Démonstration : Montrons tout d'abord que , d'où on déduit aussitôt que possède au plus éléments.
Soit un élément de ; il existe alors tel que . Effectuons la division euclidienne de par , soit ; on voit alors que ou encore que . Mais , donc on a bien prouvé que était dans l'ensemble proposé.
Montrons maintenant que ces éléments sont deux à deux distincts, prouvant ainsi que possède au moins éléments.
Soit et deux entiers distincts avec et . Des inégalités et on déduit que ; des inégalités et on déduit que et de l'hypothèse on déduit que . On en conclut que , c'est-à-dire que et sont deux éléments distincts de .
On a donc bien prouvé que possède exactement éléments.
Prudence ! Cette définition est aussi innocente en apparence que celles qui l'ont précédée. Et pourtant, elle pourrait n'avoir rigoureusement aucun sens.
En effet, la définition de la somme de deux éléments et de nécessite implicitement de les mettre préalablement sous forme et . Mais il y a plusieurs façons de les mettre sous cette forme ! Il faut donc vérifier que la définition ne dépend pas du choix fait dans cette phase préparatoire. Pour montrer à quel point c'est indispensable, donnons une
Fausse définition (buggée) Soit et deux éléments de . On dira que lorsque .
Il est facile de comprendre pourquoi cette «définition» est bonne pour la corbeille à papier : dans , prenons et . En les écrivant ainsi, la «définition» nous donne : . Mais on peut aussi écrire et comme précédemment . En s'y prenant ainsi, . Cette «définition» n'a donc en fait aucun sens.
Sermon (ou : Prudence II, le retour) Malgré ses dehors anecdotiques, il est indispensable de comprendre cette remarque. La fausse définition et la bonne sont semblables formellement, alors que l'une est absurde et l'autre non. Fin du sermon.
Procédons donc à cette indispensable vérification. Soit et deux éléments de . La cohérence de la définition exige de prouver que . La vérification est alors évidente étant un multiple de parce que et le sont tous les deux. De même car .
Ainsi au point où nous en sommes, est muni d'une addition et d'une multiplication. Traçons un exemple de tables, pour voir quelle tête elles ont. Ce sera l'exemple de .
On note dans cette table et dans les suivantes .
Démonstration : Elle est d'un ennui mortel, et ne présente aucune difficulté. Pour en faire un tout petit bout, montrons que l'addition est associative : soit , et trois éléments de . On peut les écrire sous forme , , . Vu la définition de l'addition dans , on a alors
Et toutes les vérifications seraient de ce genre. Nous décidons donc de les laisser au lecteur.
Plus intéressant et légèrement plus subtil est le résultat suivant.
Démonstration : Montrons tour à tour les deux sens de l'équivalence.
Preuve de l'implication directe. On va montrer cette implication par contraposition. Supposons donc que n'est pas premier, et montrons que n'est pas un corps commutatif (on verra même en passant que ce n'est même pas un anneau intègre).
Traitons à part le cas, «stupide», où vaudrait . Dans ce cas, ne possède qu'un élément, donc n'est pas un corps commutatif.
Examinons le cas, significatif, où n'est pas premier, mais n'est pas non plus égal à . Dans ce cas, on peut écrire , où et . Dans l'anneau , on obtient alors la relation , soit . Pourtant, au vu des inégalités vérifiées par et , ni ni n'est nul. Donc n'est pas intègre, et a fortiori n'est pas un corps commutatif.
On a bien prouvé dans les deux cas que n'est pas un corps commutatif.
Preuve de l'implication inverse. Supposons premier, et montrons que est alors un corps commutatif.
Nous savons déjà que la multiplication sur est commutative.
Comme possède éléments, il en possède au moins deux.
Soit un élément non nul de . On peut écrire pour un entier dans l'ensemble . Puisque est premier, ne possède d'autre diviseur positif commun avec que et donc et sont premiers entre eux. Il existe donc deux entiers relatifs et tels que . En passant aux classes d'équivalence, on obtient : , soit .
On a donc trouvé un inverse de , à savoir .
Finalement, est donc bien un corps commutatif.
Remarque On retiendra de cette démonstration la technique pratique de calcul de l'inverse d'un élément non nul de : écrire une identité de Bézout entre un représentant de cet élément et , et redescendre aux classes d'équivalence.
Et voilà, on sait tout. Reste à donner quelques illustrations afin de convaincre de l'utilité de l'introduction de cette notion abstraite.
Première résolution (sans )
Remarquons que est premier, et donc que et sont premiers entre eux ; cherchons à écrire une identité de Bézout entre 137 et 24 ; en utilisant l'algorithme décrit plus haut, on découvre que :
Deuxième résolution (avec )
Remarquons que est premier, et donc que est un corps commutatif. Faisons tous les calculs dans ce corps.
L'équation proposée se réécrit , soit , soit .
Calculons donc ; pour cela nous connaissons la bonne méthode : écrire une identité de Bézout entre et , à savoir
On en conclut que l'équation proposée équivaut à :
Tout d'abord, l'équation s'écrit et, dans ,
Les solutions de l'équation proposée sont donc
Mais, si , alors si et seulement si . Maintenant, pour tout dans le groupe multiplicatif , on sait que l'ordre de , qui est le nombre d'éléments du groupe , divise le nombre d'éléments de , c'est-à-dire .
Ainsi, pour tout élément de , . L'équation étudiée se simplifie donc grandement en , c'est-à-dire . Sa résolution se ramène donc à la recherche de l'inverse de dans ; on écrit alors une relation de Bézout : et on en déduit que .
Finalement les solutions de l'équation initiale sont donc
Comme dans l'exemple prédédent, on commence par passer dans , où l'équation s'écrit dès lors : . On note , on remarque que n'est pas solution, et on décide donc de résoudre dans .
Maintenant, on remarque que pour tout de , dire que équivaut à dire que l'ordre de divise . Par ailleurs, comme dans l'exemple précédent, pour tout élément de , l'ordre de divise . Ainsi, l'ordre de divise si et seulement s'il divise et , donc si et seulement s'il divise .
On a donc montré que pour tout de , si et seulement si .
Cette nouvelle équation est alors très facile à résoudre : si et seulement si si et seulement si ou .
Les solutions de l'équation initiale sont donc