc la conclusion reste
vraie pour une suite de rationnels de signe quelconque.
On en déduit donc que la fonction que nous avons définie est bien
continue en 0.
Pour , la fonction qui à associe est donc continue en
0, elle est non nulle, et elle vérifie (3) pour tout
rationnels, donc pour tout réels, en passant à la
limite. D'après le point 2 de la
proposition 11, elle est donc
continue sur
.
Pour l'unicité, il suffit d'observer que si une fonction
vérifie (3) et est telle que , alors par la
proposition 10, elle est telle que , pour tout
rationnel. Deux fonctions continues qui coïncident sur les
rationnels, sont nécessairement égales (tout
réel est limite d'une suite de rationnels). Donc , pour
tout réel. Pour , notons l'unique fonction continue en 0,
vérifiant (3), et telle que , à savoir
la fonction qui à
associe .
Puisque , la fonction est non nulle et on peut lui appliquer
la proposition 11 : est
dérivable sur
.
Définition 8
On appelle logarithme, et on note la fonction définie sur
, qui à associe
.
Proposition 13
- Pour tout , on a :
- Pour tout et
, on a :
- La fonction est strictement croissante, et :
et
Démonstration : Pour le premier point, soient et deux réels strictement
positifs, et considérons la fonction . On a :
On calcule donc la dérivée de en 0, en dérivant le
produit :
Pour le point 2, soit et deux réels.
Fixons , dérivons par rapport à et prenons la dérivée en
0.
On obtient :
d'où le résultat.
Passons au point 3. Fixons . La fonction est alors
strictement croissante, elle admet donc une limite en . Or la
suite tend vers , donc la limite de en
est . La relation
montre que la
limite de en est 0. La fonction est donc
bijective, de
dans
. La relation
montre que la fonction réciproque de est la fonction qui à
associe
. Cette fonction est donc
strictement croissante et bijective de
dans
. Il nous reste à définir la fonction exponentielle, qui est la
réciproque du logarithme. D'après le point 3 de la
proposition 13, il existe un réel unique, strictement
positif, dont le logarithme vaut . On le note
.
Définition 9
On appelle exponentielle, et on note , la fonction qui à
associe
, où
est l'unique réel
tel que
.
Proposition 14
L'exponentielle est la réciproque du logarithme. Les deux fonctions
sont strictement croissantes et dérivables.
et
Puisque , on a
, par le point 2 de la
proposition 13. La dérivée de l'exponentielle est
donnée par le point 4 de la proposition 11. On
dérive le logarithme comme une fonction réciproque :
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