Au début du IXe siècle Al Khawarizmi (dont le nom a donné algorithme) décrit la méthode de résolution des équations du second degré, pratiquement telle que vous la connaissez (mais en supposant que le discriminant est positif ou nul). Il faudra attendre sept siècles et une belle bagarre avant que l'on sache résoudre les équations de degrés 3 et 4. Elle mit aux prises essentiellement deux mathématiciens italiens de la renaissance, Niccolò Fontana, dit Tartaglia (1499-1557) et Girolamo Cardano (1501-1576) (l'inventeur du joint de Cardan) : si vous êtes sages, nous vous la raconterons dans un autre chapitre.
Voici ce que l'on appelle de manière assez injuste les «formules de Cardan». Considérons l'équation :
Tartaglia et Cardan n'utilisaient leurs formules que pour des équations dont on savait à l'avance qu'elles avaient des solutions réelles. Quand tout se passait bien, (9) donnait cette solution réelle. En factorisant par , on se ramenait à une équation de degré que l'on savait résoudre.
Cardan, puis Bombelli furent intrigués par l'équation , dont est racine. Pourtant, la formule de Cardan donne comme solution
Et les équations de degré 5 ? On chercha longtemps une «résolution par radicaux» : une formule générale ne faisant intervenir que les opérations de et l'extraction de racines. Le mémoire sur la résolution algébrique des équations que Joseph Louis Lagrange (1736-1813) publia en 1772 était une avancée importante. Il proposait une théorie ramenant le problème à l'étude des différentes valeurs que peuvent prendre certaines fonctions des racines lorsque l'on permute ces racines entre elles. Il y montrait aussi que les méthodes qui avaient conduit à la résolution des équations de degrés et ne pouvaient pas fonctionner sur une équation de degré générale. Il s'écoula encore 60 ans avant qu'Evariste Galois (1811-1832) ne comprenne que la résolubilité par radicaux était liée aux propriétés du groupe des permutations des racines. Une conséquence de la théorie de Galois était la démonstration du fait que les équations de degré 5 n'étaient pas résolubles par radicaux en général. Ce n'est qu'en 1870, avec la parution du «Traité des substitutions et des équations algébriques» de Camille Jordan (1838-1922) que l'ampleur des conceptions de Galois fut pleinement comprise.
Il faut dire que Galois avait exposé ses idées dans des articles plutôt mal écrits, souvent incomplets, ainsi que dans une lettre à un ami, fébrilement écrite dans la nuit du 29 mai 1832. Elle se terminait par ces mots : «Après cela, il y aura j'espère des gens qui trouveront leur profit à déchiffrer tout ce gâchis. Je t'embrasse avec effusion». Le lendemain matin, il mourait des suites d'un duel ; il avait 21 ans.