Mariages et produit intérieur brut


C. Robert


Figure 1. Représentation du taux de mariages en France en fonction du PIB rapporté à l'année 1974 (données INSEE). La droite représentée est la droite de régression linéaire (ou encore d’ajustement par moindres carrés), de pente -1,2.

La figure ci-dessus représente le taux de mariage multiplié par 1000 (nous le noterons TM) en fonction du Produit Intérieur Brut rapporté à l'année 1974 (noté PIB) pour toutes les années allant de 1974 à 1981. Les points obtenus sont presque alignés.

S'agit-il d'un scoop : l'augmentation du PIB provoquerait-elle une chute de la nuptialité ?

Nous avons montré cette figure à divers publics. Voici les propos les plus fréquemment recueillis :

- Ça ne prouve rien ; les points sont alignés, mais ça ne veut rien dire.

- C'est idiot de faire un tel graphique. Alors on trouve un résultat idiot.

- Ce n'est pas parce qu'on met le PIB en abscisse et le taux de mariages en ordonnée que l'un est la cause de l'autre. Si on mettait le TM en abscisse et le PIB en ordonnée, on pourrait tout aussi bien dire qu'une des causes multiples de l'augmentation du PIB entre 1974 et 1981 est la baisse de la nuptialité.

On peut aussi dire qu’il n'y a priori aucune raison d'étudier la variation du TM en fonction du PIB ; néanmoins, l'alignement observé mérite une explication. En fait, les deux quantités observées (taux de mariage et PIB) sont des quantités qui évoluent avec le temps. C'est d'abord cette évolution qu'il convient de regarder. Les figures 2 et 3 montrent que le TM et le PIB varient en gros linéairement avec le temps (nuages de points presque alignés).


Figure 2. Evolution du taux de mariages entre 1974 et 1981

Figure 3. Evolution du PIB rapporté à l'année 1974 entre 1974 et 1981
Dès lors, tout s'explique.

Appelons VT(i) la variation du taux de mariage entre l'année i et l'année i-1 (la différence entre les valeurs de TM pour les années i et i-1). L'alignement des points de la figure 2 signifie que cette variation dépend très peu de i. On peut la prendre ici approximativement égale à -0,24 (qui est la pente de la droite de régression linéaire).

Appelons VP(i) la variation du PIB entre l'année i et l'année i-1 . L'alignement des points de la figure 3 signifie que cette variation dépend très peu de i. On peut la prendre ici approximativement égale à 0,20 (qui est la pente de la droite de régression linéaire).

Entre deux points de la figure 1 correspondant à deux années consécutives, la pente est le rapport VT(i)/VP(i). Ce rapport est à peu près constant, égal à -0,24/0,20=-1,2.

Et voilà.

On pourrait ainsi obtenir des nuages de points presque alignés à partir de deux quantités quelconques ayant comme propriété commune d'avoir un taux d'accroissement annuel presque constant. Par exemple, le taux de chômage en Europe et le nombre de touristes visitant la statue de la liberté à New-York...

Nous avons montré que la figure 1 ne constituait pas une preuve de l'existence d'un lien direct entre PIB et taux de mariage ; la figure 4 quant à elle montre que ce lien n'existe pas.


Figure 4. Taux de mariage et PIB rapporté à l'année 1974 entre 1974 et 1994.