On appelle fraction rationnelle le quotient de deux polynômes.
La plupart des primitives que l'on sait calculer formellement se
ramènent à des calculs de primitives de fractions rationnelles,
par des changements de variable simples. Nous commençons par
recenser les fractions rationnelles particulières dont on sait calculer une
primitive. On les appelle les
éléments simples. On note un entier strictement positif,
et
des réels quelconques.
: primitive
.
: primitive pour ou
pour .
, avec
.
Le dernier type est le plus difficile à intégrer. La technique
conseillée est la suivante. On commence par faire apparaître au
numérateur la dérivée du trinôme.
Cette dernière expression est combinaison linéaire de deux
termes. Le premier
est de la forme
. Une primitive est donc :
si , ou bien :
si .
Reste à intégrer le second terme,
Il faut commencer par mettre le trinôme sous
forme canonique :
On effectue alors un changement de variable affine :
qui ramène le calcul à celui d'une primitive du type :
Si , on obtient
. Pour , une astuce permet
d'effectuer un calcul itératif en faisant baisser le degré du
dénominateur.
Le premier terme est
. Le second terme s'intègre par
parties, en dérivant
.
On ramène donc ainsi le calcul de à celui de
. En itérant, on arrive à
.
On peut se demander pourquoi le type 3 a été restreint aux
dénominateurs tels que
. La raison est
que dans le cas
, le type 3 se ramène au type
2. En effet, si , le trinôme s'écrit :
Si , le trinôme a deux racines réelles. Il
s'écrit :
où et désignent les deux racines. Or :
Une primitive de
est donc :
Nous commençons par généraliser ceci à des fractions
rationnelles dont le dénominateur a deux racines réelles distinctes.
Proposition 2Soient et deux entiers, et deux réels
distincts. Il existe des réels
et
tels que :
Démonstration : La démonstration s'effectue par récurrence sur , en utilisant
le cas que nous avons déjà examiné.
Notons
la propriété énoncée dans le
théorème. Nous avons déjà montré que
est
vraie. Pour tout ,
et
sont
évidemment vraies. Pour et
, on peut écrire :
Si
et
sont vraies, on en
déduit que
est vraie. Donc
est
vraie pour tout
. La décomposition que nous venons d'effectuer, d'une fraction
rationnelle particulière en une combinaison linéaire
d'éléments simples, se généralise à des fractions
rationnelles quelconques. Nous ne donnerons pas la démonstration du
théorème suivant, semblable à celle de la proposition
précédente, mais beaucoup plus fastidieuse.
Théorème 5Considérons une fraction rationnelle du type , où
et sont deux polynômes à coefficients réels, supposés
premiers entre eux (fraction irréductible). Considérons
une factorisation du dénominateur sous la forme :
où
sont les racines réelles de , de
multiplicités
, et les trinômes
sont ses facteurs de degré , de discriminant strictement négatif,
correspondant aux racines complexes de .
La fraction rationnelle s'écrit comme combinaison linéaire
des éléments simples suivants.
, où
.
, où
et
.
,
où
et
.
Pour comprendre cette décomposition, le mieux est d'examiner sa
forme sur un cas particulier, rassemblant les différentes
situations.
où les lettres
désignent des réels à
déterminer. La théorie assure que ces réels existent et sont
uniques. Il suffirait donc de réduire tous les éléments simples
au même dénominateur, et d'identifier les numérateurs
pour obtenir autant d'équations que d'inconnues (14 dans notre
cas). Ce n'est pas ainsi qu'on procède en pratique. On utilise
plusieurs techniques de manière à déterminer le plus de
coefficients possibles par des équations simples. Voici ces
techniques.
Pour la partie polynomiale.
Celle-ci est non nulle seulement
dans le cas où le degré du numérateur est supérieur ou égal
au degré du dénominateur. Dans ce cas le polynôme cherché, que
l'on appelle la partie entière, est
le quotient de la division euclidienne de par :
où le reste est de degré strictement
inférieur au degré de .
Dans notre exemple,
.
Il faut s'assurer auparavant que la fraction est bien irréductible,
et la simplifier éventuellement si elle ne l'était pas.
Pour les termes en
.
Si on multiplie les deux membres de la décomposition par
, la racine disparaît. On peut donc
remplacer par , ce qui annule tous les termes de la
décomposition sauf un. Il reste à
gauche une certaine valeur, que l'on calcule en général facilement.
Dans notre exemple, si on multiplie les deux membres par , et
qu'on remplace par , on
trouve :
soit
.
Pour les termes en
.
On procède de même, en remplaçant par
une des racines complexes du trinôme. Dans notre cas, on multiplie
les deux membres par , et on remplace par
. On trouve :
On identifie alors la partie réelle et la partie imaginaire :
et
.
Pour les autres termes.
Il faut chercher les équations les plus simples possibles, en
prenant des valeurs particulières pour , qui ne soient pas des
racines du dénominateur (, , etc.).
On peut aussi
penser à faire tendre vers l'infini. On n'a recours à une
réduction au même dénominateur avec identification des
coefficients qu'en dernier ressort.
Grâce à la décomposition en éléments simples, nous sommes
maintenant en mesure d'intégrer n'importe quelle fraction
rationnelle, puisque nous savons intégrer chacun des éléments
simples. Nous allons détailler l'exemple suivant.
Le numérateur et le dénominateur sont premiers entre eux, la
fraction est bien irréductible.
Sa décomposition en éléments simples a la forme suivante.
La division euclidienne du numérateur par le dénominateur donne :
Donc , , et :
On peut désormais ne travailler que sur la partie restante, à
savoir :
On multiplie les deux membres par , et on remplace par
. On trouve
.
On multiplie ensuite les deux membres par
, et on
remplace par
. On trouve
.
En identifiant les parties réelles et
imaginaires, on trouve
et
. La solution de ce système
de deux équations à deux inconnues est
et
.
On peut ensuite remplacer par
, et identifier partie réelle et
partie imaginaire. On trouve
et
.
Il est bon de vérifier les calculs, par une ou plusieurs valeurs
particulières.
Pour : .
Pour :
.
Après avoir enlevé la partie entière, si on
multiplie les deux membres par et qu'on fait tendre vers
: .
Ayant la décomposition en éléments simples, nous sommes
maintenant en mesure de calculer une primitive.
On calcule séparément primitives.
Les deux premières sont faciles.
Les deux suivantes sont plus difficiles.
Calculons séparément la primitive suivante.
Effectuons le changement de variable :
soit et
En regroupant les calculs :
Passons maintenant à :
Calculons séparément la primitive suivante.
Effectuons le changement de variable :
soit et
Calculons enfin par parties :
En regroupant l'ensemble des résultats, on trouve :